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LITTÉRATURE SOCIO-POLITIQUE DE L’IRAN CONTEMPORAIN

5. La prise de Téhéran

En dehors de Tabriz, il y avait des mouvements dans les autres provinces, surtout à Guilân et Ésfahân (Ispahan). Guilân entra en révolte en février 1909. Les révolutionnaires et les chefs sociaux-démocrates de cette ville organisèrent un comité secret, nommé «Comité de Sattâr 241». Ce comité forma lui-même une commission militaire et demanda le soutien des sociaux-démocrates du Caucase, de Géorgie et de Bâdkoubéh 242. À ce mouvement participèrent aussi des collaborateurs révolutionnaires de Lénine, dont Sergo Ourjenikidzeh fut le plus connu 243. La direction de ce mouvement le distinguait de celui de Tabriz. Sattar Khan et Baqer Khan étaient des révolutionnaires issus des couches inférieures, tandis que le leader du mouvement de Guilân, Mohammad Vali Khan (Sepahdar Tonekaboni) 244, était un grand féodal, jugé russophile. Apparemment, ce fut le

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Ibid., p. 193 et KASRAVI, Târikhé machroutéh..., op. cit., pp. 904-906.

241

Celui qui tient une chose secrète. Les membres et les programmes de ce comité devaient être cachés au public. Cela justifie le choix de ce nom. Certains croient que le choix de ce nom était en lřhonneur de Sattar Khan, le héros révolutionnaire de Tabriz. Cf. FAKHRAI, Ebrahim, Guilân dar Jonbéché Machroutéh, Téhéran, Énqélâbé éslâmi, 1371 hs., p. 113.

242

ADAMIYAT, Fékré Démokrâsi..., op. cit., p. 134.

243

FAKHRAI, Guilân..., op. cit., p. 115.

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Celui-ci, en tant que gouverneur militaire de Téhéran au cours de la révolution de 1905, avait dirigé une attaque sanglante contre les manifestants. Il participa aussi au siège de Tabriz, dirigé par Eyn od-Dowleh. Sepahdar, mécontent du comportement ambitieux dřEyn od-Dowleh, quitta le camp militaire de Tabriz et partit au Guilân et se joignit aux révolutionnaires de cette ville. Voir CHARIF KACHANI, Vâqé’âté..., op. cit., t. II, pp. 384, 385 et 387.

manque de possibilités financière et militaire qui força les révolutionnaires à confier la conduite de mouvement à un tel personnage. Le résultat de cette alliance entre deux courants politiques hétérogènes, révolutionnaire et féodal, se révéla bientôt.

Ésfahân, autre foyer du mouvement, entra en révolte en janvier 1909. Comme à Guilân, une alliance hétéroclite s'établit entre les révolutionnaires et les tribus Bakhtiyâris, dont le chef était Sardâr Asřad. Les Bakhtiyâris, fortement ignorants des idées constitutionnalistes, se joignirent par opportunisme au mouvement révolutionnaire. Les relations amicales et les coopérations économiques et politiques des chefs Bakhtiyâris avec les Anglais, et également les bonnes relations de Sardâr Asřad avec les révolutionnaires exilés en Europe et ceux des ulémas féodaux dřÉsfahân, justifiaient cette alliance hétérogène, afin de garantir la victoire du mouvement. Du côté de Sardâr Asřad, la discorde qui existait entre lui et Mohammad Ali Chah, et lřinféodation de ce dernier aux Russes, qui « menaçaient les intérêts communs anglo-bakhtiyâris » 245 l'encourageait à accepter cette proposition de collaboration, afin de se venger de Mohammad Ali Chah.

Suite à ces deux alliances, lřarmée constitutionnaliste de Guilân, après avoir assassiné le gouverneur de Racht et occupé son siège, libéra la ville en février 1909. À Ésfahân aussi, lřarmée constitutionnaliste et les tributs Bakhtiyâris, sous le commandement de Samsam os-Saltane, le frère de Sardâr Asřad, s'emparèrent la ville. Puis, les deux armées partirent vers la capitale. Tabriz, bien que la ville ait joué un rôle de pionnier dans les mouvements constitutionnalistes, ne put participer activement à la prise de Téhéran, après l'occupation de cette ville par l'armée russe. Les révolutionnaires de Guilân, sous le commandement de Yeprem (Yefrem) Khan Armani 246, s'emparèrent Qazvin

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SOLTANIAN, Les causes..., op. cit., p. 195.

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Né à Ganjéh, dans une région dont la Perse avait été amputée en 1813, et membre du Parti nationaliste/socialiste Dashnaks, Yeprem Khan joua un grand rôle dans la

au début du mai 1909 et pendirent Qasem Khan Amir Touman, le commandant de l'armée du Chah, et quelques autres personnages. Le Chah, à son tour, sous la pression des Russes et des Anglais, annonça par un décret la restauration de la Constitution, afin d'entraver lřavancée des révolutionnaires de Gilân et dřÉsfahân vers la capitale. Cette tentative resta sans résulta.

Les deux armées révolutionnaires arrivèrent en même temps à Téhéran, en 22 tir 1388 hs./27 jamâdi os-sâni 1327 hl./13 juillet 1909. Une armée russe entra au même moment en Iran et prit la route dřAnzali-Qazvin pour soutenir le roi et la capitale. Mais bientôt, les deux pays colonisateurs, sacrifiant la monarchie détestée de Mohammad Ali Chah, devinrent les alliés des deux leaders opportunistes, qui garantissaient leurs intérêts. Finalement, après trois jours de combat, les révolutionnaires remportèrent la victoire, l'après-midi du 15 juillet 1909.

Le lendemain, Mohammad Ali Chah et la famille royale se réfugièrent à l'ambassade de Russie et Sřad od-Dowlé, le Premier ministre, à celle de l'Angleterre. Le Chah fut destitué le 17 juillet 1909 par la « Conseil suprême de la Révolution », composé d'élites constitutionnalistes, et son prince héritier, Ahmad Mirza, âgé de 13 ans, monta sur le trône. Conformément au vote de cette Commission, Chey Fazlollah Nouri et un certains nombres dřalliés de Mohammad Ali Chah furent également arrêtés, puis exécutés. Nouri fut pendu le 13 rajab 1327 hl./le 02 août 1909.

Le premier cabinet national, composé de leaders opportunistes et de réactionnaires, fut formé 17 juillet 1909. De cette façon, les véritables

Révolution constitutionnelle de lřIran. Durant le « petit despotime », il collaborait, avec dřautres Arméniens venant du Caucase et de la Géorgie, au « Comité de

Sattâr ». Après la prise de Racht, en 1909, il devint le chef de la police de cette

ville et, la même année, il participa activement à la prise de Téhéran. En 1910, il commanda lřarmée de lřÉtat constitutionnel contre les mojâhédins modérés, dirigé par Sattar Khan et Baqer Khan, à la « guerre de Parc ».

constitutionnalistes furent poussés en marge de la politique par Sepahdar et Sardar Asřad qui se trouvaient dès lors à la tête des affaires. En réalité, les mouvements de Guilân et de Ésfahân se soldèrent par un gouvernement de notables et non par un véritable régime constitutionnel. La Révolution sřéloignait de plus en plus de ses idéaux premiers.

Le nouveau cabinet rencontra bientôt différents problèmes. La querelle politique entre les chefs de file de la première Constitution et les conquérants de Téhéran pour diriger le pays, le soulèvement des royalistes contre lřÉtat national et l'occupation de Qazvin et de Tabriz par lřarmée russe, lřempêchèrent dřêtre efficace.

L'arrivée de Sattar Khan et de Baqer Khan à Téhéran, qui avait suscité l'inquiétude de Sepahdar et de Sardar Asřad, et surtout le Parti radical démocrate, aggrava de plus en plus le clivage politique existant entre les Partis. Les deux héros nationaux, coincés par l'armée russe, qui voulait disperser les révolutionnaires, et par Mokhber os-Saltaneh, gouverneur de Tabriz et lié au Parti démocrate, étaient partis à Téhéran malgré leur désir 247. Après la rentrée pompeuse des deux Sardârs 248 à Téhéran, ils formèrent avec de nombreux mojâhéds et le Parti modéré, un puissant front politique populiste face au Parti démocrate, dirigé par Taqizadeh. Les querelles politiques des Partis antagonistes aboutirent finalement à la terreur et à la lutte armée. Les membres du Parti modéré furent assassinés par le Parti démocrate. Le pays soumis à une anarchie généralisée craignait que le nouveau cabinet et aussi le Parlement (réouvert le 15 novembre 1909) ne soient pas en mesure de la maîtriser. Cette situation se solda par un désespoir généralisé. La terreur subie par Behbahani 249, le célèbre leader

247

AMIRKHIZI, Esmail, Qiâmé Azarbâijân va Sattar Khan, Tabriz, 1339 hs., p. 410-11.

248

Commandant dřune armée.

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Tabatabaï et Behbahani rentrèrent à la capitale après la prise de Téhéran. Tabatabaï ne sřoccupa plus de politique, mais il en allait autrement pour

constitutionnaliste, de la part du groupe terroriste dřHeydar Khan, suscita surtout l'indignation du peuple et aboutit à la fermeture du bazar ainsi quřà une manifestation contre le Parti démocrate et les fadâïs 250 étrangers. Mais le Parti démocrate, allié avec Sardâr Asřad, fortifiait de plus en plus sa position dans le cabinet. Ils réussirent même à remplacer le cabinet modéré de Sepahdar par le gouvernement démocrate de Mostowfi.