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INTRODUCTION DU CHAPITRE 4

B. Des signaux faibles à la décision de transformation

Bien que 2013 soit la meilleure année de SAMSARA en chiffre d’affaires, le président ne se satisfait pas : « [son] pif lui dit qu’un truc ne va pas ». Il écoute alors les signaux faibles : le portefeuille d’offres est vieillissant, les retours négatifs de la part de clients se multiplient (cela se voit notamment à des sorties de mission de consultants qui interviennent plus tôt que prévu ou des contrats non renouvelés par les clients), la croissance ne résulte que de rachats et non de l’augmentation de l’activité, et les collaborateurs ne se parlent pas, ne travaillent pas ensemble et se critiquent, vivant des expériences très différentes d’une BU à l’autre. Aussi, le président fondateur, toujours actionnaire majoritaire et dirigeant, constate l’écart avec ce qu’il espérait créer, à savoir une entreprise capable de faire travailler ensemble des profils et des métiers très différents où la créativité et la transversalité permettraient aux clients d’être satisfaits et aux collaborateurs de s’épanouir, tout en permettant à la structure d’être rentable. Il anticipe avec raison un chiffre d’affaires en baisse en 2014.

Il partage au CODIR et aux responsables de BU et de secteurs ses constats ainsi que des vidéos et lectures sur de nouveaux fonctionnements, « libéré », « holacratique », « aplati », « opale », qui lui semblent correspondre à l’état d’esprit dans lequel il a créé SAMSARA. Il souhaite ainsi nourrir la réflexion et donner envie d’avancer vers ces modes d’organisation. Les associés découvrent le Golden

Circle de Simon Sinek32, regardent des interventions de Jean-François Zobrist33 et de Frédéric Laloux34, et se penchent sur l’holacratie. En mai 2014, un séminaire est organisé pour permettre aux dirigeants de travailler sur la vision de SAMSARA, sans parvenir à réconcilier les cultures qui s’opposent. D’une part, la compréhension est difficile entre les consultants qui interviennent sur des domaines techniques (informatiques essentiellement, comme le calcul de haute performance, le big data, la data science etc.) et ceux qui interviennent sur des domaines autres comme la maîtrise d’ouvrage ou la conduite du changement par exemple. D’autre part, ceux qui sont chez SAMSARA depuis longtemps sont empreints de la culture du président, et sont donc plutôt orientés collaboration, ouverture, expérimentation. Ceux-là sont plutôt partants pour tester de nouvelles choses. A contrario, ceux qui sont plus orientés élitisme et pouvoir, souvent arrivés pendant la période des BU, souhaitent conserver une organisation basée sur les procédures et sur le contrôle.

A l’occasion de l’anniversaire de SAMSARA, le président communique sur son souhait de revoir l’organisation de SAMSARA. Peu après, un appel à tous les salariés de SAMSARA est lancé pour identifier les collaborateurs intéressés pour réfléchir à des changements possibles. Deux séminaires de deux jours sont organisés, qui rassemblent quarante collaborateurs répartis en quatre groupes de dix, chaque groupe étant animé par un membre du CODIR. Chaque groupe travaille sur ce qui les rassemble. Ils identifient les principaux irritants, et travaillent sur une organisation, des principes, des règles qui pourraient répondre à ces irritants. Selon les groupes, les réponses vont de l’amélioration de processus à l’invention d’une nouvelle façon d’envisager l’organisation. Ce qu’il en ressort de manière globale est qu’au moins pour ces quarante, l’organisation doit évoluer et offrir plus de responsabilisation et d’autonomie aux collaborateurs. Il reste à clarifier pourquoi et identifier comment.

Un mois plus tard, un rapporteur par groupe présente le résultat de la réflexion de son groupe aux membres du CODIR, associés, responsables de BU, responsables de composante à l’intérieur des BU, et responsables de secteur. L’après-midi, ce CODIR élargi poursuit le travail pour identifier les chantiers nécessaires pour faire évoluer l’organisation. Ils se retrouvent avec une liste d’irritants et des pistes de solutions, de teneurs très diverses, allant de l’évolution à un changement radical. Les discussions oscillant entre les deux, un des membres du CODIR finit par proposer un vote à bulletin secret pour

32 https://www.ted.com/talks/simon_sinek_how_great_leaders_inspire_action

33 Ancien dirigeant de FAVI, entreprise pionnière et emblématique de ce que Isaac Getz appelle les

« entreprises libérées », auteur de « La belle histoire de Favi : l’entreprise qui croit que l’homme est bon » et aujourd’hui conférencier

34 Ancien partenaire associé de Mc Kinsey, auteur de « Reinventing Organizations » dans lequel il développe l’idée d’organisations « opale », suite à une grande étude de terrain, et conférencier

savoir si oui ou non ils sont prêts à aller vers une transformation profonde de l’organisation, d’inspiration holacratique et libérée. Sur les neuf bulletins, il y a un « non », un « mouais », et dix-sept « oui ». Les « oui » suivent-ils le président, sont-ils dans un souhait personnel de changement ou s’inscrivent-ils dans une démarche collective ? Toujours est-il que la transformation de l’organisation est décidée et annoncée dès le lendemain.

La transformation est décidée, reste à savoir comment la mettre en place. Pour cela, quinze chantiers sont identifiés à partir des contributions des salariés consultés et quatre sont jugés prioritaires. Des groupes de travail sont lancés par une journée dédiée. Le premier concerne la création de cercles pour répondre au besoin de lien, de collaboration et d’appartenance. Le second travaille à la mise en place d’un programme mentoring pour le besoin d’être accompagné dans la carrière et grandir. Le chantier « bourse aux projets » (pour la transversalité ainsi que l’accessibilité des missions et des appels d’offre) et le chantier « vente et efficacité commerciale » (pour partager un flux commercial et trouver une nouvelle dynamique) sont en fait reportés. Dans les faits, la transformation ne suit pas de plan de conduite du changement avec des étapes claires et une définition de l’objectif à atteindre. Comme nous allons le voir dans ce chapitre, elle passe d’abord par la suppression de tout ce qui ne convient plus, puis par l’expérimentation d’un fonctionnement reposant sur un état d’esprit plus que sur des règles et le tâtonnement pour trouver un cadre de fonctionnement adéquat. La figure ci-dessous résume les étapes clés de la transformation.

II. DES COLLABORATEURS CONSIDERES A PRIORI INTEGRES, COMPETENTS ET

BIENVEILLANTS

Si l’organisation n’est pas assimilable à son fondateur, les principes qui sous-tendent son fonctionnement sont fortement influencés par les croyances de ce dernier, dans la mesure où il détient encore plus de soixante pourcents des parts, que la taille de la structure fait que le dirigeant peut encore avoir un contact direct avec tous les collaborateurs, et parce qu’il exerce une influence forte sur les grandes directions prises même si une très grande marge d’expérimentation existe. Voyons comment cette vision du monde, et des collaborateurs en l’occurrence, se reflète dans l’organisation et ses pratiques, à travers l’a priori de compétence et celui d’intégrité et de bienveillance.

C. Un fonctionnement qui reflète une croyance dans le fait que chacun