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CHAPITRE II : LES ACTIVITÉS CULTURELLES DES FRANÇAIS EN IRAN

B) L’Alliance Israélite

Si on veut parler de ceaux qui ont diffusé la langue et la littérature françaises en Perse, on ne peut pas perdre de vue la contribution de lřAlliance Israélite et le rôle important quřelle a joué à cet égard.

Lřécole de lřAlliance Israélite fut lřune des succursales de lř« Alliance Israélite universelle » (AIU), créée en 1246 hq./1860, dont les buts étaient « la lutte pour lřégalité des droits et contre les discriminations individuelles ou collectives », et « lřimplantation de la civilisation occidentale dans les pays non développés » 58.

Suivant ces buts, lřAlliance Israélite, fidèle au « Principe de la liberté de religion et expression » 59 de la Révolution française, « apparut comme ayant la mission, à la fois humanitaire, politique et culturelle, de lutter pour lřégalité des droits dans tous les pays dřEurope et dřOrient, dřintervenir auprès des autorités contre toutes les formes de discrimination individuelle, dřouvrir des écoles de culture française partout où le besoin sřen ferait sentir » 60

.

La décision dřouvrir de lřécole de lřAlliance Israélite en Perse fut prise à lřépoque de Nasereddin Chah. Celui-ci, au cours de son voyage à Paris en 1290 hq./1872, reçut Adolphe Crémieux, le fondateur de lřAlliance Israélite universelle, par lřintermédiaire de Mirza Hossayn Khan Sepahsalar et de Mirza Malkam Khan. Crémieux demanda au roi de lui accorder lřautorisation de fonder des écoles en Perse. La demande fut acceptée par le roi. Mais de nombreux obstacles ne permettaient pas de les réaliser immédiatement, des obstacles comme lřhostilité de lřAngleterre et des traditionalistes, mais aussi lřhostilité des

58

BEIKBAGHBAN, H., L’Iran et la France…op.cit., p. 87.

59

NATEGH, Kârnâmé… op. cit., p. 115.

60

GÉRARD, Israël., L’Alliance Israélite, cahier publié par lřEcole Normale Israélite, février 1960, p. 4, 17, 18.

princes contre Sepahsalar, le grand vizir réformiste, qui était le protecteur des écoles modernes et des juifs 61.

De toute façon, 25 ans plus tard, en 1315 hq./1898, lřécole de lřAlliance Israélite fut fondée en Perse. Cet accord, fut donné pour la deuxième fois, par Mozaffareddin Chah, dans une lettre adressée à son ministre des Affaires étrangères :

Jřai appris avec satisfaction quřun certain nombre dřIsraélites [des juifs] désirant procurer à leurs enfants lřinstruction quřils ne peuvent acquérir dans dřautres écoles puisquřelles leur sont fermées, ont résolu de recueillir quelques dons et dřouvrir un établissement scolaire où les enfants pauvres et les orphelins apprendront à bénir Mon Nom selon les principes de la loi de Moïse [!], à prier pour Moi et Mon Royaume [...] Je considère les Israélites [ juifs ] comme Mes sujets fidèles et lřécole quřils veulent fonder pour donner de lřinstruction à une partie de Mes sujets, est utile et profitable à tout le royaume ... Cřest pourquoi jřordonne à Nezamossaltaneh quřil remette pour cette œuvre une subvention de deux cents tomâns* 62.

Ainsi, la première école fut ouverte à Téhéran. Joseph Cazèz, le directeur de lřécole, utilisa dřabord lřancienne école juive, et inscrivit seulement les garçons. Mais après quelque temps, il ouvrit aussi une autre école pour les filles, en inscrivant 150 élèves 63.

Après trois ans, lřAlliance Israélite, assurée de la protection du gouvernement de lřIran, décida de développer ses écoles dans les autres villes. Josephe Cazès, après avoir cédé la direction des écoles de Téhéran à Nessim Levy, partit pour Ésfahân. La succursale dřÉsfahân fut donc fondée par Joseph

61

NATEGH, Kârnâmé… op. cit., p. 117.

* Tomân : Unité monétaire valant 10 Rials. Equivalait en 1898, à cinq francs or.

62

CONFINO, Albert., L’action d’Alliance Israélite universelle en Perse, Alger, 1942, p. 60.

63

Cazès le premier août 1901/1318 hq. Cette année-là, 220 élèves furent inscrits dans cette école. Ce nombre sřaccrut jusquřà 350 élèves pendant les années 1902-03, et 400 en 1907. Une telle augmentation existait également pour lřécole des filles. Cette école dont les élèves ne dépassaient pas 75 au début, atteignit 270 élèves en 1904 64.

Dans la ville de Hamadân, lřAlliance Israélite fonda, sous lřimpulsion de Mme et M. Bassan, des écoles comprenant 350 élèves garçons et 250 élèves filles, dont 30 élèves étaient musulmans.

Cette Alliance sřétendit dans dřautres villes : KermânChah, Chirâz (Persépolis) et Saneh en 1321 hq./1904, Tuyserkân et Nahâvand en 1324 hq./1906, Yazd en 1327 hq./1910, Kâchân en 1328 hq./1911, Racht et Golpâygân en 1331 hq./1914.

Les programmes de ces écoles étaient semblables à ceux de lřAlliance française. Dans les écoles de filles, en sus de la couture et du tissage, on enseignait la langue française, Les fables de La Fontaine - qui étaient, en réalité, un résumé et une traduction de Kaliléh va Démnéh par Rouzbeh Pourdadveyh (Ebn Moqaffa), lřécrivain persan - les romans de Victor Hugo et dřAlexandre Dumas, et lřhistoire de la Révolution française 65.

Dans les écoles de garçons, les élèves lisaient aussi Les fables de La Fontaine, les romans de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas, et les pièces de Molière. En plus, ils étudiaient les mathématiques, les sciences, lřhistoire et la géographie. Les examens de fin année avaient lieu en langue française. Jusquřà lřavènement de Rezâ Chah (1925-1941), 70% des programmes étaient en français. Mais avec lřavènement de celui-ci, ils nřétaient plus que 15 à 20% 66

.

64

CONFINO, L’action… op. cit., p. 97.

65

Ibid., p. 105-106.

66

GUILARDI, Annick., L’action d’Alliance Israélite universelle en Iran, mémoire de maîtrise, I. E. I., 1993, p.13

Les résultats de ces écoles étaient très brillants. Comme il leur était interdit de faire le prosélytisme pour la religion juive, les familles musulmanes et zoroastriennes furent encouragées à inscrire leurs enfants dans les écoles de lřAlliance Israélite. Mais en comparaison des écoles dřEtat, à lřépoque de Rezâ Chah, les écoles de lřAlliance étaient à un niveau inférieur, tant dans le domaine de l'instruction que de l'hygiène. Cela provoqua le déclin du nombre d'élèves dans ces écoles. A titre dřexemple, dřaprès un rapport du ministère de lřInstruction publique (Mo’âref), daté 22/10/1310 hq./12/1/1932 67

, les élèves de lřAlliance faisaient, au contraire des écoles dřEtat, la première et la deuxième années de lycée à la fois en un an et ils sřinscrivaient à la fin de lřannée pour la troisième année. De plus, au cours de la première année de lycée, les mathématiques nřétaient pas enseignées. Les élèves ne connaissaient pas assez la langue persane !

Il y a un autre rapport, daté du 26/11/1310 hs./15/2/1932 68, confirmant les jugements ci-dessus. De toute façon, les écoles dřAlliance Israélite ont été considérées comme les meilleurs réseaux dřétablissement étrangers en Iran, écoles dont les élèves étaient des juifs, des musulmans et des zoroastriens. Pour en donner un aperçu, on joint ci-dessous un tableau de fréquentation des écoles de lřAlliance Israélite en 1929 (après lřavènement de Rezâ Khan) 69

: villes Téhéran Garçons 750 Filles 400 Total 1150 67

Raporté madréséhyé Âlyânsé bani ésrâili bé maqâmé Riyâsaté Vézâraté Mo’âréf va Owqâf va Sanâyé Mostazraféh (Rapport des Écoles Israélites au directeur de

ministère de lřInstruction publique, des fondations pieuses et des Beaux Arts) 22/10/1310 hs./12/1/1932, nº 1700.

68

Raporté madréséhyé Âlyânsé ésrâili bé maqâmé Riyâsaté Vézâraté Mořâréf va Owqâf va Sanâyé Mostazraféh, 26 /11/1310 hs./15/2/1932, n° 1963.

69

Hamadân Ésfahân Chirâz Kermânchâh Sénnéh Yazd Total 600 500 450 250 125 200 2 875 300 200 150 150 75 200 1 275 900 700 600 400 200 400 4 150