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CHAPITRE V : LA LITTÉRATURE DE LA RÉVOLUTION

1. Renouveau littéraire

La prose, maniérée et la poésie truffée de métaphores, de comparaisons et de métonymies qui caractérisaient lřépoque des Safavides (1501-1736), ce quřon applait le style ésfahâni ou héndi (indien) 260, demandait un renouveau littéraire. Celui de la poésie commença à lřépoque de Karim Khan Zand (1163-1193 hl./1749-1779) 261. De nombreaux poètes comme Mochtaq, Hatef, Azar, Rafiq, Tabib ol-Acheq composèrent donc des poèmes selon le style khorâsâni 262 et

260

À lřépoque où les Rois Safavides nřavait dřégard ni pour les poètes ni pour les poèmes, sauf les poèmes religieux, les Sultans Gourkânides (les descendants de Timour-Lang, fondateur de la dynastie Tymourid en Iran) accueillaient bien les poètes persans. Ces derniers partirent donc pour les Indes où ils composèrent des poèmes selon le nouveau style Héndi. Cette nouvelle école, dont Saëb Tabrizi était le maître, fut fondée à Ésfahân et portait au début le nom dřÉsfahâni, mais prit plus tard le nom de Héndi. Cf. SHAMISA, Cyrus, Seyré ghazal dar ch’ré fârsi, Téhéran, Ferdowsi, 1370, pp. 168-169.

261

Le roi de la Perse, Nader Chah Afchar, après avoir conquis les Indes en 1151hl./1739, fut assassiné quelque années plus tard par ses officiers en 1160 hl./1747 et Adel Chah lui succéda. Karim Khan Zand, après avoir vaincu ce dernier, fonda la dynastie Zandiyéh en 1163 hl./1749, qui fut renversée en 1209 hl./1794 par Agha Mohammad Khan Qâjâr, le fondateur de la dynastie Qâjâriyéh.

262

Lřécole littéraire commencée au début de IVe

siècle après lřhégire dont il continua jusquřà la moitié de VIe

siècle. La plupart des poètes de cette école étaient originaire de Khorâsân (à lřest de lřIran) et cřest la raison de la dénomination de ce style (khorâsâni). Ce mouvement littéraire se caractérisait au début par le sentiment de nationalisme ; lřépopée Châh nâméh de Ferdowsi en est le chef-dřœuvre le plus connu ; il évolua vers le mysticisme comme on le voit dans les poèmes de Sanaï et Naser Khosrow. La simplicité et aussi le refus dřutiliser des mots arabes sont les principales caractéristiques du style khorâsâni. Le Qasidéh (lřode) et le masnavi étaient les formes qui lřemportaient à cette époque ; mais on composait aussi des quatrains, comme les Robâïyât (quatrains) de Omar Khayyam Neychabouri (1050-1123 après J.-C), qui exprimaient une sensibilité à la fois épicurienne et désespérée. Roudaki, Chahid Balkhi, Kasaï, Manowčehri, Masořud

arâqi 263. Mais le vrai renouveau ne se produisit quřaprès la Révolution constitutionnelle lorsquřune littérature socio-politique et critique apparut, qui prépara le terrain pour le ch’ré now (la poésie moderne) 264. La poésie de lřépoque de la Constitution est en réalité lřhistoire versifiée de lřIran contemporain ; il sřagit surtout de poèmes satiriques et critiques, socio-politiques et patriotiques destinés à exciter les jeunes gens, et de poèmes révolutionnaires, décrivant les événements sensationnels de la Révolution constitutionnelle dont le

Sařd Salman, Daqiqi, Nezami Ganjavi, Khqani, et ... sont dřautres poètes très connus de cette école.

263

La région dřArâqé Ajam, ou Irak de Perse, fut le deuxième centre culturel après Khorâsân ; on y créa au VIIe siècle après lřhégire une nouvelle école, intitulée

arâqi, qui continua jusquřà la fin du Xe siècle. La zone dřArâqé Ajam contenait auparavant les trois grandes villes de lřIran : Hamadân, Rey et Ésfahân. Devenu

Arâk, ce nom est appliqué aujourdřhui à une province au centre de lřIran.

Contrairement à lřécole khorâsâni, le poète de lřécole arâqi, désespéré et déçu de lřenvahissement de la Perse par les Mongols, ne lutte plus contre les Arabes. Il préfère composer des masnavis (sorte de poème présentant une rime différente dans chaque distique) mystiques et non plus patriotiques et épiques ; Jalal od-Din Mohammad Balkhi, surnomé Mowlavi (1207-1273 après J.-C), en est le chef de file. Certains autres, résidant dans la province de Fârs, qui avait échappé à lřinvasion des Mongols, composent des ghazals (les poèmes lyriques) amoureux, genre que Sadi (1200-1291 après J.-C) et surtout Hafez (1320-1389 après J.-C), maître de lřexégèse du Coran et du poème dřamour, portent à son apogée. Ce dernier brille comme un soleil dans la littérature persane de lřépoque médiévale. Lřamour occupe une grande place dans les poèmes de lřécole Arâqi. Mowlavi présente un amour divin, Sadi un amour terrestre et Hafez un amour demi terrestre demi divin.

264

Elle commence avec Nimâ Youchij, le précurseur de la poésie moderne, qui était profondément influencée par la poésie française, surtout les poèmes dřAlfred de Musset.

héros était le peuple de lřIran 265. Le Tarji’ band et le tarkib band 266, le mosammat 267 et le mostazâd 268 sont les formes les plus courantes à cette époque ; elles étaient utilisées auparavant dans la poésie classique 269. Dans le domaine de la prose 270, la traduction des ouvrages européens à lřépoque des Qâjârs avait abouti à un mouvement qui cherchait la simplicité dans la littérature persane. Qaem Maqam Farahani, Mirza Aqa Khan Kermani, Reza Qoli Khan Hedayat, Mohammad Taqi Sepehr, Mohammad Hoseyn Khan Sani od-Dowleh et bien dřautres auteurs, puis les journaux pré-révolutionnaires firent les premiers pas pour le renouveau de la prose. Une littérature critique, dans un style sobre et sans ornement, naquit alors à cette époque. La simplicité, la concision, lřomission des synonymes, des métonymies et des métaphores inutiles ainsi que lřusage des mots étrangers, provenant de la traduction des ouvrages européens 271, sont les caractéristiques de la prose persane après le renouveau. Les écrits critiques des journaux Sorayyâ et Parvarech, publiés en Egypte, les

265

BROWNE, E. G., Târikhé matbou’ât va adabiyâté Irân dar dowré-yé

machroutiyat, Traduit de lřanglais par Mohammad Abbasi, Téhéran, Mařrafat, s.

d., p. 65.

266

Sorte de poème, composé de plusieurs strophes, avec une disposition déterminée de mètres et de rimes, et un refrain ayant une rime différente. La répétition du refrain dans le tarji’ band le différencie du tarkib band dont le refrain se modifie à la fin de chaque strophe.

267

Sorte de poème, composé de plusieurs strophes, avec une disposition déterminée de mètres et de rimes à lřexception du sixième vers qui a une rime différente.

268

Sorte de poème où lřon ajoute un vers excédentaire avec un mètre différent à la fin de qasidéh (lřode), robâ’i (quatrain), ghazal, couplet, etc .

269

HAKEMI, Esmaïl, Adabiyâté mo’âséré Irân, Téhéran, Asâtir, 1382 hs., p. 54-55.

270

Dans la prose persane, on reconnaît les mêmes styles que la poésie : Khorâsâni,

‛Arâqi, Ésfahâni ou Héndi, Bâzgasht (renouveau littéraire) et contemporain.

271

BAHAR, Mohammad Taqi, Sabk chénâsi-yé nasr, Téhéran, Amir Kabir, t. III, 1370 hs., p.404-407.

traités de Malkom Khan 272, les œuvres de Talebof, le roman de Zeyn ol-Abedin Maragheï et les articles et les pièces de théâtre dřAkhond zadeh 273 en sont de bons exemples.

Dans le renouveau de la prose persane, les auteurs cités ci-dessus font «partie du groupe des intellectuels qui, hors de Perse, ont puissamment contribué au mouvement constitutionnaliste.» 274