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Chapitre 3 : Cadre méthodologique

1. Résultats Reconstitution des itinéraires individuels

1.3.1 Cinq points saillants qui participent du façonnage de l’IP de Sof

1.3.1.2 L’établissement progressif de son autorité

Les contraintes qui mettent momentanément Sofi en difficulté lui permettent aussi d’envisager d’autres possibles et, à terme, de les expérimenter. C’est notamment le cas lorsque, le 28 septembre 2009, quatrième jour du stage filé en responsabilité, elle tente d’être exigeante et rassemble les élèves pour descendre en cour de récréation rejoindre les parents. Elle décide de ne pas descendre avant d’avoir obtenu le silence. Or une intervention de la directrice vient anéantir ses efforts.

Extrait de l’ACS du 10.11, UA 24

271 CH : là, tu mets [lecture du carnet de bord] « remise en ordre par la directrice » euh… t’es encore dans la salle de classe avec tes élèves au moment où la sonnerie retentit, c’est ça ?

272 PEFI : oui.

273 CH : alors que tes élèves devraient déjà être dans la cour, « la directrice entre dans la classe, me dit assez sèchement que je ne peux pas les garder, qu’il est l’heure et que les parents attendent », probablement dans la cour. Bon alors là, tu dis « j’ai l’impression d’être la maîtresse qui se fait gronder par la directrice devant la classe », voilà, « je trouve que vis-à-vis de la classe cet événement me fait perdre ma crédibilité ».

274 PEFI : oui.

275 CH : alors, et tu dis, et tu rajoutes, oui, « j’ai mal choisi mes priorités ». C’est-à-dire, qu’est-ce qu’il y a, là derrière ce terme de priorités ?

276 PEFI : bin, pour moi, le… je voulais pas descendre avant euh que le rang soit pas constitué et qu’ils soient euh qu’ils soient euh, en rang et

silencieux. Et… bon, ça faisait un moment, ils étaient pr... ils avaient les vestes et tout, mais euh, j’avais pas le calme, et on m’avait dit d’être exigeante, et je me suis dit euh que bin, fallait être régulière aussi sur les exigences. Maintenant, c’est vrai que y’a des parents qui ont aussi des autres enfants à aller chercher plus loin au primaire, et c’est aussi pour ça que… (…) elle a dû être stressée parce que c’était peut-être à elle après que les parents auraient fait des commentaires, sur le retard, donc je comprends, et peut-être c’est c’est en discutant avec elle une autre fois, bin où elle m’a dit bin faut… faut choisir, faut faut… faut savoir prendre la bonne décision euh, voir ce qui est le moins important…

Au-delà du bien-fondé de l’intervention de la directrice, c’est davantage la forme de son intrusion qui perturbe la stagiaire. La directrice pénètre dans la salle de classe et dit « sèchement » qu’il n’est pas possible de rester plus longtemps dans la classe avec les élèves parce que les parents attendent. Sofi a l’impression de perdre sa crédibilité et se sent mise en difficulté « vis-à-vis de la classe ». Pourtant, dans le même temps, elle apprend le métier. Elle comprend que la priorité, dans cette situation, est de ne pas faire attendre les parents. En effet, l’analyse de l’activité de la stagiaire est caractéristique d’un conflit intrapsychique : Sofi rencontre des difficultés à choisir entre plusieurs préoccupations : « être régulière sur les

exigences », « avoir le calme », « ne pas descendre avant que le rang soit constitué », et dans

le même temps « être à l’heure ». Cette situation est résolue par l’intervention de la directrice. Les échanges menés ensuite avec cette dernière lui permettent de mieux comprendre les priorités : « elle m’a dit faut choisir, faut savoir prendre la bonne décision euh, voir ce qui est

le moins important ».

Tout au long de l’année, Sofi est préoccupée par le fait de « marquer son autorité ». Pour cela, elle insiste sur le soin que les élèves doivent porter à leur cahier du jour, en précisant ce que les élèves doivent faire, « en rappelant de sauter des lignes au niveau des carreaux », « en disant que c’est trois carreaux et pas autrement », en faisant recommencer et en punissant (ACS du 28.05, UA 19). Ces opérations sont induites par le manque de soin apporté par les élèves à leurs travaux. Sofi avait « vu des titres qui n’étaient pas soulignés, ou alors

soulignés à la main, et alors ça donnait n’importe quoi ». Ces opérations sont aussi

engendrées par les élèves eux-mêmes (« y’a des choses qu’on pense qu’ils feraient d’office, et

qu’il faut rappeler ») et par le temps (« [je ne fais pas recommencer] systématiquement. Tu peux pas passer voir chez tout le monde et puis… c’est déjà tellement dur que tout le monde

soit prêt en même temps », ou encore « ça va tellement vite, on a un certain nombre de choses à faire, et ça avance pas aussi vite qu’on le voudrait ») (ACS du 28.05, UA 19). Le caractère

conflictuel de la situation lié à ces contraintes explique le tiraillement de Sofi : elle souhaite « marquer son autorité » en faisant soigner les cahiers du jour, mais contrainte par le temps et les travaux des élèves, hésite à faire recommencer lorsque les cahiers ne sont pas soignés. Elle formule trois jugements d’utilité à valence négative : il « faudrait être encore plus rigoureux

sur ces choses là » ; il « est difficile d’être constante », et elle est « en train de [s’]emmêler les pinceaux » (ACS du 28.05, UA 19).

Pour Sofi, devenir enseignant passe donc par apprendre à asseoir son autorité. Cependant, elle peine à y parvenir du fait d’opérations difficiles à construire dans un contexte marqué de nombreuses contraintes comme, par exemple, l’intervention de la directrice, et par la pression temporelle éprouvée.

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