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INTRODUCTION DU CHAPITRE 4

A. Structure : d’un fonctionnement en silos à une structure fluide

Une des décisions majeures de la transformation de SAMSARA est la suppression des Business Units ainsi que de leurs comptes de résultats, effective à janvier 2015, et l’émergence spontanée de cercles et communautés rassemblant les collaborateurs selon des offres et des savoir-faire, en plus des clubs autour de centres d’intérêts (professionnels ou non) qui existaient déjà auparavant. Nous parlerons indifféremment de cercle ou communauté lorsqu’il s’agit de rassemblement autour d’une offre et/ou de savoir-faire. Chaque collaborateur peut initier un cercle et en rejoindre autant qu’il le souhaite selon ses souhaits et disponibilités. Ce changement structurel est la base sur laquelle tous les autres changements s’appuieront. Cette partie montre les limites attribuées au fonctionnement en BU, la façon dont les cercles se sont mis en place et les principaux apports de cette nouvelle organisation.

1. Les limites du fonctionnement classique en Business Units

Avant la transformation, chaque consultant était rattaché à une BU et au compte de résultat associé, donc toute son activité, le chiffre d’affaires facturé, la marge dégagée et les jours non facturés, étaient imputés à la BU. Les BU devaient être rentables et facturer le plus possible au meilleur taux pour améliorer le chiffre d’affaires et la marge, les bonus individuels en étant tributaires. Cela entrainait une concurrence interne, à la fois pour obtenir des contrats chez des clients et pour garder les meilleurs consultants pour sa propre activité. Si les consultants créaient des liens avec des consultants d’autres BU, ils risquaient d’augmenter la frustration de ne pas pouvoir ensuite aller travailler avec eux si leur responsable préférait les garder.

De plus, les fonctionnements des BU étaient très différents, principalement sur deux aspects. Certaines fonctionnaient majoritairement avec des contrats en régie, c’est-à-dire avec engagement de moyens : le consultant est placé chez un client, pour une durée allant de la journée à plusieurs années, afin de réaliser le travail souhaité par le client, et le client paye le nombre de jours effectivement nécessaires à la réalisation du travail. D’autres fonctionnaient majoritairement avec des contrats au forfait, c’est-à-dire avec engagement de résultats : SAMSARA s’engage à livrer un produit ou un service conforme à la commande et choisit la façon de s’organiser en termes de main d’œuvre, de jours et de moyens pour y parvenir, le client payant le forfait convenu. Le premier cas est typique des entreprises de services numériques (ESN, anciennement appelées SSII), tandis que le second est typique des cabinets de conseil. Les façons de recruter, de vendre et d’attribuer les missions diffèrent et entrainent des cultures différentes. De plus, certaines BU fonctionnaient sur un schéma paternaliste, d’autres sur un mode très coopératif, tandis que d’autres avaient un fonctionnement hiérarchique classique. Ces différences de fonctionnement renforçaient le cloisonnement, puisque lorsque quelqu’un d’une BU regardait ce qui se faisait ailleurs, il pouvait ne pas trouver grand-chose en commun avec le fonctionnement de sa BU et préférer rester dans ce qui était familier.

2. Un fonctionnement en cercles ouverts et fluctuants

Avant même que la suppression des BU ne prenne effet en janvier 2015, des cercles37 voient le jour autour de thématiques et compétences transversales. L’idée est qu’un cercle soit un groupe de salariés fédérés autour d’une thématique, qu’il s’agisse d’un savoir-faire, d’une offre ou d’un secteur. Dans sa conception initiale, d’après le groupe de travail qui s’est emparé du sujet, le cercle possède un leadership tournant, définit et communique son ambition et la revoit régulièrement. Dans les faits,

37 Le terme cercle a été emprunté à l’holacratie, qui a fait partie des sources d’inspirations initiales et dont nous discuterons dans le chapitre 9. Finalement n’a été conservé de l’holacratie que le terme « cercle » mais pas son fonctionnement.

certains cercles gardent initialement un fonctionnement similaire à celui d’une BU, tandis que d’autres expérimentent directement de nouveaux fonctionnements. La constante est que chaque salarié est libre de rejoindre le ou les cercles qu’il souhaite, et d’y contribuer activement ou d’y venir en simple curieux pour élargir ses horizons. Comme les collaborateurs adhèrent librement aux cercles et n’y sont plus cantonnés, cela permet le décloisonnement souhaité avec la transformation et favorise les rencontres et la création de lien, non seulement entre consultants de métiers divers mais aussi entre consultants, commerciaux et fonctions supports puisque tous peuvent y participer. Si des cercles s’inscrivent dans le prolongement direct des anciennes BU en termes de domaines (ex. il y avait une BU « APS : Assurance Protection Sociale », il y a un cercle « PSA – Protection Sociale Assurance » ; il y avait une BU « TDO Transformation Des Organisations », il y a un cercle « IO² : Innovation et Optimisation des Organisations »), d’autres cercles permettent d’apporter de la transversalité, de mettre en avant des compétences particulières ou de développer de nouvelles offres transversales, comme l’UX (User Experience), l’expérientiel, ou l’agilité, ou faisant appel aux compétences de plusieurs cercles comme les offres ACT et Devops ou encore de développer de nouveaux secteurs, comme celui de la santé. « Après la libération ça a permis que ça émerge, la mission DHT, le concours pour avoir cette conférence aux universités d’été, et cette mobilisation autour du sujet. […] La libération a facilité car avant, on était sur deux BU différentes (assurance et protection), en termes de chiffres d’affaires on se posait la question de quelle case où je rentre donc développer un truc hybride était plus compliqué. Casser les cloisons et permettre de se réorganiser de façon organique pour créer de nouveaux écosystèmes a permis à Jonathan et moi de travailler beaucoup plus facilement ensemble sans se poser la question de quel CA38 » (Christine2).

Les cercles ne sont pas créés une fois pour toute à la transformation mais apparaissent, disparaissent et se reconfigurent au fil des mois et des années, selon les initiatives des collaborateurs, des offres commerciales qui semblent pertinentes et de ce qui prend ou non. Ces cercles, centrés sur une offre, un secteur ou un savoir-faire tout en étant perméables et permettant des appartenances multiples, sont une grande source de transversalité et d’échanges. Deux ans et demi après le lancement de la transformation, 85% des salariés de SAMSARA sont « d’accord » ou « tout à fait d’accord » pour dire qu’ « [ils peuvent] interagir avec des gens très différents [d’eux] (profil, expérience, ancienneté, vision du monde…) »39 comme l’illustre ce futur manager à travers l’exemple d’une mission pour laquelle il est allé solliciter des personnes dont les compétences les rattachaient à d’autres cercles : « la confiance est dans le fait que les personnes croient en l’opportunité qu’on leur donne, elles nous font confiance

38 CA : chiffre d’affaires, au sens du chiffre d’affaires associé au compte de résultat de quelle Business Unit

39 Questionnaire SAMSARA et moi, juillet 2017, administré par nos soins à l’ensemble des collaborateurs SAMSARA. 108 répondants (collaborateurs SAMSARA = tous ceux qui ont une adresse @samsara.fr active)

dans l’opportunité de faire quelque chose de nouveau et ‘ça va me plaire et ça va être enrichissant’, et nous on a confiance qu’ils vont réaliser les taches qu’on leur confie et que le client sera satisfait et que si c’est une belle expérience ils seront contents d’avoir fait cette expérience ». (Théodore1)

Ainsi, le passage de BU figées à des cercles reconfigurables et la possibilité pour les salariés d’être attachés à plusieurs cercles intègrent dans la structure même de l’organisation l’ouverture et l’acceptation de l’incertitude, deux éléments clés de la confiance.

B. De l’autorité hiérarchique à des rôles de soutien et