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Les effets contradictoires des évaluations à l’IUFM

Chapitre 3 : Cadre méthodologique

1. Résultats Reconstitution des itinéraires individuels

1.2.1 Cinq points saillants qui participent au façonnage de l’IP de Tom

1.2.1.5 Les effets contradictoires des évaluations à l’IUFM

Une forme de hiérarchie est opérée par Tom sur les différents moments d’évaluation auxquels il est confronté. La visite de l’inspecteur est vécue comme « la visite la plus importante » (ACS du 12.05, UA 37). En comparaison, la soutenance du mémoire professionnel et l’oral de connaissances24, les deux autres temps d’évaluation, n’ont pas la même valeur. Ils ne sont pas considérés comme étant un travail d’enseignant mais comme étant « une formalité » à remplir, rappelant typiquement les situations d’évaluation vécues par le PEFI lorsqu’il était étudiant. Au cours des entretiens d’ACS, Tom multiplie les jugements de conformité à valence négative. Par exemple, entre autres :

ACS du 12.05, UA 33, Jugement : ça me rappelle mon année de mémoire à la fac. C’est ça, je suis devant l’ordinateur, j’écris un mémoire, c’est pas le travail d’un enseignant (…) mais tout le côté rédaction tout le côté notes de bas de page, tout le côté je compte mes lignes, tout le côté interlignes 1.5, ça c’est pas le travail de l’enseignant, et ça me rappelle vraiment la rédaction de mon mémoire à la fac (…) tout l’aspect reliure, parce que deux jours après je l’ai relié, je suis même retourné dans la boutique où j’avais fait relier mon mémoire il y a quelques années, donc vraiment j’avais l’impression de faire

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Le mémoire professionnel et l’oral de connaissance constituent deux domaines d’évaluation des enseignants en formation initiale. Ils se déroulent tous deux en centre universitaire, devant un jury composé de deux personnes (un enseignant de l’IUFM et un maître formateur). Le mémoire professionnel consiste en un travail de recherche portant sur une question professionnelle que se pose l’étudiant. L’oral de connaissances vise à évaluer les connaissances acquises par l’étudiant au cours des enseignements dispensés tout au long de sa formation.

un remake là du mémoire de la fac, heureusement en plus court, Dieu merci, mais ça rappelé vraiment ça.

ACS du 26.03, UA 25, Jugement : c’est utile, ça fait réfléchir, mais en même temps un prof c’est pas… un prof d’école normalement il rédige pas des écrits professionnels, ou des mémoires, quand il travaille tous les jours. Donc voilà, c’est pas normalement ce que fait un prof d’école.

ACS du 26.03, UA 28, Jugement : en rendre compte à d’autres, ça c’est pas le travail de l’enseignant, normalement. (…) et tout cet aspect jury, cet aspect faut parler dans ce temps là, je veux dire (…) ça me rappelle la 1ère année, où il fallait tenir un temps, avec un exposé, (…), les petits réflexes, la montre qui démarre, et puis supprimer, quelques mots pour qu’on s’arrête à 14 minutes 30 secondes et pas à 15 minutes, pour que au cas où leur montre à eux soit déréglée, qu’ils puissent pas me reprocher d’avoir dépassé le temps, toutes ces petites choses, oui, tout ça, et donc là, oui, ça rappelle…

Ainsi, le stagiaire poursuit typiquement des motifs d’étudiant alors qu’il se trouve en situation d’évaluation.

ACS du 26.03, UA 25, Raisonnement : [pour] remplir le contrat, [faire en sorte de] rédiger son mémoire [en] tournant les phrases, [en] regardant les références.

ACS du 17.06, UA 22, Raisonnement : [pour] être validé, [faire en sorte de] passer une épreuve orale [la soutenance de mémoire] [en] faisant les cent pas dans le couloir, [en] s’échauffant un peu les chevilles, [en] regardant sa montre, [en] réglant sa montre pour lancer le début de l’exposé, [en] appliquant la méthode de l’oral pro, chronométré, la méthode de l’étudiant. ACS du 26.03, UA 28, Raisonnement : [pour] passer le contrat, la formalité, [faire en sorte de] préparer l’oral de connaissances [en] se documentant, [en] cherchant les termes, [en] étant dans plein de bouquins et [en] apprenant les programmes presque par cœur au cas où.

Précisément, Tom différencie la forme et le fond de ses évaluations. « Au niveau du fond,

c’est quand même l’enseignement » (ACS du 17.06, UA 22), mais ce qui le renvoie à son

travail d’étudiant, c’est la forme des travaux à présenter. Tom hésite sur l’utilité du travail qu’on lui demande. Le mémoire est « utile » en ce sens qu’il le fait réfléchir à son

enseignement en raison du sujet « très professionnel ». Mais il n’a « pas eu l’impression en

rédigeant le mémoire d’avancer énormément dans la réflexion qu’[il] avai[t] déjà dans [s]a tête » (ACS du 26.03, UA 22).

Pendant la soutenance du mémoire, l’ambiguïté entre sa propre perception comme enseignant et comme étudiant persiste. La soutenance est jugée « très agréable », elle se déroule « de

collègue à collègue ». Le PEFI pointe qu’il y avait quand même « cet aspect de l’étudiant qui fait son speech » (ACS du 17.06, UA 22). Cette ambiguïté se retrouve également au moment

des résultats, où « le soulagement d’avoir réussi fait que c’est un peu comme quand on sort de

la fac après qu’on ait vu ses résultats affichés. On est content parce qu’on se dit ouf, ça a payé » (ACS du 17.06, UA 22). L’oral professionnel, tout comme le mémoire, sont ainsi

davantage vus comme des contraintes que comme des ressources au travail du stagiaire. ACS du 26.03, UA 28, Contrainte : évidemment il faut qu’on puisse réfléchir à ce qu’on a fait, évidemment c’est notre boulot, et bien sûr, mais… le formaliser dans un oral, comme ça, je veux dire c’est bon, on en a déjà eu plein,… y’a un moment stop quoi…. On a l’impression un peu que c’est une obligation institutionnelle, et que on le fait parce que voilà faut bien. Et c’est limite si on n’a pas l’impression que même les profs d’IUFM, ils y participent parce que il faut bien aussi qu’ils le fassent, et voilà et donc tout le monde le fait parce qu’il faut le faire, et puis après basta.

Les effets contradictoires des évaluations menées à l’IUFM donnent à voir, par effet de contraste, l’activité reconnue du PEFI. « Rédiger au propre ses bilans de séance », « être évalué par des croix dans des cases » ou « présenter un mémoire ou une analyse de séance devant un jury », ne fait pas partie de l’activité « normale » d’un enseignant selon Tom. Les moments d’évaluation, que ce soit à l’IUFM ou lors des visites, renvoient typiquement le stagiaire à des souvenirs d’étudiant vécus à l’université.

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