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CHAPITRE III : LE RÔLE DES PERSANS DANS LES PROGRÈS DE LA LANGUE ET DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISES DANS

1. L’envoi d’étudiants persans en France

Le traité de Finkenstein, conclu entre Napoléon et Fath Ali Chah Qâjâr, fut suivi des premières tentatives pour envoyer des étudiants en France, sur lřordre de Abbas Mirza, successeur du roi. Ces tentatives ont échoué lors du traité de Tilsit (juillet 1807), conclu entre la France et la Russie, et les premiers groupes dřétudiants furent envoyés, sous la pression de Harford Jones 95

, en Angleterre.

95

À la suite du traité anglo-persan de Mofassal (1812) 96, quelques groupes furent encore envoyés en Angleterre 97. Mais lřinstitution des écoles françaises en Iran fit ensuite évoluer, après quelques décennies, la situation en faveur de la France. En 1845, sous Mohammad Chah, les cinq premiers étudiants furent envoyés en France. Plus tard, à l'époque de Nasereddin Chah, sept ans après la fondation de Dâr ol-Fonoun (1851), 42 étudiants prirent le chemin de la France pour étudier diverses sciences 98. Cřétaient les plus brillants élèves de la première promotion du Dâr ol-Fonoun. Ils sřétaient inscrits aux écoles de Saint-Cyr et des Beaux Arts 99. En plus des écoles mentionnées ci-dessus, lřÉcole de Santé Militaire de Lyon reçut également, grâce à lřappui du docteur Schneider, le médecin de la Cour et le président du comité de l'école de l'Alliance française à Téhéran, un certain nombre dřétudiants iraniens 100

. Malgré le désir de lřAllemagne et de lřAngleterre, dans leur rivalité culturelle avec la France, Schneider essaya dřenvoyer des étudiants dans son pays, dans lřespoir de favoriser les intérêts de la France grâce à cet échange.

Sous le règne de Mozaffareddin Chah et de ses sucesseurs, jusqu'à la révolution de 1906, on envoya plus systématiquement de nombreux jeunes

96

Cf. Chapitre I.

97

BALAY, C., et CUYPERS, M., Aux sources de la nouvelle persane, Paris, éd. Recherche sur les civilisations, 1983, p. 16.

98

SIASI, La Perse..., op. cit., p. 116.

99

DEMORGNY, La question.., op. cit., p. 217.

100

NATEGH, H., « Les Persans à Lyon », (Pand-o Sokhan, Mélanges offert à Charles Henri de Fouchécour, Institut Français de Téhéran 1995, p.191-199), Consultable sur le site http://s1.e-monsite.com/2009/05/23/7366515les-persans-a-lyon-pdf.pdf

Persans en Europe. Les uns choisirent la Russie, les autres se dirigèrent vers lřAllemagne et lřAngleterre, mais le plus grand nombre alla en France 101

. Ainsi, sous le règne de Reza Chah Pahlavi (1925-1941), en 1307 hs./1928, « 120 étudiants ont été envoyés en France par le ministre de lřInstruction publique, en vue dřétudes financières, administratives et pour obtenir des diplômes dřingénieur » 102

. Toujours sous le règne de ce roi, en 1931, parmi trois cents étudiants boursiers, neuf dixièmes faisaient leurs études en France 103. Dès leur retour, ils ocupèrent des postes importants comme : général, Ministre de la Justice, traducteur ou enseignant à Dâr ol-Fonoun, Ministre des Sciences, Ministre de l'éducation, médecin, etc. Mais il est à remarquer qu'à peine un tiers de ces étudiants « trouvèrent un emploi correspondant aux spécialités étudiées en France, ce qui reflète entre autre une inadéquation de ces formations aux besoins de l'Iran à ce moment-là » 104. Ceux qui avaient étudié la minéralogie, la cristallerie, l'horlogerie ou la fabrication du papier... sont devenus des enseignants du français, des employés de la Poste, des fonctionnaires du Ministère des affaires Étrangères ou du Commerce 105. Par ailleurs, ceux qui étaient attachés à la Cour et appartenaient à lřaristocratie, ne pouvaient choisir des postes défavorables aux intérêts des groupes dont ils dépendaient 106. Parmi ces étudiants envoyés en Europe, il y eut des figures connues et marquantes, comme Mirza Saleh Chirazi, Mirza Malkam Khan, Mohandes ol-Mamalek, etc.

101

EHTECHAM, Hessameddin, La situation économique et historique de la Perse contemporaine depuis 1900 jusquřà nos jours, Thèse de l'université de Montpellier, 1930, p. 70.

102

Ibid., p. 70.

103

SIASI, La Perse..., op. cit., p. 186.

104

NARAGHI, Enseignement..., op. cit., p. 90.

105

VARAHRAM, GHOLAM REZA, Nezâmé siâsi va sazmân hâyé ejtémâ’iyé Iran

dar ‘asré Qâjâr, Téhéran, Mořin, 1367, p. 181-184.

106

Dès leur retour, ils ont occupé « de hautes charges et lřun dřeux, Mohandes ol-Mamalek, sřéleva deux fois au rang de Ministre de lřinstruction publique » 107

. Ainsi, Mirza Malkam Khan qui avait été envoyé dès lřâge de dix ans en France, après avoir fait de brillantes études, rentra en Iran en 1268 hq./1851, « à lřépoque où est inauguré le Dâr ol-Fonoun. Il y est nommé traducteur et immédiatement chargé des fonctions dřinterprète de Nasereddin Chah et de conseiller (Mostachâr) de Mirza Aqa Khan Nuri, le successeur dřAmir Kabir » 108. Plus tard, Mirza Malkam Khan fonda, avec quelques personnalités politiques et religieuses, la première franc-maçonnerie (farâmuch Khanéh) de lřIran.

Mirza Saleh Chirazi était un autre étudiant envoyé en Europe. Il étudia la langue et la philosophie en Angleterre et « réussit à pénétrer plus profondément dans la civilisation anglaise et les modes de pensée occidentale » 109. À son retour, il fonda une imprimerie et publia lřun des premiers journaux iraniens, intitulé « Kâghazé Akhbâr », en 1837. Mirza Saleh était connu parmi les intellectuels de son temps qui répandirent les idées libérales et le système parlementaire 110.

Les étudiants envoyés en Europe avaient des problèmes à lřintérieur et à lřextérieur de leur pays. En Iran, les étudiants rvenus de lřétranger affrontaient parfois lřopposition des hommes dřEtat. On les traitait dřorgueilleux, leur reprochait dřêtre plutôt médisants que critiques et on les prétendait incapables dřapprendre les techniques et les sciences européennes au peuple de l'Iran. Les étudiants qui avaient été envoyés en France rencontrèrent également dřautres

107

BEIKBAGHBAN, L’Iran et la France..., op. cit., p. 136.

108

BALAY et CUYPERS, Aux sources…, op. cit., p. 23

109

LETAFATI, Roya, LřIran moderne dans la nouvelle : Arthur de Gobineau, S. M. A. Djamalzadeh et Sadegh Hedayat, Thèse de l'université de Strasbourg, 1993, p. 14.

110

problèmes comme le refus dřéquivalence des diplômes iraniens avec les diplômes français, ou non acceptation des étudiants venus de lřétranger par les universités françaises. On notera encore quřils devaient généralement appartenir à de grandes familles de la noblesse, voire à des familles princières, car ils étaient capables dřassurer les intérêts de la France en favorisant la conclusion de traités.

Quoi quřil en soit, les étudiants revenus dřEurope ont amené, outre les techniques, de nouvelles idées, tant au niveau social que littéraire. Ils lřont fait notemment en traduisant des oeuvres européennes et en adoptant, pour ce faire, un style simple compréhensible pour le plus grand nombre.

2. La fondation de Dâr ol-Fonoun (École polytechnique) et des