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La thèse classique : Maroilles, un exemple de la politique de la sécularisation de Charles le Chauve

Section ii: Charles le Chauve est-il responsable de l’introduction des chanoines à Maroilles ?

B) La thèse classique : Maroilles, un exemple de la politique de la sécularisation de Charles le Chauve

A partir de ces documents, la thèse classique exposée par Jean-Marie Duvosquel341 dans deux articles au tournant des années 1960-70 et reprise plus récemment par

339 CHARLES LE CHAUVE 334.

340

Ce texte publié en annexe de son article « Réécriture hagiographique et réforme monastique : les premières Vitae de saint Humbert de Maroilles (X-XIe siècle) », art. cit., p. 220-230.

341 DUVOSQUEL Jean-Marie « L’abbaye de Maroilles en Hainaut et la politique de sécularisation des Carolingiens »p. 1-12 in Anciens pays et assemblées d’états et , « Le domaine de l’abbaye de Maroilles à l’époque carolingienne » in Contributions à l’histoire économique et sociale, p. 5-24

Marie Helvétius dans sa thèse342 a été d’imputer la sécularisation a la volonté politique de Charles le Chauve.

L’argumentation de Jean-Marie Duvosquel est essentiellement fondée sur le fait incontestable que le diplôme de Charles le Chauve est le premier à citer à la tête de Maroilles un abbé laïque « l’illustre comte Enguerrand, notre cher ministerialis abbé du

monastère de Maroilles »343 et à mentionner la présence de chanoines. Il en a déduit que

Charles le Chauve lorsqu’il s’est emparé du monastère de Maroilles à la mort de Lothaire II, avait installé un abbé laïque et remplacé les moines par les chanoines. La faiblesse de son argumentation tient en ce que Jean-Marie Duvosquel n’apporte aucun élément montrant que le monastère de Maroilles abritait des moines et avait à sa tête un abbé régulier au temps des prédécesseurs de Charles le Chauve.

C’est ce que s’est efforcé de démontrer Anne-Marie Helvetius à partir des diplômes de Lothaire Ier et Lothaire II.

Dans sa démonstration, le diplôme de Lothaire Ier au clerc et médecin Aussard tient un rôle assez important. Elle s’appuie surtout sur un historique des biens donnés par Lothaire Ier à Aussard. Cet historique indique que les biens ont été la propriété d’un certain Rodin. Anne-Marie Helvetius identifie ce Rodin avec l’abbé de Maroilles sous le règne de Charlemagne cité par la Vita Humberti prima. A partir de là elle croit pouvoir en déduire que les biens en question donnés par Rodin au monastère de Maroilles ont été sécularisés par l’empereur Lothaire.

Selon elle les moines de Maroilles n’auraient eu de cesse de récupérer ces biens. C’est pour cela qu’Hyroido, abbé de Maroilles, aurait fait confirmer par le roi Lothaire II une concession en bénéfice à Aussard des biens de l’abbatia – c’est-à-dire de la mense abbatiale – de Maroilles, en escomptant récupérer à la mort d’Aussard non seulement les biens qu’il lui a concédés en bénéfice mais aussi ceux que lui a donnés l’empereur Lothaire Ier. En outre, Hyroido prend bien soin de faire stipuler dans le diplôme royal que les biens en question soient affectés à la mense conventuelle in usu fratrum afin que le roi ne puisse pas les séculariser. Le souci que montre Hyroido pour le patrimoine de son établissement laisserait à penser qu’il s’agit d’un abbé régulier. Dans ce cas il serait vraisemblable que le monastère de Maroilles abrite encore sous son abbatiat une communauté monastique.

342 HELVETIUS Anne-Marie, Abbayes, évêques et laïques : une politique du pouvoir en Hainaut au Moyen Age (VIIème-XIème siècle), Bruxelles, 1994.

343 CHARLES LE CHAUVE 334 : « Ingelramnus inluster comes, dilectus ministerialis noster et abbas monasterii Marillas. »

C’est pourquoi Anne-Marie Helvétius est tentée, elle aussi, de mettre en relation la nomination d’un abbé laïque et le remplacement des moines par des chanoines avec la prise de pouvoir de Charles le Chauve en Lotharingie. Elle considère en tout cas comme un fait acquis que le monastère de Maroilles abritait des moines sous l’abbatiat de Rodin puisque, selon son hypothèse, celui-ci conformément à la règle de saint Benoît, a donné ses biens au monastère de Maroilles. Elle souligne en outre l’intérêt que pouvait avoir Charles le Chauve à remplacer les moines par des chanoines344.

C) Nouvelles hypothèses

Nous essaierons de proposer de nouvelles hypothèses pour l’histoire du monastère de Maroilles. Nous analyserons successivement les trois diplômes royaux.

a) Le diplôme de Lothaire Ier en faveur du clerc Aussard

Commençons tout d’abord par le diplôme de Lothaire Ier dont Anne-Marie Helvétius a montré les liens étroits avec l’histoire du monastère de Maroilles bien qu’il ne le concerne pas directement. Nous nous intéresserons à deux particularités formelles de ce diplôme

La première est que ce diplôme se présente comme une donation en propre ad

proprium alors qu’il comporte une clause qui stipule que la donation est faite « seulement s’il (Aussard) demeure dans notre fidélité »345

Anne-Marie Helvétius a cru pouvoir en

déduire qu’il s’agissait en fait d’un « bénéfice royal »346

Cependant si on regarde des documents d’objet comparable, on s’aperçoit que cette clause pour le moins surprenante figure dans tous les diplômes de Lothaire Ier donnant des biens en propre à des laïcs

344 Il convient de noter toutefois que dans son article récent, « Réécriture hagiographique et réforme monastique : les premières Vitae de saint Humbert de Maroilles (Xe-XIe siècle) », art. cit., p. 219, Anne-Marie HELVETIUS suggère, sans la développer, une hypothèse toute différente sur le passage de la

communauté de Maroilles à l vie canoniale : « Dans l’ensemble, on peut supposer que le mode de vie n’avait pas changé depuis les origines de leur communauté à une époque où ils (les religieux de Maroilles) ne s’appelaient pas encore chanoines. »

345 LOTHAIRE Ier 118: “in nostra dumtaxat permanens fidelitate”

346

Anne-Marie HELVETIUS Abbayes, évêques et laïques : une politique du pouvoir en Hainaut au Moyen Age (VIIème-XIème siècle), Bruxelles, 1994, p. 175, note 23 : « Jamais le terme beneficium n’apparaît dans l’acte, ce qui pourrait faire croire à première vue à une donation pure et simple ; cependant, l’acte contient une petite phrase montrant qu’il n’en est rien, puisque l’auteur précise que les biens seront à la disposition d’Aussars tant que ce dernier in notra dumtaxat permanens fidelitate. »

postérieurs à 840. L’exemple le plus convaincant est le diplôme de Lothaire Ier pour le comte Esich du 20 mars 843 par lequel l’empereur attribue en propre des biens que le comte possédait déjà en bénéfice :

« pour que nous concédions en propre quelques-uns des biens de notre droit qu’il possédait lui-même à titre de bénéfice »347

Or Lothaire accède à la demande du comte Esich :

« à condition pourtant qu’il ne s’éloigne jamais de notre fidélité mais qu’il persévère immuablement à notre service sans aucune hésitation »348

Il y a là un trait tout à fait singulier qui amène à s’interroger sur la signification des « donations en pleine propriété » faite par l’empereur Lothaire. En tout cas cela confirme qu’il convient de considérer le diplôme de Lothaire en faveur d’Aussard comme un acte de donation en pleine propriété.

La deuxième particularité formelle de ce diplôme est que, contrairement à ce qui est de règle dans les diplômes royaux, il n’est pas spécifié que les biens donnés à Aussard appartiennent au souverain. Au lieu des formules habituelles res juris nostri ou res

proprietatis nostrae figure un historique de ces biens :

« parmi les biens qu’autrefois le défunt Adalbert avait autrefois acheté et a laissé à son fils Rodin et que maintenant Rigbert possédait. »349

Il convient d’abord de remarquer que l’absence, dans un diplôme, de la mention d’un droit du souverain sur les biens donnés signifie le plus souvent que le souverain donne en réalité des biens qui appartiennent à un autre. Ainsi Olivier Guillot a bien montré que dans le diplôme de Charles le Chauve attribuant au monastère de Saint-Philibert la

cella de Bussilogum, l’absence de précision quant au droit du souverain sur cette cella

s’expliquait par le fait que celle-ci était en réalité aux mains d’Erispoé350

. Il nous semble que c’est ici aussi le cas.

347

LOTHAIRE Ier 70 : « ut aliquantum ex rebus iuris nostri quibus ipse ordine possidebat beneficiario ad proprium concederemus. »

348 Idem : « ita tamen, ut, nusquam a nostra discedat fidelitate sed immobiliter in nostris perseveret obsequiis absque aliqua tergiversatione. »

349 LOTHAIRE Ier 118 : « ex rebus, quas quodam Adalbertus olim comparaverat et filio suo Rodino dimisit et nunc Rigbertus possidebat. »

350 GUILLOT Olivier, « Le diplôme de Charles le Chauve attribuant au monastère de Saint-Philibert la cella de Bussilogum » in Saint-Philibert de Tournus. Histoire. Archéologie. Art, Actes du colloque du Centre international d’Études romanes, Tournus, 15-19 juin 1994, CIER, 1995, p. 41-58, réimprimé in Arcana imperii (IVe-XIe siècles) p. 435-453, ici p. 46 (442).

Il faut donc se demander à qui appartiennent les biens donnés par Lothaire Ier à Aussard. L’hypothèse proposée par Anne-Marie Helvetius est que les biens donnés appartiennent en réalité à l’abbatia de Maroilles. Cela peut sembler plausible puisque Georges Tessier, dans son édition des diplômes de Charles le Chauve, a relevé le cas d’un certain nombre de diplômes où, de fait, l’absence de mention des droits du roi sur les biens donnés s’explique, semble-t-il, par le fait que ces biens appartiennent à des abbatiae. Il faut noter toutefois que cela concerne des diplômes en faveur des abbatiae en question. Il s’agit en réalité de restitutions de biens présentées comme des libéralités royales351

.

Cependant, dans le cas présent, une autre hypothèse nous paraît préférable car elle est suggérée, nous semble-t-il, par le texte même du diplôme. Cet historique paraît avoir pour but d’établir la légitimité des droits de Rigbert sur les biens donnés à Aussard. L’on est donc tenté de considérer que le monarque donne à Aussard des biens appartenant à Rigbert, soit qu’il y ait eu accord sur ce point entre Lothaire et Rigbert, soit que Lothaire ait confisqué les biens de Rigbert en raison de son infidélité. Il ne s’agit là bien sûr que d’hypothèses mais elles nous paraissent tout aussi plausibles que celle proposée par Anne-Marie Helvétius. La faiblesse de celle-ci est qu’elle suppose que l’historique des biens présenté dans le diplôme omet volontairement de retracer plusieurs épisodes de l’histoire de ces biens d’une part la donation de ces biens au monastère de Maroilles par Rodin ; d’autre part la sécularisation de ses biens par le souverain. Il ne nous paraît pas nécessaire de suspecter a priori la véracité de cet historique.

En tout cas, il nous semble qu’il est hasardeux de déduire de cette clause quoi que ce soit quant à l’observance de l’abbé Rodin et de la congrégation à lui confiée. Anne-Marie Helvétius présente en effet comme corollaire de son hypothèse que Rodin est abbé régulier de Maroilles, d’où, pour se conformer à la règle de saint Benoît, il a dû remettre ses biens propres au monastère de Maroilles. Une telle déduction est, nous semble-t-il, fondée sur une erreur de logique. En effet, si le fait qu’un personnage entre au monastère implique selon la règle de saint Benoît qu’il doit donner distribuer ces biens aux pauvres ou les donner à la congrégation, on ne peut inversement absolument pas déduire du seul fait qu’un personnage donne des biens à un monastère qu’il est un moine ! N’importe qui est tout à fait libre de donner à un monastère des biens lui appartenant. Même si l’on admet

351

TESSIER Georges, Recueil des actes de Charles le Chauve, tome 3, introduction et notes. Georges TESSIER cite notamment le cas du diplôme pour Saint-Martin d’Autun du 16 mars 875 en lequel Charles le Chauve donne à l’abbé Arnoul et à la congégation qui lui est confiée des biens dont il ne précise pas l’origine « ob restauracionem loci ». Selon l’interprétation convaincante de Georges TESSIER, il s’agit en réalité d’une restitution de biens de l’abbatia de Saint-Martin d’Autun auparavant sécularisés par le souverain.

l’hypothèse d’Anne-Marie Helvétius que Rodin a donné les biens dont il est question dans l’acte au monastère de Maroilles, cela n’implique pas obligatoirement que ce Rodin soit l’abbé de Maroilles de ce nom vivant au temps de Charlemagne et de Louis le Pieux.

Il nous paraît encore plus hasardeux d’affirmer, à partir du diplôme de Lothaire Ier, que Rodin est un abbé régulier d’un monastère bénédictin et donc, que Maroilles abrite, sous son abbatiat, une communauté monastique. Sur ce point, nous avons vu dans le chapitre précédent qu’il n’y a pas de différences notables entre moines et chanoines. La

règle de saint Chrodegang rédigé pour les clercs de l’église de Metz, mais qui semble

avoir été reconnu au temps de Charlemagne comme la norme de vie pour les chanoines, prévoyait que le chanoine remette ses biens à l’Eglise de Metz à son entrée dans la communauté tout en lui laissant la possibilité d’en garder l’usufruit sa vie durant. Que Rodin ait été abbé régulier d’une communauté monastique ou abbé canonique d’une communauté cléricale, il a du faire donation de ses biens au monastère de Maroilles.

Nous ne souscrivons donc pas aux hypothèses proposées par Anne-Marie Helvetius. Selon nous il est impossible d’inférer quoi que ce soit sur l’observance des religieux de Maroilles à partir du diplôme de Lothaire Ier en faveur du clerc Aussard.

b) Le diplôme de Lothaire II en faveur de Maroilles

Dans notre analyse du diplôme de Lothaire II, nous essaierons d’abord de trancher entre les interprétations contradictoires proposées par Jean-Marie Duvosquel et Anne-Marie Helvetius avant de mettre l’accent sur une clause du diplôme qui nous semble avoir été négligée par nos prédécesseurs.

Le débat entre Jean-Marie Duvosquel et Anne-Marie Helvetius porte sur deux points

- le ministerialis Hyroido qui intervient dans ce diplôme est-il l’abbé de Maroilles ? - le patrimoine de Maroilles est-il au temps de Lothaire II divisé en deux menses ?

Sur ces deux points nous nous rangeons à l’avis d’Anne-Marie Helvétius. Selon nous, le ministerialis Hyroido est bien l’abbé de Maroilles. Certes, si l’on adopte cette hypothèse, sa désignation dans le diplôme est pour le moins surprenante puisqu’il n’y est pas qualifié d’abbas mais seulement de ministerialis noster. Cependant, il faut prendre en compte la nature du diplôme sollicité par Hyroido : il s’agit de la confirmation par le roi de

la concession en bénéfice de biens de l’abbatia de Maroilles. Si Hyroido demande cette confirmation c’est probablement parce que c’est lui qui a concédé ces biens en bénéfices à Aussard. Or qui d’autre que l’abbé peut concéder en bénéfice des biens de l’abbatia de Maroilles ?

De la même manière, nous pensons, comme Anne-Marie Helvetius, que ce diplôme suppose le partage du patrimoine du monastère de Maroilles en deux menses séparées. Nous partageons son avis sur l’interprétation, dans ce diplôme, du terme abbatia qui, selon nous, désigne précisément la mense abbatiale et non l’ensemble du monastère de Maroilles, et de l’expression in usus fratrum qui, pour nous, suppose l’existence d’une mense conventuelle.

Là où notre avis diverge de celui d’Anne-Marie Helvetius, c’est que nous pensons que la désignation d’Hyroido par le seul terme de ministerialis et l’existence de deux menses séparées sont, sinon des preuves, du moins des indices forts qu’Hyroido n’est pas un abbé régulier.

Anne-Marie Helvétius souligne à juste titre que le terme ministerialis peut désigner un abbé dans les actes royaux. Elle cite notamment un autre diplôme de Lothaire II en faveur du monastère de Crespin en lequel l’abbé Adalbert est qualifié de ministerialis. Elle considère que cet Adalbert est très probablement un laïc. Nous avons mené notre propre enquête sur les diplômes de Charles le Chauve pour voir qui étaient les abbés qualifiés de

ministerialis. Nous en avons relevé trois exemples l’un dans un diplôme de

Montier-en-Der du 9 mai 859352, un autre dans celui du 4 février 870 en faveur de Maroilles353 déjà cité et un troisième dans un diplôme en faveur de Saint-Amand du 13 avril 872354. L’abbé de Maroilles qualifié de ministerialis dans le diplôme de Charles le Chauve est un laïc le comte Enguerrand. Dans le diplôme pour Saint-Amand, l’abbé et ministerialis est un clerc, l’archichancelier Gauzlin, mais qui ne réside pas sur place puisque le dispositif du diplôme nous apprend qu’il a confié le monastère à un praelatus, le clerc Vulfarius. Reste le cas de Vulfadus, abbé de Montier-en-Der. Il s’agit probablement du futur archevêque de Bourges. Si c’est bien lui, il s’agit d’un clerc séculier et non d’un moine. On ne peut le considérer comme un abbé régulier. Le terme ministerialis, autant qu’on peut en juger, peut désigner des abbés laïques ou clercs mais plutôt des abbés séculiers que des abbés réguliers.

352 CHARLES LE CHAUVE 202

353 CHARLES LE CHAUVE 334

354

De la même manière l’existence d’une mense conventuelle semble plutôt être un indice de la présence d’un abbé séculier. Le biographe de Benoît d’Aniane, Ardon, lorsqu’il décrit l’origine de l’institution, établit une corrélation très nette entre l’existence d’une mense conventuelle et la présence d’abbés canonici, c’est-à-dire de clercs séculiers, à la tête de monastères de moines. L’on peut certes invoquer des cas de monastères où il existe des menses conventuelles alors que l’abbé est un régulier mais il s’agit de situations particulières : Fleury où, entre 845 et 859, l’abbé régulier cohabite avec un abbé commendataire, l’archevêque de Bourges, Raoul, Cormery qui est une dépendance de Saint-Martin de Tours. Encore faut-il remarquer que dans ces cas il n’existe pas de mense abbatiale pour l’abbé régulier, ce à quoi semble renvoyer le terme abbatia dans le diplôme de Lothaire II pour Maroilles.

Aucun de ces deux éléments ne permet d’affirmer à lui seul que Hyroido est un abbé séculier, mais la conjonction des deux donne un certain crédit à cette hypothèse.

Anne-Marie Helvetius défend au contraire l’hypothèse de la régularité de l’abbatiat d’Hyroido. Elle se fonde sur le souci qu’aurait eu celui-ci de préserver le patrimoine de son monastère, tel qu’il transparaîtrait dans le diplôme de Lothaire II. Selon elle, si Hyroido concède des biens en bénéfice à Aussard, c’est qu’il escompte que les religieux de Maroilles récupéreront à la mort de celui-ci non seulement les biens concédés en bénéfice, comme cela va de soi, mais aussi les biens donnés à Aussard par Lothaire Ier. De fait les biens donnés par Lothaire Ier à Aussard sont effectivement passés dans le patrimoine du monastère de Maroilles. Anne-Marie Helvetius n’explicite pas comment cela a pu se faire. Pour répondre à cette question, il nous faut examiner attentivement la clause du diplôme de Lothaire II prévoyant le retour des biens concédés en bénéfice à Aussard à la mense conventuelle de Maroilles :

« au vrai, après sa mort, selon la demande de notre susdit fidèle que ses biens fassent immédiatement retour à la susdite église pour l’usage des frères. »355

Relevons le terme employé pour désigner les biens qui doivent faire retour à la mense conventuelle : sua (ses biens). S’il ne s’était agi que des biens concédés en bénéfices à Aussard, le rédacteur du diplôme aurait probablement utilisé une autre expression renvoyant plus explicitement aux biens désignés auparavant dans le diplôme. L’emploi du simple adjectif possessif sua laisse au contraire entendre que ce sont les biens

355 LOTHAIRE II 8 : « post eius vero decessum secundum petitionem praescipti fidelis nostri suaque ilico ad saepe dictam ecclesiam in usus fratrum revertantur. »