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Les tentatives de s’affranchir des manières de faire observées

Chapitre 3 : Cadre méthodologique

1. Résultats Reconstitution des itinéraires individuels

1.4.1 Six points saillants qui participent au façonnage de l’IP de Sam

1.4.1.4 Les tentatives de s’affranchir des manières de faire observées

Dès son deuxième lundi en stage filé, Sam doit emmener sa classe à la piscine pour y enseigner la natation. L’une de ses collègues se déplace également à la piscine avec sa classe

en même temps qu’elle. La PEFI « appréhende beaucoup » sa première séance de natation. Elle cherche alors du soutien auprès du maître-nageur-sauveteur (MNS) afin d’avoir des idées pour savoir que faire avec les élèves de grande section (5-6 ans).

Extrait de l’ACS du 20.10, UA 10, 11 et 12

86 PEFI : je suis allée le voir [le MNS] en lui demandant ce qu’il allait faire, et en me renseignant un peu au niveau des grandes sections ce qu’on pourrait faire au niveau du, du petit bain. Et donc finalement la première séance, hein, c’était une séance d’évaluation diagnostique, donc c’est le maître- nageur qui a tout géré, et euh donc par la suite en fait il m’a expliqué ce qui… sur quel accent il fallait pointer pour les séances à venir, et euh, vraiment sur quoi il fallait travailler avec les grandes sections. Et donc ça, ça m’a beaucoup aidé, par la suite j’ai appelé le conseiller pédagogique de la circonscription [CPC]28 pour euh, pour m’aiguiller aussi un petit peu à ce niveau là, et bon, il est venu voir certaines séances, et donc euh, ça m’a vraiment permis de construire en fait des progressions (…).

87 CH : tu vois, tu dis la, la première fois, je suis allée vers lui, je lui ai demandé ce qu’il comptait faire. On aurait plutôt tendance à dire c’est l’enseignant qui va…

88 PEFI : oui, en fait.

89 CH : informer le maître-nageur… comment ça se passe, ça ?

90 PEFI : en fait je sa, je savais comment se passe… enfin se passerait la première séance parce que j‘avais demandé à ma titulaire, et que je connais un peu le maître-nageur, puisque c’était déjà le même quand j’étais à la piscine à l’école.

91 CH : en tant qu’élève ?

92 PEFI : oui, en tant qu’élève (rires), donc je savais ce qu’il allait faire en première séance (…). Il a quand même un rôle pour aiguiller les professeurs, du moins qui débutent, puisque ceux qui ont été plusieurs fois, euh, à la piscine, ils savent un petit peu ce qu’il en est, mais je pense qu’il a quand même un rôle de guide même pour les enseignants qui étaient plusieurs fois à la piscine, parce que c’est quelqu’un qui est tout le temps à la piscine, qui

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Le conseiller pédagogique de circonscription (CPC) est un enseignant maître formateur qui exerce ses activités sous la responsabilité de l’Inspecteur de l’Education Nationale dont il est le collaborateur direct. Ses missions sont d’ordre pédagogique et administrative (NS n° 96-107 du 18 avril 1996, BOEN n° 18 du 2 mai 1996).

voit des enfants évoluer au fur et à mesure, et qui prend quand même en charge les bons nageurs, et qui fait des activités en fonction, et le but c’est quand même que les élèves atteignent le niveau de bon nageur par la suite. Donc je pense qu’il peut nous guider dans les grands objectifs et dans ce qu’il y a à travailler principalement.

Alors qu’elle a réussi son concours, son appréhension de l’enseignement de la natation et son déficit d’opérations l’obligent à se tourner vers une personne qui n’appartient pas au collectif mais qui a des connaissances approfondies sur l’activité, afin de savoir comment enseigner la natation. Sam « laiss[e] le maître-nageur [la] guider » lors de la première séance (ACS du 20.10, UA 8). A ce moment, elle a « plus l’impression d’être accompagnatrice, finalement,

qu’enseignante, parce qu[‘elle] gérai[t] pas vraiment les apprentissages » (ACS du 20.10,

UA 8, jugement de conformité à valence négative). Son manque de maîtrise de l’activité constitue ainsi pour elle une difficulté à se sentir enseignante. Lorsqu’elle sollicite des personnes ressources, les réponses fournies par le MNS et par le CPC semblent présenter une cohésion. Le MNS pointe les objectifs prioritaires à travailler avec les grandes sections, puis le CPC l’ « aiguille » aussi, ce qui lui permet de « construire des progressions ». Plus encore, lors de sa visite à la piscine, le CPC donne un avis positif sur le travail de la stagiaire « en

disant que c’était très bien, que finalement [elle n’] avai[t] pas besoin d’avoir peur et d’avoir des appréhensions » (ACS du 20.10, UA 13). Ce jugement de conformité permet à Sam de se

sentir « plus enseignante, parce que c’était vraiment un rapport de collègue à collègue,

finalement, c’était plus je te donne des conseils pour la suite, plutôt que euh, je te juge sur ce que tu as fait » (ACS du 20.10, UA 13). A travers son avis, le CPC permet à la PEFI de

prendre confiance en elle. Sam pointe toutefois une remarque à propos de l’utilisation de la ceinture de natation : selon le CPC, il n’est pas nécessaire de laisser ces ceintures aux enfants. Cela influe notamment sur leurs « représentations » liées à l’activité. La stagiaire entend ce conseil et essaie de le prendre en compte, en enlevant les ceintures de natation aux élèves lors de la séance suivante. Or des mamans prennent peur de voir leur enfant sans ceinture.

Extrait de l’ACS du 27.11, UA 54

La maman en question, c’était surtout parce que sa fille à elle n’avait pas de ceinture, et donc… elle voulait un peu généraliser mais on avait très bien compris que c’était parce que sa fille à elle n’avait pas de ceinture. (…) on a eu de gros soucis par la suite.

Elle m’a quand même dit vous vous rendez compte, vous aviez le dos tourné deux secondes, s’il avait lâché la frite il aurait coulé.

Les parents ne reconnaissent pas la PEFI comme enseignante. Précisément, la maman en question s’en prend à la collègue de Sam, en lui reprochant de mettre « la vie des enfants en

danger », de manquer de responsabilité et de ne pas tenir « [leur] rôle de professeur » (ACS

du 27.11, UA 55). Dans les vestiaires, Sam perçoit que les parents ne « se gênent pas pour

dire des méchancetés sur [s]a collègue, alors que elle est pas forcément responsable, puisque c’est [elle] qui [a] mis le parcours en place ». Mais la PEFI ne souhaite pas laisser sa collègue

seule. Elle considère que c’est « une injustice par rapport à elle », et décide alors de « [s]’en

mêler » en intervenant également (ACS du 27.11, UA 55). Elle prend alors à cœur son rôle

d’enseignante, assume ses responsabilités et « [s]e sen[t] obligée d’aller les voir ». Elle explique aux parents que la collègue n’est pas seule et qu’elle est « autant responsable

qu’elle » (ACS du 27.11, UA 55). Parce qu’elle aurait pu « faire semblant de ne pas avoir entendu ce qu’elle a dit, sortir, et faire comme si de rien était » (ACS du 27.11, UA 59), les

initiatives qu’elle prend pour justifier son travail et défendre sa collègue la confortent dans son statut d’enseignante.

Suite à ces échanges, Sam est obligée de contacter à nouveau le CPC. Ce dernier avait observé une séance auparavant et avait reconnu le travail de la PEFI. Il avait émis un jugement de conformité aux travaux menés avec les élèves, notamment en ce qui concerne une situation d’immersion : « il a dit c’est très bien il faut rien changer » (ACS du 27.11, UA 56).

Or lors de la séance suivante, le MNS intervient auprès d’elle et de sa collègue, devant les parents, en leur demandant de remettre des ceintures aux élèves de grande section, en raison de leur nombre important.

Extrait de l’ACS du 27.11, UA 57

Ce qui nous a un peu, disons voir mis dedans, c‘est que le maître-nageur a demandé à ce que les grandes sections aient des ceintures, parce qu’ils étaient trop, enfin ils étaient nombreux. Et donc, forcément, nous, on n’avait plus rien à dire devant les parents, puisqu’il l’avait dit devant les parents… pour les parents, le maître-nageur, c’est quand même quelqu’un qui sait ce qu’il fait, et si nous on vient derrière en disant bin non, nous, on veut pas de ceinture, forcément, ça te discrédite.

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