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CHAPITRE II : LES ACTIVITÉS CULTURELLES DES FRANÇAIS EN IRAN

2. Les écoles

Avant d'aborder le sujet des écoles françaises en Perse, il est nécessaire de savoir quřavant la Révolution constitutionnaliste, et avant que sřouvrent des écoles étrangères en Perse, les écoles persanes se divisaient en deux catégories : les madréséh et le maktab. Ces derniers étaient dřun niveau inférieur à celles des madréséh. L'enseignement était basé sur deux éléments religieux et littéraires.

31

BEIKBAGHBAN, L'Iran et la France..., op. cit., p.19. SIASI, La Perse au

contact…, op. cit., p.118. MECQUENEM, R. de., « Les derniers résultats des

fouilles de Suse, dans Revue des Arts asiatiques », tome VI, 2 (avril 1930), p. 73.

Le Coran était le principal livre sacré 32 et, comme littérature persane, on enseignait le Goléstân et le Boustân de Sadi 33, le Divân de Hafez et le Masnavi de Mowlan Jalaloddin Balkhi. Au niveau historique, on étudiait le Târikhé mo’jam 34, le Târikhé vassâf, le Târikhé gozidéh, le Rowzat safâ, le Habib os-sayr et bien d'autres ouvrages 35 .

32

SAHAMI PICHEVAR, Tooran, Histoire de l'enseignement et études des

problèmes éducatifs et scolaire en Iran (jusqu'en 1977), Thèse de l'université de

Louis Pasteur de Strasbourg, 1985, p. 90

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Au niveau littéraire, l'époque médiévale (du 3 au 10e siècle / du 9 au 17e siècle) de la Perse est la plus brillante époque après l'hégire. La littérature millénaire et la civilisation persanes, anéanties par les Arabes, furent restaurés après « deux siècles de silence » par lřintelligentsia persane. À cette période, les universités iranienne de Jondi Châpour et de Marve, réputées dans le monde musulman, jouèrent un grand rôle dans l'éducation des poètes, des éccrivains, des philosophes, des médecins et des historiens. Ce mouvement littéraire, philosophique et scientifique fut animé par Roudaki, Abou Ali Cina (Avicenne), Zekeriyaye Razi (qui a découvert lřalcool), Rouzbeh Pourdadveyh (Ebne Moqaffa), Abou Rayhan Birouni, Ferdowsi, Naser Khosrow, Khaqani, Khayyam, Mowlan Jalaloddin Balkhi, Sadi, Hafez et bien d'autre écrivains, poètes et philosophes. Cette civilisation fut anéantie une fois de plus par l'invasion des Mongols. Les effets de cette invasion nřapparurent que tardivement. Lřinsécurité des villes, causée par cette invasion, entraîna lřémigration des érudits orientaux en Occident. Au 18e

siècle, pendant que lřEurope avait commencé son progrès industriel grâce à l'émigration de ces derniers, et grâce à la transmission de la culture orientale en Occident après les Croisades, la civilisation persane entrait en décadence. LřIran safavide (1501-1736), malgré tous ses progrès dans les domaines de lřarchitecture, de lřart, de la philosophie, des sciences religieuses et du commerce, ne réussit pas à restaurer la prospérité du passé, notamment dans les écoles de lřépoque pré-mongole. En outre, lřEtat religieux des Safavides provoqua lřémigration dřun grand nombre dřécrivains et de poètes en Inde.

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On peut citer également les noms des grands historiens persans qui ont vécu à cette époque dont les plus connus sont Charafaddin Fazlollah, , l'écrivain du

Après avoir étudié les livres et les matières mentionnés, on commençait la grammaire 36, et on enseignait l'étymologie et les formes grammaticales, la lexicologie, et la syntaxe. Venait ensuite l'étude de la logique 37 et enfin le calcul. Hésâbé siyâq, Hésâbé jamal et Hésâbé riyâzi étaient trois genre de calculs qu'on utilisait en Perse. Les comptables faisaient usage du premier, les marchands et les astrologues du deuxième et les savants, les professeurs et les jeunes gens suivant les cours du collège royal de Téhéran, du troisième 38.

En examinant les programmes des écoles iraniennes mentionnées ci-dessus, on remarque qu'au niveau littéraire, historique et philosophique, elles offraient une formation idéale jusqu'à la fin du 19e siècle. Ce qu'il manquait, c'était au niveau industriel. En effet, les troubles entraînés par la chute de la dynastie safavide ne permettaient guère aux gouverneurs Afchâriyéh (1149-1163 hl./1736-1749) et Zandiyéh (1163-1209 hl./1749-1795) de penser à l'industrialisation du pays ni dřenvoyer en Europe des étudiants pour maîtriser

Chahabaddin (Charafaddin) Abdollah Chirazi, l'écrivain du Târikhé Vassâf, Mohammadebne Abdollah Balami, l'écrivain du Târikhé Bal’ami,

Mohammadebne Jarir Tabari, l'écrivain du Târikhé Tabari, Rashidaddin Fazlollah Hamadani, l'écrivain du Jâmé’ot-tavârikh, Ata Malek Joveyni, l'écrivain du

Târikhé jahângoshâyé joveyni, Mohammadebne Khavând Chah Mirkhavând

(MirKhand), l'écrivain du Rowzat os-safâ, Ghiasaddin Khavândmir (Khandmir), l'écrivain du Habib os-sayr, etc. Cřétaient des livres historiques sur l'antiquité de la Perse, l'histoire générale du monde, l'histoire des religions, l'histoire de l'Iran après l'hégire et l'histoire des Mongols.

35

NICOLAS, M. A., « Sur l'enseignement en Perse », Journal asiatique, Juin 1862, p. 473.

36

Pour la grammaire (‘Élmé harf et‘Élmé nahv), on enseignait Aléfbâ de Mohammadebne Malek et Nesâb as-sabyân.

37

Pour la logique (řÉlmé mantegh), on enseignait Kétâbé kobrâ, Kétâbé tahzib, Kétâbé shamsiyeh et Sharhé shamsiyeh.

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les nouveaux procédés. Les écoles françaises créées à l'époque des Qâjârs, n'ont rien fait non plus dans ce demaine. Elles n'avaient pour programme que de propager le christanisme et la langue et la culture françaises, afin d'atteindre les buts politiques et économiques qu'elles envisageaient. En d'autres termes, l'industrialisation du pays était en contradiction avec les intérêts politiques et économiques de la France. Ce fut en réalité, avec la fondation de Dâr ol-Fonoun, inauguré à l'initiative d'Amir Kabir 39 qu'on fit les premiers pas pour l'industrialisation du pays.

Pourtant, au niveau culturel, à lřépoque des Qâjârs, les premiers mouvements culturels et intellectuels reprirent. À cette époque, de nombreuses écoles modernes furent ouvertes et jouèrent un rôle important dans lřévolution culturelle de la Perse.

À la suite des contacts constants entre lřIran et lřEurope, un changement radical se fit sentir dans le système et la méthode des écoles anciennes afin de répondre aux exigences du temps. Certains intellectuels de lřépoque, comme Mirza Aqa Khan Kermani, insistaient sur la modernisation des écoles 40. Un autre précurseur de la liberté et de la modernité, Talebof Tabrizi, insistait régulièrement la nécessité dřapprendre les nouvelles sciences 41.

Par conséquent, le temps était arrivé pour la création dřécoles modernes, malgré de nombreux obstacles, comme lřopposition russe et anglaise et le clergé. Quoi quřil en soit, Dâr ol-Fonoun fut la première école supérieure, fondée en 1266 hq./1849 par Amir Kabir. Ensuite, lřécole (Dabéstân) Rochdiyéh a été fondée en 1267 hq./1850 par Mirza Hassan Rochdiyeh, un intellectuel cultivé

39

Le Premier Ministre de Nasereddin Chah qâjâr

40

ADAMIYAT, F., Andiche hâyé Mirza Aqâ Khan Kermâni, Téhéran, 1347 hs., p. 147.

qui avait terminé ses études à Bayreuth. A son retour, il loua une mosquée à Tabriz et il essaya, sous la forme des écoles anciennes, dřapprendre une nouvelle méthode aux élèves. Mais il se heurta à lřopposition des membres du clergé, qui lui reprochaient le changement dřalphabet et qui enfin le chassèrent de la mosquée 42. Contrairement à lřécole Dâr ol-Fonoun, Rochdiyeh évita dřenseigner de nouvelles sciences ou la langue française, dans la crainte dřêtre excommunié par le clergé.

Plus tard, en 1314hq./1896, venu à Téhéran à lřinvitation du réformiste Amin od-Dowleh 43, il fonda quelques écoles connues sous le nom dřécoles Rochdiyéh. Pourtant, à Téhéran aussi il affronta lřopposition du clergé. Mais, grâce à la protection de deux ‘ulémâs (clercs), Cheykh Hadi Najm Abadi et Sayyed Mohammad Tabatabaï, le nombre des écoles Rochdiyéh se multiplia à Téhéran et dans dřautres villes comme Machhad, Racht, Tabriz, Bouchéhr... 44

. En même temps que ces écoles, les protestants américains et anglais créèrent leurs institutions dřenseignement dans le pays. Les missionnaires catholiques français fondèrent également les écoles de lřAlliance française, de lřAlliance Israélite, des Filles de la Charité, de lřUnion Franco-Persane,... dans différentes régions de lřIran. Les Français avaient ainsi créé, avant la Révolution constitutionnaliste, 75 écoles à Salmâs et à Ourumiyeh, situés à lřOuest de lřIran 45

. Les Français, en tant que représentants des idées des Lumières et de la Révolution française, facinaient les Persans qui cherchaient naïvement en chaque Français un « Rousseau » ou un « Danton », en dépit de ce que proclamait nettement, à titre dřexemple, les fondateurs de lřécole l'Alliance

42

KASRAVI, Ahmad, Târikhé machroutéyé Irân, Téhéran, Amir Kabir, t. 1, 1984, p. 21.

43

Le Premier Ministre de Mozaffareddin Chah.

44

KASRAVI, Târikhé machrouté..., op. cit., p. 38.

45

NATEGH, Homa, Kârnâméyé farhangiyé farangi dar Iran (Les Français en

française dans le bulletin de cette écolé: « Le développement de la langue française en dehors du pays est un moyen efficace pour le développement de lřexportation et la facilité du commerce » ; ils cherchaient donc « lřaugmentation de la production nationale » 46, et donc aussi une influence politique en Perse.

Bien que ces buts ne puissent se réaliser, malgré la rivalité des deux puissances russe et anglaise, en Iran, la France avait réussi culturellement à obtenir une grande influence sur les révolutionnaires iraniens au cours de la Révolution constitutionnelle (1905-1912).

Dans les sections suivantes, nous essayerons dřabord de préciser les buts poursuivis par les écoles françaises et les difficultés recontrées lors de leur fondation ; ensuite nous jetterons un regard sur les programmes et le nombre des élèves de ces écoles.