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Une part de confiance liée à une évaluation positive des caractéristiques de l’organisation

Résumé et conclusion de la partie I

B. Une part de confiance liée à une évaluation positive des caractéristiques de l’organisation

Une autre façon de forger des attentes positives consiste à collecter des informations sur l’organisation pour pouvoir juger directement si l’organisation est digne de confiance. L’évaluation du risque n’est plus liée à l’intérêt de l’autre de maintenir ou briser la relation mais aux caractéristiques perçues. Ces informations peuvent être collectées via des sources intermédiaires de confiance comme la réputation

et les références (ex. via le site Glassdoor) ou des labels, certifications ou accréditations (ex. le classement Great Place to Work) (Reitter et Ramanantsoa, 2012). Elles peuvent également être collectées via l’expérience directe, au fil des interactions. Cette évaluation dépasse les considérations économiques et repose sur la connaissance de l’organisation et la compréhension de son fonctionnement (knowledge-based trust de Shapiro et al. 1992 et de Lewicki et Bunker 1995). Si la première approche reposait de façon évidente sur la raison via le calcul, cette approche fait elle aussi appel à la raison : les individus font confiance parce qu’ils ont de bonnes raisons de faire confiance, même si l’analyse cognitive peut inclure des facteurs affectifs et relationnels comme la bienveillance ou la bonne volonté (affect-based trust de McAllister, 1995, en plus de la cognitive trust) et donc que les raisons rationnelles peuvent être subjectives (Möllering, 2006). Cette évaluation peut dépasser la simple compréhension et inclure le fait de se reconnaitre dans son fonctionnement voire de partager des valeurs, d’avoir une identité collective (identification-based trust de Shapiro et al., 1992 et de Lewicki et Bunker, 1995). On retrouve ici des approches de la confiance ancrée dans la théorie du contrat psychologique (Neveu, 2004b ; Rousseau et al., 2014) ou être étudiée sous l’angle du soutien organisationnel (Kurtessis et al., 2017 ; Tan et Tan, 2000).

La littérature sur la confiance entre les salariés et leur employeur se concentre sur cette évaluation positive des caractéristiques : en assimilant le fait pour l’organisation d’être digne de confiance et le fait pour les individus de lui faire confiance, elle cherche à identifier les critères qui rendent l’organisation digne de confiance. Le Tableau 4 page suivante présente les dimensions identifiées pour la confiance organisationnelle8.

S’il n’y a pas de consensus et que ce n’est pas l’objet de ce travail de trouver une typologie, nous avons choisi de regrouper les dimensions qui font paraitre l’organisation digne de confiance en quatre catégories afin de faciliter la lecture, à savoir la bienveillance, l’intégrité, la compétence, et la fiabilité.

La bienveillance organisationnelle correspond aux actions qui amènent les parties prenantes à sentir que leur bien-être est pris en compte sincèrement (Gillespie et Dietz, 2009 ; Shockley-Zalabak, Morreale et Hackman, 2010). Il peut s’agir de courtoisie dans les interactions (Caldwell et Clapham, 2003), d’ouverture et d’honnêteté en apportant par exemple les informations dont ont besoin les parties prenantes qui ont un intérêt dans les objectifs et résultats de l’organisation (Caldwell et Clapham, 2003), de souci des employés (Gillespie et Dietz, 2009 ; Shockley-Zalabak, Morreale et

8 Pour rappel, nous nous concentrons sur la confiance dans l’organisation elle-même. Pour une synthèse de travaux sur la confiance dans le (top-)management, voir Dietz et Den Hartog (2006)

Hackman, 2010), de soutien organisationnel perçu (Tan et Tan, 2000). Pour les dirigeants, Campoy et Neveu (2006) parlent de respect et communication.

Tableau 4 : Dimensions de la confiance organisationnelle issues des échelles, inventaires et questionnaires de la confiance organisationnelle consultés

Auteurs Dénomination Dimensions Cummings et Bromiley,

(1996)

Organizational Trust Inventory

Tient ses engagements, négocie de façon honnête, évite de tirer un avantage excessif

Chaque dimension est abordée sous trois perspectives : affective, cognitive, intention de comportement

Shockley-Zalabak, Morreale et Hackman, (2010)

Organizational Trust Inventory

Compétence, souci des employés, identification, ouverture/honnêteté, fiabilité Campoy et Neveu, (2006) Echelle de mesure de la confiance organisationnelle

Compétence, intégrité, respect et communication

Weibel et al., (2016) Organization’s trustworthiness

Compétence, bonnes intentions Gillespie et Dietz

(2009)

Organizational trustworthiness

Compétence, bienveillance, intégrité Caldwell et Clapham

(2003)

Organizational trustworthiness

Communication honnête, courtoisie interactionnelle, assurance de qualité, compétence liée aux tâches, équilibre financier, légalité

Six (2003) Trustworthiness Compétence, bienveillance, dévouement, éthique Mayer, Davis, et Schoorman (1995) Schoorman, Mayer et Davis (2007) Organizational Trust

Compétence, bienveillance, intégrité

Vanhala, Puumalainen et Blomqvist (2011)

Impersonal trust Compétence, justice

Tan et Tan (2000) Trust in Organization

Soutien organisationnel perçu, justice organisationnelle

L’intégrité organisationnelle est l’ensemble des actions qui traduisent l’adhésion à des principes moraux et un code de conduite que le salarié juge acceptable (Gillespie et Dietz, 2009). Caldwell et Clapham (2003) mentionnent par exemple le respect de la loi, Tan et Tan (2000) et Weibel et al. (2015) la justice organisationnelle et Shockley-Zalabak et al. (2010), la poursuite d'un ordre social établi et le respect de normes ou de règles acceptables. Pour les dirigeants, il peut s’agir d’ouverture et d’honnêteté (Campoy et Neveu, 2006). L’individu sait que l’organisation agira en son intérêt et inversement non pas par devoir ou intérêt mais par envie, parce qu’ils partagent des valeurs. Il ne s’agit cependant que d’exemples et non de critères universels : les critères relatifs aux dimensions et particulièrement pour la bienveillance et l’éthique sont très liés aux normes prévalant non seulement dans l’organisation mais aussi dans le contexte dans lequel elle s’insère, ce que nous développerons dans la partie D.

Ceci dit, les intentions et principes ne suffisent pas, il faut aussi que l’organisation montre qu’elle a les compétences pour remplir ses objectifs organisationnels. Cet élément est présent chez pratiquement tous les auteurs. La compétence organisationnelle est la capacité de l’organisation à relever les défis de son environnement et à remplir ses objectifs (Gillespie et Dietz, 2009 ; Shockley-Zalabak, Morreale et Hackman, 2010), en ayant les connaissances et moyens nécessaires (Gillespie et Dietz, 2009), en combinant efficacité et efficience pour atteindre l’équilibre financier, en délivrant des produits et services de qualité, ou en étant compétitive par exemple (Caldwell et Clapham, 2003). Cela peut se traduire par le prestige organisationnel (Weibel et al., 2016). Pour les dirigeants et supérieurs, il peut s’agir de connaissances et de savoir-faire techniques mais aussi de compétences sociales, d’informations, d’accès à des réseaux, ou de ressources matérielles comme immatérielles (Reitter et Ramanantsoa, 2012), de respect des promesses, de discrétion et de cohérence (Campoy et Neveu, 2006).

Enfin, il faut non seulement que l’organisation ait de bonnes intentions et des compétences, il faut qu’elle les mette effectivement en œuvre et se montre ainsi fiable et cohérente. Outre la mention explicite de la fiabilité et de la cohérence, on trouve ici principalement le fait de tenir ses engagements (Shockley-Zalabak, Morreale et Hackman, 2010). Pour la confiance dans la direction, cela se traduit par le respect des promesses, la discrétion et la cohérence (Campoy et Neveu 2006).

Ainsi, d’après ces études issues essentiellement de la psychosociologie, les salariés collectent des informations par leur expérience directe ou indirecte sur la bienveillance, l’éthique, les compétences et la fiabilité de l’organisation et évaluent à partir de là s’ils peuvent la considérer comme digne de confiance. Cependant, cette approche a de nombreuses limites, notamment qu’elle fait porter la confiance uniquement sur l’organisation et assimile le fait que l’organisation soit digne de confiance au faire-confiance des individus. Or, quelles que soient les caractéristiques réelles de l’organisation, les individus peuvent les percevoir différemment et ne pas tous prêter attention aux mêmes facteurs, si l’on en croit les recherches issues de la psychologie de la personnalité. Faisons un détour par ces travaux pour voir le rôle que peut jouer l’attitude individuelle dans la confiance.