• Aucun résultat trouvé

Le sentiment d’être enseignante malgré le manque d’échanges avec le collectif

Chapitre 3 : Cadre méthodologique

1. Résultats Reconstitution des itinéraires individuels

1.4.1 Six points saillants qui participent au façonnage de l’IP de Sam

1.4.1.3 Le sentiment d’être enseignante malgré le manque d’échanges avec le collectif

Sam se sent peu entourée et a l’impression de devoir se débrouiller seule. Elle a en effet peu d’échanges avec la titulaire, avec l’ATSEM ou avec le directeur de l’école. Par conséquent elle ne se perçoit pas tout à fait intégrée dans l’école.

En début d’année, la communication entre Sam et la titulaire est importante, notamment pour que la stagiaire soit informée de ce qui est fait les trois jours de classe où elle est en formation. Cela lui permet d’ajuster ses séances du lundi. Sam lui pose « plein de questions » (ACS du 20.10, UA 6). Pourtant, si « au départ, enfin on avait un bon contact » elle constate que progressivement, « ça s’est dégradé » (ACS du 30.03, UA 17). Cette situation « embêt[e] » Sam, qui reconnaît qu’elle a rencontré « des périodes où c’était vraiment

difficile » (ACS du 30.03, UA 17). De façon récurrente, elle pointe qu’ « avec [s]a titulaire, c’est un peu difficile, la communication » (ACS du 27.11, UA 20), qu’il « y’a toujours un manque de communication » (ACS du 30.03, UA 17).

Le travail de la stagiaire est rendu difficile par ce manque d’échanges et les réponses tardives fournies par la titulaire. Sam est ainsi obligée de trouver d’autres manières de s’informer du travail réalisé par les élèves en son absence et de savoir que préparer. Elle essaie d’être « plus

« demande aux élèves souvent aussi » (ACS du 27.11, UA 20). Elle sollicite ces derniers pour savoir « s’ils peuvent [lui] montrer leur cahier, pour voir où ils en sont un petit peu », et « pour voir ce qu’ils font, pour [s]’intéresser à ce qu’ils font » (ACS du 27.11, UA 20).

Outre le manque de communication, Sam perçoit auprès de la titulaire un manque de reconnaissance, notamment en constatant que les évaluations qu’elle a menées ne « se

retrouve[nt] pas forcément dans les bulletins, parce que… soi-disant y’a trop d’items, elle a déjà mis tellement d’items que les [s]iens ne se rajoutent pas » (ACS du 30.03, UA 17).

Précisément, sur les dix items qu’elle évalue, la titulaire n’en conserve que trois. La stagiaire se sent alors peu utile, et considère que « c’est pas la peine que [elle] les évalue finalement ». Les appréciations qu’elle peut faire figurer dans les classeurs et les cahiers de vie « ça [n’] a

aucune valeur » (ACS du 30.03, UA 17) parce que « pour les parents c’est le bulletin qui compte ». Par conséquent, si ses évaluations n’apparaissent pas dans le bulletin, les parents

eux-mêmes ne pourront apprécier son travail, et ainsi la reconnaître en tant qu’enseignante. De même, l’agent de service de l’école lui demande son âge et lui dit « ah oui mais vous êtes

encore étudiante ». Cette remarque lui fait « carrément mal au cœur ». Sam s’étonne que « ça se voie tellement que ça ». Elle pense que l’ATSEM la considère comme telle « parce que [l]a titulaire lui a dit ah, c’est une étudiante » (ACS du 30.03, UA 24). Elle regrette de ne pas

être reconnue « du tout comme professionnelle, (…) alors que bon t’es là quand même à part

entière le lundi » (ACS du 30.03, UA 24).

Ainsi, au-delà du manque de reconnaissance de la titulaire, les choix que cette dernière opère affectent également la reconnaissance du travail de Sam par les parents d’élèves et par l’ATSEM. Pour être conseillée, Sam aimerait aller vers l’ATSEM, d’autant plus qu’elle échange peu avec la titulaire. Mais elle n’a « pas trop de contact » avec elle non plus, pour trois raisons ; tout d’abord, la titulaire lui a parlé d’elle et la PEFI est partie « avec une

mauvaise image de l’ATSEM, par rapport à ce que [lui] a dit la titulaire en début d’année »

(ACS du 27.11, UA 33) ; de plus, la stagiaire craint de remettre en question sa crédibilité aux yeux de l’ATSEM. En effet, en lui demandant conseil, l’ATSEM pourrait penser que Sam n’est « pas assez apte pour garder la classe » (ACS du 27.11, UA 19) ; enfin, Sam considère que « c’est difficile » d’aller vers elle, « parce que c’est quelqu’un qui a des problèmes de

santé et qui est très souvent malade » et les collègues l’ont prévenue en début d’année « qu’il fallait pas trop qu[‘elle] compte sur elle » (ACS du 27.11, UA 19). La PEFI a d’ailleurs déjà

été confrontée à cette situation où elle avait « vraiment besoin d’elle », et elle a appris qu’ « elle était pas là juste cinq minutes avant que ça commence ». Dans ce contexte, Sam

s’organise pour être autonome et « prépare en conséquence » ses séances « sans avoir besoin

d’elle » de façon à pouvoir les mener seule (ACS du 27.11, UA 35).

Or elle ne parvient que ponctuellement à travailler sans l’ATSEM dans une classe à double niveau. Sam est tiraillée entre le besoin de se faire aider d’une part et la volonté de travailler seule d’autre part. Certains jours, elle se dit que l’ATSEM ne « sert à rien ». D’autres jours, elle considère que « c’est quand même bien qu’elle soit là, parce que [elle] pourrai[t] pas

faire ça toute seule » (ACS du 27.11, UA 33). Sam aimerait bien pouvoir travailler davantage

en partenariat avec elle, comme elle avait pu le faire lors de son stage massé. Extrait de l’ACS du 27.11, UA 34

Pour moi, une ATSEM c’est comme une partenaire, finalement, quelqu’un avec qui tu travailles, et j’ai vu, enfin quand j’étais en stage, j’ai vu des ATSEM formidables, avec qui tu pouvais, enfin tu faisais pas mal de choses, et qui étaient vraiment là.

En stage massé en revanche, Sam s’ « appuie beaucoup sur l’ATSEM » pour connaître les habitudes de la classe, les élèves et savoir comment fait la titulaire. Mais elle constate aussi que l’ATSEM est omniprésente et qu’elle n’a « pas forcément réussi à [s]’imposer face à elle

(…) au niveau de l’autorité », les élèves écoutant l’ATSEM davantage qu’elle (ACS du

28.05, UA 19).

Les problèmes d’intégration de la PEFI dans son école sont manifestes à travers les informations qui ne lui parviennent pas. Lors d’événements majeurs de la vie d’une école, le directeur « oublie » de convier la PEFI. C’est notamment le cas lors d’un conseil d’école et lors de la fête de fin d’année de l’école à laquelle tous les parents sont invités.

Extrait de l’ACS du 30.03, UA 24

Mon directeur par exemple, qui… ou alors, tout ce qui est par exemple conseil d’école, je suis prévenue la dernière et par hasard, donc euh… parce que je l’apprends, donc j’en touche un mot… ah oui, ah en fait on a oublié de t’inviter…

Extrait de l’ACS du 30.03, UA 25

Vendredi on avait une fête du printemps, euh, je veux dire j’étais pas du tout, je participais pas du tout, on m’a mise à l’écart complètement.

A travers ces oublis du directeur, Sam considère qu’elle n’a « pas [s]a place dans cette

école » (ACS du 30.03, UA 24). Pourtant, paradoxalement, elle se voit « plus enseignante »,

considérant qu’elle a « pass[é] le cap » (ACS du 30.03, UA 24). Extrait de l’ACS du 30.03, UA 24, UA 25 et UA 26

242 PEFI : je pense que j’ai réussi à passer le cap finalement, et c’est pour ça que je me vois plus enseignante, parce que sinon…

243 CH : oui, justement, comment tu fais alors pour… pour passer le cap comme tu dis ?

244 PEFI : bin, quand on me dit ah bin ah oui on a oublié de t’inviter, j’y vais quand même, même si sur le coup voilà… en fait, faut, faut un petit peu ravaler ta fierté et puis te taire, et je pense que c’est ce qui fait aussi avancer dans la vie, y’a des moments où il faut que tu te taises et que tu passes à côté et que tu laisses tomber quoi. Parce que ça sert à rien finalement de dire… Là, vendredi on avait une fête du printemps, euh, je veux dire j’étais pas du tout, je participais pas du tout, on m’a mise à l’écart complètement, bin j’y suis quand même allée, parce que voilà, je suis quand même l’enseignante du lundi, et pour montrer aux parents que bin je suis quand même là, et euh... je suis partie bon, au bout de 10 minutes, je suis pas restée longtemps, je veux dire voilà je passe au dessus ça… Finalement ça me touche moins que ce que j’aurais pensé, parce qu’au début ça me touchait beaucoup, mais après j’ai passé outre, je me dis c’est comme ça qu’on avance finalement, parce que dans le futur t’auras pas forcément des bons contacts avec les collègues et c’est pas pour ça qu’il faut que finalement t’aies plus envie d’aller travailler. Donc euh moi je passe.

La stagiaire se rend à la fête du printemps de son école même si le directeur a oublié de l’inviter. Le manque de communication de Sam avec la titulaire et l’ATSEM, ainsi que la perception de ne pas avoir sa place dans l’école caractérisent ses difficultés d’intégration dans l’école. Pourtant, la PEFI considère qu’elle est là à part entière le lundi et se reconnaît enseignante malgré ce manque d’échanges avec le collectif.

Outline

Documents relatifs