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CHAPITRE V : LA LITTÉRATURE DE LA RÉVOLUTION

E) Les superstitions

À la suite d'une guerre avec des rebelles afghans, excités et soutenus par les Anglais 483, la Perse reconnut l'indépendance de Harât et cette ville fit officiellement partie de l'Afghanistan (dont la Perse avait été amputée en 1747) comme le stipule le traité de Paris de 1857, conclu avec les Anglais. À travers ces événements historiques, Talebof nous présente une image de la société persane où la masse et les hommes dřÉtats étaient tous plongés dans la superstition. Pour montrer le haut degré de la superstition de certains ministres illettrés, il nous présente des types fortement superstiteux qui recouraient comme la masse, à lřamulette et à la zabân band 484

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La dernière fois que notre armée sřempara Harât, dit le défunt vizir, les Anglais sřirritèrent et la guerre commença alors. Ils vinrent au ports ; lřarmée de lřIran se retira et évacua la ville. Il y avait un conseil pour conclure un traité de paix entre deux pays adverses. Lřun des ministres dit : « il faut que Mirza Hassan Gowhari vienne et écrive une zaban band pour la reine de lřAngleterre, afin que

482

TALEBOF TABRIZI, Masâlék..., op. cit., pp. 194-195. Cřest nous qui traduisons.

483

Cřétait en réalité une guerre avec les Anglais.

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tout sřarrange ordinairement. Ce genre de choses ne mérite pas de chercher la médiation de la Russie et de la France » 485.

La Perse était de tous les côtés en butte à la crise et les Russes, les Anglais et les Ottomans menaçaient à la fois lřintégrité du pays. À lřouest, lřarmée ottomane attaquait de temps à autre les frontières et lřÉtat qâjâr, incapable de diriger le pays, ne prenait aucune mesure pour les garantir. Selon lřauteur, les dirigeants fortement superstiteux de lřÉtat qâjâr évitaient même renforcer lřarmée et de défendre les frontières. En réponse à un ministre qui demandait lřexpédition des soldats aux frontières, lřun de ces ministres superstitieux lui répondit :

Au lieu dřun expédition et de la dépense superflue, il suffit de lire, dans trois jours, la bénédiction de Nâd Ali 486. Nous avons le Zolfaqâr 487 Monsieur,

Zolfaqâr ! ... Quřest-ce que vous en dites 488. [...]

Un jour, écrivit le défunt vizir (le père de Mirza Mahamoud) dans son testament, on parlait de lřaugmentation des forces militaires, et le Ministre de la Défense dit : « lřarmée que nous avons maintenant, il ne sřen trouve dans aucun autre pays ; il faut une amulette (hérz) pour chaque soldat afin que la balle de lřadversaire ne le touche pas. Je connais une telle personne et sřil accepte de lřécrire, tout ira bien » 489

485

TALEBOF TABRIZI, Masâlék..., op. cit., pp. 198-199. Cřest nous qui traduisons.

486

Sorte de bénédiction.

487

Cřest le célèbre sabre du prophète Mahomet quřil avait offert, au cours de la guerre ohod, à Imâm Ali, le premier Imâm des chiřites.

488

TALEBOF TABRIZI, Masâlék..., op. cit., p. 200. Cřest nous qui traduisons.

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F) La polygamie

Dans la société fortement religieuse des Qâjârs où les femmes, emballé dans le tchâdor et le voile, ne jouissaient pas du moindre privilège, Talebof présente, comme Dehkhoda, une image entièrement différente de lřhomme de lřépoque. Débauché et capricieux, les Rois qâjâr, surtout Fath Ali Chah et Nasereddin Chah, possédaient des dizaines femmes qui vivaient toutes ensembles dans le haram (harem). Mais la question de la polygamie, provenant de lřIslam, nřétait pas réservée à la société persane, elle concernait tous les pays musulmans. La critique de lřauteur ne vise pas directement les rois Qâjâr ; il préfère, peut-être, lui donner une portée plus générale.

Ŕ Combien de femmes a-t-il, le roi de votre pays ? demanda lřun des rois de lřOrient à lřambassadeur dřAngleterre.

Ŕ En Angleterre, répondit lřambassadeur, le roi doit avoir une seule reine. Les députés du Parlement nřautorisent pas la polygamie.

Ŕ Je nřaccepte pas la royauté dřun tel pays ! reprit le roi.

Lřambassadeur écrit dans son journal : lorsque jřai dit que la polygamie nřest pas autorisée pour le roi, le couronné me regarda dřune telle façon que jřai pensé que celui-ci, étant en courroux, oubliera mon ambassade et quřil me pendra. Le même ambassadeur écrit que ce sultan avait cent soixante femmes 490.

Puis, lřauteur, en donnant une représentation opposée de lřOrient et lřOccident au lecteur, dessine une image sombre des dirigeants orientaux, qui, livrés à la débauche et au caprice, mettent au péril lřintérêt national pour préserver leurs intérêts propres. Le type occidantal, tout au contraire, jouit de trois caractères marquants : la maîtrise de soi, la reponsabilité et le patriotisme.

Au sujet de la différence entre les rois de lřOrient et lřOccident, un récit mřest venu à lřesprit, dit Mehr Ali Khan, le vice-gouverneur. Au moment de conquête de la Pologne par Charles XII, le célèbre roi de Suède, la plus belle fille de Pologne et même de toute lřEurope, alla au camp de celui-ci. Elle voulait se montrer à Charles, le séduire par sa bauté et lřempêcher, donc, de conquérir sa patrie.

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Charles ne lui donna pas audience. La fille attendit sur le chemin où Charles devait passer inévitablement. Il la vit de loin et éperonna son cheval, galopa devant elle et passa rapidement, de peur quřil ne puisse pas maîtriser ses passions, ne soit épris dřelle et ne gaspille ses efforts pour la guerre. La fille fu désespérée et écrivit une lettre à Charles : « nřoublie pas que si tu conquiers ma patrie, il restera encore dans ton histoire que tu eus peur dřune femme de ce territoire et que tu fus vaincu ».

Petré Kabir (Pierre le Grand), qui était assiégé à côté de la rivière Prout par lřarmée ottomane, envoya sa femme, la reine Catherine, au camp de Mohammad Bettaji, le commandant de lřarmée ottomane. La reine lui offrit ses boucles dřoreilles et les Russes furent sauvés 491

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