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Aperçu sur le déroulement de l’assemblée de 816

Section ii: La distinction entre moines et chanoines dans la législation promulguée lors des assemblées

A) Aperçu sur le déroulement de l’assemblée de 816

Le déroulement de cette assemblée ainsi que la législation concernant les moines ont été minutieusement étudiés par Josef Semmler147. Cet auteur s’est notamment intéressé aux participants à cette assemblée. Il n’est guère facile d’en dresser une liste tant soit peu exhaustive mais quelques noms peuvent être relevés. On sait ainsi, par des lettres que Louis le Pieux leur a envoyées après l’assemblée pour l’application de l’institutio

canonicorum de 816, que l’archevêque Magnus de Sens était présent à l’assemblée d’Aix

146GAILLARD Michèle, idem, p. 128.

147

mais que les archevêques Arn de Salzbourg et Sichaire de Bordeaux étaient absents148. Pour ce qui est des évêques, Josef Semmler a relevé la présence de ceux de Strasbourg (diplôme de Louis le Pieux en faveur de son église) et de Freising. Pour ce qui est des abbés-moines, Baluze a publié au XVIIème siècle une liste dont la valeur est sujette à caution. Josef Semmler tient pour assurées les présences de Ratgar, abbé de Fulda, d’Apollinaire abbé de Flavigny (qui reçoit un diplôme de Louis le Pieux ), de Josué, abbé de Saint-Vincent de Vulturne (présence mentionnée par la chronique du monastère). Il faut aussi prendre en compte la présence d’abbés qui ne sont pas moines comme Fridugise l’abbé canonicus de Saint-Martin de Tours. Cet essai de listes bien évidemment très fragmentaires montre en tout cas la présence d’ecclésiastiques et d’abbés venus de l’ensemble de l’empire, puisque pour ne prendre que l’exemple des abbés moines, il en vient de Germanie, Ratgar, de Francie occidentale, Apollinaire et même d’Italie, Josué.

Pour ce qui est de a procédure suivie lors de l’assemblée d’Aix, il semble bien que, comme lors de l’assemblée de 802 tenue dans le même lieu et rapportée par les Annales de

Lorsch, deux groupes se sont réunis séparément : d’une part les abbés et moines, d’autre

part les évêques et clercs. En effet le préambule des Décrets authentiques du premier

synode d’Aix-la-Chapelle concernant les moines présente ainsi l’assemblée qui a pris ses

décrets :

« comme résidaient dans la maison du palais d’Aix qui est appelé « ad Lateranis » les abbés en grand nombre en même temps que leurs moines. »149 .

Il semble donc que seuls des abbés et des moines aient pris part à l’élaboration de ces décrets. La préface de l’institutio canonicorum parle, elle, d’une « assemblée sacrée » (sacer conventus) réunie dans le palais d’Aix, sans donner plus de précision sur sa composition et son lieu de réunion. Il semble donc que l’assemblée des abbés et des moines se soit réunie dans un lieu en marge du concile général.

Ce partage en deux assemblées pose le problème de savoir quelles ont été les personnalités dominantes dans chacune d’entre elles. Dans l’assemblée de moines, il est clair qu’un rôle prépondérant a été tenu par Benoît d’Aniane, ancien abbé du monastère

148

Lettre à Magnus de Sens et lettre à Sichaire de Bordeaux et Arnon de Salzbourg publiées par Albert Werminghoff in M.G.H. concilia II. , p. 457-463.

149 Synodi primae Aquisgranensis decreta authentica édités par Josef Semmler in Corpus consuetidunum monasticarum, tome 1, Sigebourg, 1961, p 457: « cum in domo Aquis palatii quae ad Laternis dicitur abbates cum quam pluribus una cum suis resedissent monachis »

d’Aniane, conseiller de Louis le Pieux alors qu’il était roi d’Aquitaine et qui a suivi Louis à Aix lorsque celui-ci est devenu empereur. Benoît d’Aniane, que Louis le Pieux a placé à la tête du monastère nouvellement fondé d’Inden, est en effet le principal conseiller de l’empereur pour le monachisme. Pour ce qui est de l’assemblée d’évêque, la situation apparaît moins claire. Plusieurs noms ont été considérés au cours des siècles comme les auteurs probables de l’institutio canonicorum. Michèle Gaillard cite les noms d’Amalaire, Anségise voire Benoît d’Aniane150. Elle omet cependant l’hypothèse de Josef Semmler citant une remarque d’Heinrich Fichtenau151

selon laquelle le principal auteur de l’institutio canonicorum serait le chancelier de Louis le Pieux, Helisachar. L’hypothèse est vraisemblable puisqu’une lettre de Benoît d’Aniane adressée peu avant sa mort à son successeur à la tête de l’abbaye d’Aniane et retranscrite à la fin de sa Vita par son biographe Ardon présente ainsi Helisachar :

« Elisacar quoque qui pre omnibus super terram omni tempore extitit amicus fidelissimus canonicorum »152

Nous avons laissé ce passage en latin car il pose un réel problème de traduction. La traduction qui paraît la plus vraisemblable est la suivante « Helisachar aussi qui se montra avant tous en tout temps mon ami le plus fidèle parmi les chanoines ». C’est ainsi qu’ont compris ce passage Eugen Ewig153 et Dieter Geuenich154 . En ce cas la seule information que donne ce passage est la grande amitié unissant Helisachar à Benoît d’Aniane. Cependant une autre traduction est possible : « Helisachar aussi qui se montra avant tout en tout temps le plus fidèle ami des chanoines. » Si l’on adopte cette seconde solution, qui apparaît moins vraisemblable vu le contexte – dans cette lettre, Benoît recommande Helisachar à la prière des moines d’Aniane- le qualificatif de meilleur ami des chanoines donné à Helisachar pourrait bien laisser entendre qu’il a participé activement à la rédaction de l’institutio canonicorum. De toutes les manières, les fonctions d’archichancelier exercées par Helisachar, son expérience dans la rédaction des textes législatifs et l’amitié

150 GAILLARD Michèle, D’une réforme à l’autre (816-934) : les communautés religieuses en Lorraine à l’époque carolingienne, op. cit., p. 124. L’auteur ne dit pas sur quoi se fondaient ces différentes hypothèses.

151 La remarque de Heinrich Fichtenau se trouve dans Mitteilungen des Institutes für osteirrische

Geschichtforschung, 1958. Il s’agit d’une remarque faite en passant dans le compte-rendu d’un ouvrage assez général sur l’histoire du moyen-age. Heinrich Fichtenau n’apporte aucune précision sur ces sources. Mais nous pensons qu’il songeait au passage de la Vita de Benoît d’Aniane que nous allons analyser.

152

Ardon, Vita Bendicti Aniannesnis édité par Holder-Egger in M.G.H. scriptores XV, p 220.

153 Eugen Ewig, « L’aquitaine et les pays rhénans au haut moyen-age » in Cahiers de civilisation médiévale, 1958, pp 37-54 réimprimé in Spätantikes und fränkisches Gallien, Munich 1976-1978 ;

154 Dieter Geuenich „Zur Stellung und Wahl des Abtes in der Karolingerzeit“ in Person und Gemeinschaft in Mittelalter, Sigmaringen, 1988, pp171-186.

personnelle le liant à Benoît d’Aniane suffisent pour rendre probable sa participation à la rédaction de l’institutio canonicorum sans toutefois que l’on puisse l’affirmer péremptoirement.