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« Le thème de la confiance est l’objet d’un vif engouement en Sciences de Gestion et à l’origine d’une production considérable d’articles dans l’ensemble des domaines de la gestion », constatait Frédéric Bornarel en 2004, s’appuyant notamment sur le fait qu’un numéro spécial sur le sujet avait été édité par Economies et Société en 1998. Pourtant, en 2011, Anne Gratacap et Alice Le Flanchec constatent que la confiance est un thème marginal dans les revues françaises liées aux disciplines de gestion, malgré un numéro dédié dans la Revue Française de Gestion (RFG) en 2007. Dans leur inventaire des articles sur la confiance dans la RFG, M@n@gement, la Revue de Gestion des Ressources Humaines, Finance Contrôle Stratégie ainsi que Recherche et Applications Marketing, elles n’ont recensé que 30 publications pour un total de 1491 articles publiés dans ces revues entre 2000 et 2010, dont six seulement dans un contexte intra-organisationnel. Les autres portent essentiellement sur la confiance des consommateurs, sur la confiance inter-organisationnelle ou sur le lien entre la confiance et d’autres notions. Sur cette période, un ouvrage de sociologie coordonné par Philippe Minard sur les « mondes de confiance » avait cherché à mettre à l’épreuve le concept de confiance dans différents contextes organisationnels. Deux thèses ont été soutenues en 2004 sur la confiance intra-organisationnelle : celle de Frédéric Bornarel, sur la confiance comme mode de contrôle social dans des cabinets de conseil, et celle de Valérie Neveu sur le rôle de la confiance dans la relation d’emploi à travers la confiance du salarié à l'égard de son supérieur hiérarchique direct et des dirigeants de son entreprise. La première a soulevé un double questionnement qui a fait l’objet de peu de recherches françaises depuis, à savoir l’articulation entre confiance et contrôle (Chêne et Le Goff, 2017) et le fait que la confiance peut ne pas être que positive (faute de travaux français, citons Skinner, Dietz et Weibel, 2014). La seconde a permis la création d’une échelle de confiance organisationnelle qui sert aujourd’hui de référence en France (Campoy et Neveu, 2006).

Depuis, les travaux dédiés à la confiance organisationnelle sont rares. En 2012, Marie-Aude Abid-Dupont soutenait sa thèse sur le lien entre confiance et pratiques de leadership, montrant que le type de leadership permettant de développer la confiance change selon le type de contexte organisationnel et plus précisément selon le pouvoir formel du supérieur (Abid-Dupont, 2012 ; Abid-Dupont et Chandon, 2016). La même année, Alain-Joseph soutenait la sienne sur les modes de régulation et de contrôle dans le pilotage des Etablissements Publics Locaux d’Enseignement et il en est venu à

questionner le rapport avec la confiance (Venart, 2012)3. Une dernière thèse touche à la confiance organisationnelle : dans le modèle de Pierre-Paul Santoni liant compétence éthique du dirigeant et comportement innovateurs des salariés, la confiance des salariés apparait comme influencée par le premier facteur et influençant le second. Aucune n’a traité spécifiquement de la confiance organisationnelle au sens de confiance entre individus et organisation. En 2014, Question(s) de Management demandait comment les organisations peuvent aujourd’hui développer le sentiment de confiance et proposait à des praticiens, experts et universitaires de répondre à cette question. Force est de constater que si un certain nombre de chercheurs émettent des pistes de réponses, aucun n’est spécialisé sur le sujet et les études et publications spécifiques restent rares. Une exception est l’ouvrage de Roland Reitter et Bernard Ramanantsoa qui dresse un panorama des grands courants de la recherche internationale et interdisciplinaire sur la confiance, avant d’en tirer un modèle théorique d’intervention en entreprise pour « enclencher la confiance » (Reitter et Ramanantsoa, 2012). Une autre discipline apporte des pistes, l’ergonomie, avec un ouvrage collectif sur le sujet coordonné par Laurent Karsenty ainsi que d’autres travaux de ce dernier, seul chercheur français aujourd’hui spécialisé sur la confiance dans les organisations (Karsenty, 2013a, 2015a, 2015b, 2019a). Ses travaux s’appuient sur ses expériences en entreprises (puisqu’il est à la fois consultant dans son propre cabinet avec des interventions spécialisées autour de la confiance et chercheur HDR associé au CNAM et à la chaire Confiance et Management de Dauphine), toutefois ses publications ne développent pas les expériences de terrain sur lesquelles ses propositions théoriques s’appuient, même si les échanges que nous avons pu avoir montrent que ses propositions émanent directement de ces expériences. Enfin, la chaire Confiance et Management de l’université de Paris Dauphine se concentre sur le niveau managérial, comme son nom l’indique, mais n’inclut pas (à l’heure actuelle) le niveau organisationnel. Le seul atelier ayant eu lieu sur le sujet a été animé par un consultant et non un chercheur, montrant l’absence de référence académique sur le sujet en France actuellement4. Nous constatons ainsi un vide à combler dans la recherche francophone en gestion pour comprendre de façon empirique rigoureusement documentée comment les organisations peuvent développer la confiance envers et de la part de leurs salariés5.

3 Malheureusement nous n’avons pas pu consulter cette thèse, située à Nice et non disponible au prêt entre bibliothèques.

4 http://chaireconfiance.fondation-dauphine.fr/agenda/2019/06/workshop-confiance-dans-une-organisation-pourquoi-et-comment par Patrice Naudy de Moonspark.

5 . A noter, un numéro spécial sur la confiance doit paraître dans la RIHME fin 2020 ou début 2021.Nous n’en connaissons pas la teneur et ne savons pas s’il y aura des articles sur la confiance organisationnelle.

La première partie de cette thèse dresse un état des lieux des études de la confiance organisationnelle et explique nos choix théoriques, en se concentrant sur l’étude de la confiance des individus dans les organisations tout en faisant appel à des perspectives complémentaires. Ce panorama permet de comprendre comment le sujet est habituellement abordé, quelles questions se posent et quels choix nous avons fait en termes de définitions.

Figure 2 : Architecture de la première partie de la thèse

• D’un état résultant de déterminants à un processus dynamique de recherche de sens

• Balayage des approches existantes de la confiance en générale et de la confiance organisationnelle spécifiquement. Explication des choix associés à la définition choisie et à notre approche de la confiance comme processus dynamique complexe

CHAPITRE 1 : ETAT DE L'ART DE LA CONFIANCE ORGANISATIONNELLE

• La confiance organisationnelle, un processus de construction de sens

• Présentation du sensemaking et proposition théorique de la façon dont faire confiance est un processus de construction de sens qui se décline d'au moins deux manières différentes

CHAPITRE 1 : ETAT DE L’ART

LA CONFIANCE ORGANISATIONNELLE, D’UN ETAT RESULTANT DE