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La sollicitation de personnes ressources en contexte d’enseignement

Chapitre 3 : Cadre méthodologique

1. Résultats Reconstitution des itinéraires individuels

1.3.1 Cinq points saillants qui participent du façonnage de l’IP de Sof

1.3.1.1 La sollicitation de personnes ressources en contexte d’enseignement

En début d’année, Sofi juge sa rentrée comme compliquée du fait, notamment, du manque de formation et d’information. La stagiaire note qu’elle n’a bénéficié d’aucune « mise au point

de l’IUFM » : « c’est vraiment le premier jour de rentrée, et on sait pas trop si on devait ramener des choses, enfin, si on devait préparer quelque chose » (ACS du 10.11, UA 5). De

plus, Sofi pensait avoir des petites sections (3-4 ans) et « apprend en arrivant qu[‘elle] aura

des grandes sections » (5-6 ans) ; « donc j’ai dit ah, c’est pas la même chose » (ACS du

10.11, UA 5).

Au cours du premier trimestre de son stage filé, Sofi décrit une situation où elle doit faire face à de nombreuses contraintes. Elle bénéficie de l’aide d’une ATSEM mais « chaque semaine,

c’est une ATSEM différente » (ACS du 10.11, UA 8). Ce manque de stabilité des ATSEM ne

lui permet pas de travailler dans la continuité d’une semaine à l’autre. Les élèves sont « très

bruyants », « tout excités » en salle de jeux parce qu’impatients d’y pratiquer une activité, et

« ne se [sentent pas] visés » lorsque Sofi crie pour capter l’attention (ACS du 10.11, UA 11), ce qui occasionne, de façon récurrente, une perte de temps « à se mettre en condition pour

pouvoir être entendue » (ACS du 10.11, UA 12).

Dans ce contexte, la stagiaire se tourne vers divers types d’interlocuteurs. Dès la première journée de classe et tout au long de l’année, la PEFI s’adresse aux collègues proches. Le jugement émis sur la difficulté de la première journée est sans équivoque : « j’ai dit ouh la la,

c’était dur aujourd’hui ». Elle n’est « pas fière » d’elle et a l’impression d’avoir « beaucoup crié » sans pour autant parvenir à avoir l’attention des élèves. Elle décide alors d’aller

« trucs » afin de capter l’attention des élèves, de tenir la classe et de moins se fatiguer. Elles lui conseillent de chanter davantage, d’utiliser le bruit en tapant dans les mains, de faire des jeux de doigts. Sofi se réfugie dans ces opérations qu’elle cherche à mettre en œuvre très vite parce qu’elle considère que l’IUFM, en début d’année, ne l’a « pas beaucoup outillée ». Elle juge ces opérations efficientes (« c’est vrai que ça marche ») pour faire face à ses difficultés. Dans sa démarche, elle ne sollicite pas d’autres PEFI, ni des collègues extérieurs à l’école pour « avoir des conseils », mais des personnes qui connaissent les circonstances spécifiques du contexte (ACS du 10.11, UA 5).

Cependant, l’appropriation de ces opérations empruntées à d’autres requiert du temps et ne permet pas de faire face rapidement aux difficultés cumulées de Sofi. En stage massé, avec des élèves plus grands, la stagiaire sollicite ainsi une collègue pour l’aider à tenir la classe. Elle cherche en effet à réagir au comportement d’« un élève qui perturbe le

déroulement » (ACS du 28.05, UA 15). Selon Sofi, « c’est le pire de la classe. Lui rien ne l’atteint. 2on, mais les punitions il s’en fiche ». Cet élève « était pénible, c’est toujours euh, pfff… des petits bruits, des gestes ». Au cours de cette situation, elle ne parvient pas à calmer

l’élève seule et l’envoie alors dans une autre classe.

ACS du 28.05, UA 15, Raisonnement : [pour] tenir la classe ou assurer la discipline au sein de la classe et [parce que] c’est mieux pour tout le monde, [faire en sorte d’] isoler un élève, [en] le ramenant chez le directeur, [en] l’envoyant dans une autre classe faire une punition, [en] l’emmenant dans une autre classe.

Pour Sofi, l’appel au directeur ou à un collègue, témoignant de son incapacité à régler seule la situation, « ne remet pas en cause [s]a crédibilité ou [s]on statut d’enseignante » (ACS du 28.05, UA 15) et lui permet de mieux travailler avec le reste du groupe.

La sollicitation de personnes ressources proches du monde professionnel lui permet de concevoir ou de mettre en oeuvre des opérations pour mieux tenir la classe. Ces nombreuses interactions avec ses collègues et d’autres enseignants produisent parfois des désaccords. Mais la PEFI fait l’effort de les masquer, même quand elle reste « perplexe ».

Extrait de l’ACS du 10.11, UA 22

249 CH : [dans ton carnet de bord], tu dis « je suis pas vraiment d’accord avec elle [une collègue chevronnée de l’école] quand elle dit que 24 élèves « ça va », et quand elle dit que le lundi, de toutes façons, les enfants sont

calmes, mais le vendredi soir, ça doit être autrement »… Tu lui dis que t’es pas d’accord, tu vois, t’as un échange avec elle ? (…)

252 PEFI : non, je pense, mais je dis rien (rires) (…).

254 PEFI : 24 [élèves dans la classe], c’est vrai que par rapport à certains effectifs, ou… y’a d’autres copains qui ont 30 élèves, c’est sûr c’est pas évident, ça doit être très dur. Mais 24 c’est déjà du boulot. Mais donc oui, 24 certes, c’est pas beaucoup, mais enfin, on pourrait, on pourrait en avoir moins, aussi.

255 CH : et pourquoi tu lui dis pas, qu’est-ce qui t’empêche de lui dire ? 256 PEFI : je sais pas… elle, c’est une routière, alors forcément elle se dit peut-être je gère, (rires), mais… non, je sais pas pourquoi euh… oui, je suis pas d’accord avec elle mais je dis rien. (…)

260 PEFI : mais bon ça me laisse perplexe par rapport à ce que j’ai vécu, quoi.

Au lieu de controverser avec cette collègue, Sofi préfère masquer son désaccord car la présentation ostensible d’un avis contradictoire pourrait, à ses yeux, modifier la perception que cette enseignante se fait d’elle : « elle se dit peut-être que je gère ». C’est bien parce que Sofi considère que la collègue est « une routière », qu’elle a plus d’expérience, qu’elle doit par conséquent avoir quand même raison. Le manque d’arguments à apporter la contraint à rester « perplexe » et à ne pas s’opposer à sa collègue.

Sofi est même amenée à solliciter les élèves afin d’obtenir des informations sur l’organisation de la classe. C’est notamment le cas au début de son premier stage massé.

Extrait de l’ACS du 12.03, UA 12

117 CH : comment se sont passés les tout premiers moments de ce stage R3, là (…) ?

118 PEFI : (…) j’ai fait l’appel, pour me remémorer le nom de tous les enfants, et puis bin je leur ai carrément demandé comment ça se passait, donc ils m’ont expliqué pour la cantine, pour... bon je savais, mais, où se trouvaient certaines, certains… euh le matériel nécessaire, les billets pour la cantine, les billets pour les absences et tout ça ils m’ont montré un petit peu. 119 CH : oui, t’as dit je le savais quand même…

120 PEFI : bin je savais qu’il y avait ce billet de cantine, enfin qu’il y avait ce ramassage des billets de cantine, qu’il y avait les absences, mais je savais pas qu’il y avait forcément des billets pour les absences, quoi.

121 CH : qu’est-ce qui fait que finalement tu leur demandes alors que tu sais quand même une partie de l’organisation, que tu connais une partie de l’organisation ?

122 PEFI : bin pour les faire… enfin, ils connaissent mieux le fonctionnement de la classe que moi, et pour les faire participer, pour euh, je sais pas, pour discuter avec eux, pour leur montrer que, bin qu’ils savent des choses, et que voilà, ils peuvent m’aider…

123 CH : c’est à eux de t’aider, ou c’est à toi de les aider ?

124 PEFI : c’est à moi de les aider, mais ils peuvent aussi m’aider, vu qu’ils connaissent une routine, quand même…

125 CH : mais que tu connais partiellement aussi, puisque tu étais en observation, et tu en as sûrement discuté un petit peu avec la titulaire… 126 PEFI : oui mais pas de tout, alors que bin pour savoir où était rangé, ou tel et tel cahier, ou tel et tel ticket, bin c’est eux qui savaient à peu près où ça se trouvait dans le bureau et ils ont pu me dire oui, c’est par là, et en cherchant effectivement, on trouvait.

Lors de sa journée d’observation et des échanges avec la titulaire, Sofi avait pu prendre un certain nombre d’informations sur la classe. Mais l’organisation spécifique de la classe est complexe. Outre le prénom des élèves, il lui faut se remémorer la place et le fonctionnement des tickets de cantine, des billets des absences, le rangement des cahiers… Elle demande aux élèves de l’aider, parce qu’ils « connaissent mieux le fonctionnement de la classe » qu’elle et qu’ils connaissent « une routine ». Sofi n’est pas perturbée par le fait de faire état de son manque de connaissance des habitudes de la classe. Elle profite de ce temps d’adaptation pour faire participer les élèves et justifie sa démarche en leur montrant, à travers leurs réponses, qu’ils « savent des choses » et qu’ils peuvent l’aider.

La stagiaire accorde une grande importance aux conseils de l’inspectrice. L’inspection se déroule au cours de son stage filé, le 8 mars 2010. Au-delà des renseignements précis sur la classe et son organisation, qu’elle peut glaner auprès de ses collègues tout au long de l’année, Sofi met à profit cette visite pour poser des questions afin d’« avoir des conseils et de savoir

comment faire dans certaines situations » (ACS du 12.03, UA 25). L’inspectrice souligne

notamment un manque d’exigence de la stagiaire, là où elle-même avait l’impression d’être exigeante en se tenant à ce qu’elle avait demandé aux élèves. Néanmoins, Sofi est satisfaite du bilan de l’inspectrice en ce sens qu’elle pointe l’importance de « trouver une solution [aux]

conflits » dans la classe et de sanctionner les élèves indisciplinés. Si la visite avait eu lieu plus

tôt, elle pense d’ailleurs qu’elle n’aurait peut-être pas commis certaines erreurs (ACS du 12.03, UA 10). Par exemple, elle n’aurait pas laissé passer, pensant gagner du temps, le fait que les élèves enlèvent leurs chaussures en motricité alors qu’elle ne l’avait pas demandé. C’est pourquoi elle « aurai[t] bien aimé lui poser encore plein de questions ». Elle reconnaît là les connaissances et les compétences de l’inspectrice à fournir des réponses quelle que soit la situation évoquée, et aurait aimé que celle-ci reste plus longtemps. Toutefois, peu après, elle constate également que l’application de ces conseils ne lui donne pas satisfaction. Par exemple, l’inspectrice préconise de prendre du temps pour que les élèves soient bien rangés dans le couloir, afin de profiter de cet apprentissage par la suite. Mais la PEFI n’a « pas eu

l’impression que ça allait mieux » et a « encore perdu du temps par la suite » (ACS du 12.03,

UA 9). De même, Sofi manifeste sa volonté de suivre les préconisations de l’inspectrice mais pense qu’ « on peut pas non plus tout le temps faire ce qu’ils préconisent ». Elle a l’impression qu’avec « certains enfants, enfin on a beau faire ce qu’on veut, ils feront

toujours un petit peu autre chose » (ACS du 12.03, UA 24).

La PEFI profite également de la visite d’un maître référent le 5 octobre 2009. Même s’il est là « pour juger », l’entretien post-leçon permet à la stagiaire d’ « être rassurée ». Le formateur, qui, selon la PEFI, dispose d’éléments de comparaison en raison des nombreuses visites qu’il effectue, considère que ses élèves « n’étaient pas plus bruyants que d’autres classes qu [‘il a]

pu voir ». Surtout, suite à un échange avec la directrice de l’école, il livre un avis sur le travail

de Sofi et sur son intégration dans l’équipe, qu’elle n’avait pas perçue. Sofi est « rassurée » d’entendre qu’elle est « bien intégrée » et que les collègues « considèr[ent] ce qu’[elle]

fai[t] » (ACS du 10.11, UA 20).

Enfin, une formatrice de l’IUFM effectue deux visites dans l’année dans la classe de Sofi, à l’occasion de ses stages massés de trois semaines. La PEFI en retient que la tutrice a remarqué la quantité de travail fournie, que « les élèves [la] respectaient » et qu’elle arrivait à « [se] faire obéir » (ACS du 12.03, UA 19).

Tout se passe comme si Sofi sollicitait différemment les visiteurs. Du maître référent, tout comme de la formatrice de l’IUFM, elle retire davantage un soutien émotionnel et une forme de reconnaissance de son travail et de son intégration au collectif. De l’inspectrice, elle retient

davantage de conseils pratiques, des opérations, qu’elle peut mettre en œuvre pour réagir dans diverses situations. L’analyse de l’activité de Sofi rend donc typiquement compte de l’importance de personnes ressources proches d’elle. Chacun semble avoir quelque chose à lui apprendre. Les collègues et la directrice, qui connaissent bien l’école et qui parfois partagent les mêmes difficultés, les élèves, paradoxalement, auxquels elle doit enseigner mais qui connaissent mieux qu’elle les routines de la classe et l’inspectrice qui a des connaissances pratiques. Face à une difficulté, Sofi se tourne donc prioritairement vers des personnes ayant une connaissance du milieu, du contexte d’enseignement, n’identifiant jamais les enseignements dont elle bénéficie à l’IUFM comme une ressource potentielle. Pour elle, la proximité avec la situation de classe est essentielle.

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