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Nous avons d’abord vu dans ce chapitre que la notion de confiance ne fait aujourd’hui pas consensus. La confiance peut être considérée comme un état psychologique, des croyances, une volonté, une décision, un sentiment ou encore une attente. Elle peut être une croyance que l’autre ne va pas céder à l’opportunisme, une volonté ou décision de se rendre vulnérable dans une situation comportant un risque, une attente sociale généralisée. D’autres la considèrent comme un comportement, entraînant un amalgame avec d’autres notions comme la prise de décision ou la coopération. Quelques auteurs considèrent la confiance comme la combinaison d’attentes positives et d’un passage à l’action, réconciliant le fait d’avoir confiance et le fait de faire confiance. Que l’action soit intégrée ou non à la définition, les approches ont en commun de considérer la confiance comme une prise de risque qui est faite si le risque est jugé acceptable. Or, quelles que soient les garanties que l’on prend, il reste toujours une part plus ou moins grande d’inconnu sur les comportements de l’autre (individu ou organisation) et sur l’issue de l’interaction. De rares auteurs se démarquent en considérant que la confiance intervient justement là où il n’y a plus de certitude ni de prédiction possible. L’un d’eux invite même à placer l’acceptation de l’imprévisible au cœur de la définition de la confiance et à considérer la confiance comme la façon de faire « comme si » l’incertitude n’existait pas, cette suspension de l’incertitude permettant de forger des attentes positives tout autant que l’inverse. Nous retenons cet angle et choisissons de définir la confiance comme une suspension de l’incertitude qui maintient des attentes positives dans une interaction à l’issue incertaine. Par confiance organisationnelle, nous entendons dans cette thèse la confiance entre des individus et l’organisation qui les emploie.

La littérature est riche d’études quant aux raisons de forger des attentes positives mais ces études ne traitent pas de la suspension de l’incertitude elle-même. La plupart des études sur la confiance organisationnelle (souvent en comportement organisationnel et psychosociologie) assimilent la confiance dans l’organisation aux caractéristiques qui rendent l’organisation digne de confiance. Elles se concentrent sur la recherche d’antécédents ou dimensions, dont les items sont liés à la bienveillance, à l’intégrité, à la compétence et à la fiabilité (même si les catégories pour les regrouper changent et que toutes les dimensions n’apparaissent pas dans toutes les études). Ces approches

s’inscrivent dans le courant qui considère que les attentes sont forgées en fonction du comportement perçu de l’autre qui donne des bonnes raisons de croire qu’il/elle est digne de confiance. D’autres études sur la confiance (issues principalement de l’économie et de la sociologie), qui ne sont pas spécifiques à la confiance organisationnelle, soulignent que les « bonnes raisons » peuvent ne pas être liées aux caractéristiques de l’autre mais à l’existence d’un système qui dissuade de trahir, qui incite à honorer les attentes ou qui rend évident de privilégier tel ou tel comportement. Le rôle de l’attitude individuelle est également mis en avant (par les études issues de la psychologie principalement), tout comme celui du contexte (par les études interculturelles par exemple).

La plupart des approches de la confiance, plus particulièrement de la confiance organisationnelle, considèrent la confiance comme un état et adoptent des approches statiques qui cherchent les causes de cet état. D’autres approches considèrent que la confiance est un processus dynamique au sens où les informations collectées pour décider de faire confiance sont mises à jour chroniquement pour renouveler ou non la confiance. D’autres s’intéressent à la façon dont la confiance peut évoluer en changeant de nature au fil du temps et d’événements et se penchent sur la façon de passer d’un état à l’autre. Or, quelques études montrent que la confiance n’est pas un état stable ni le passage d’un état stable à un autre mais un processus qui change en permanence en fonction du sens donné aux interactions, l’ensemble des autres éléments (caractéristiques et comportements de l’autre, attitude individuelle, contexte socioculturel et organisationnel, situation) venant alimenter cette recherche de sens, qui est clé pour préserver la confiance au fil des interactions. Cette perspective est peu explorée empiriquement au niveau organisationnel malgré quelques invitations théoriques à aller en ce sens.

Adopter ce point de vue implique de ne pas s’intéresser à un résultat mesurable (en termes d’attitude ou de comportement) ou à ses causes mais à la façon même dont ces résultats sont produits et mis en œuvre, donc à s’intéresser non pas au pourquoi faire confiance mais comment faire confiance. Ceci nous conduit à la question et aux sous-questions de recherche suivantes :

Comment les individus font-ils confiance à l’organisation ?

Si la confiance correspond à une suspension de l’incertitude qui maintient des attentes positives dans une situation d’interaction à l’issue incertaine, nous pouvons préciser la question ainsi :

Comment les salariés font-ils comme si l’incertitude n’existait pas ? Comment les salariés forgent ils et maintiennent-ils des attentes positives quant à l’issue de leurs interactions avec l’organisation ?

Comment les salariés donnent-ils sens aux situations qui ne correspondent pas à leurs attentes et que l’incertitude réapparait ? Comment cette recherche de sens permet-elle de comprendre la confiance accordée entre les individus et l’organisation au fil des interactions ?

Si la confiance est un processus interactif,

Comment l’organisation participe-t-elle à ce processus ?

Le chapitre suivant présente les perspectives théoriques qui se sont avérées utiles pour répondre à ces questions.

CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE

LA CONFIANCE ORGANISATIONNELLE, UN PROCESSUS DE