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LITTÉRATURE SOCIO-POLITIQUE DE L’IRAN CONTEMPORAIN

2. Le coup d’État de décembre 1907

Le clivage politique entre les Partis et la politique brutale choisie par les extrémistes qui cherchaient le renversement du trône par le feu et le sang, affaiblissait de plus en plus la position des constitutionnalistes. Aussi, de nombreux députés modérés se joignirent à nouveau à la monarchie et cela fortifia alors la position du régime despotique. L'assassinat dřAtabak, le Premier ministre de Mohammad Ali Chah, qui avait un rôle conciliateur entre le Parlement et le Monarque, affaiblit plus encore la position des constitutionnalistes. Atabak, après avoir obtenu un décret royal le 31 août 1907, en vertu duquel le roi promettait de collaborer avec le Parlement, et après l'avoir lu dans une séance parlementaire, le jour même de la signature de lřaccord, fut, à

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Ce nom donne lřidée de révolutionnaire, de mojâhéd (combattant) et de fadâi (fidèle prêt au sacrifice). Les sociaux-démocrates avaient choisi ce nom dans le but de combiner les idées socialistes et musulmanes, et de démontrer la conformité des principes des deux traditions. Le nom mojâhéd sřétendit plus tard à tous les révolutionnaires luttant contre Mohammad Ali Chah. Cf. SOLTANIAN, Les

causes..., op. cit.,p. 83.

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ADAMIYAT, Freydun, Fékré démokrâsi-yé éjtémâři dar néhzaté machrutiyaté Irân, Téhéran, Payâm, 1363hs., p. 13. et ETTEHADIYEH, Mansureh, Peydâyéch va tahavvolé ahzâbé siyâsiyé machrutiyat (dowréyé avval va dovvomé majlésé chowrâ-yé mélli) , Téhéran, Nachré Târikhé Irân, 1361 hs., p. 67-68.

la sortie du Parlement, la cible de plusieurs coups de pistolet, tirés par Abbas Aqa, un révolutionnaire extrémiste et membre de lřanjoman Âzarbâijân. Cela mit un terme aux tentatives de réconciliation et aux efforts du Premier ministre pour désamorcer les complots anticonstitutionnels 214. Furieux à cause de cet attenta terroriste contre Atabak, de la politique brutale des extrémistes et aussi de la diminution de 380,000 tumâns imposée aux énormes revenues de la Cour par le Parlement et à cause du refus de ce dernier de dissoudre quelques anjomans extrémistes, Mohammad Ali Chah organisa, le 14 décembre 1907, un coup dřÉtat, concerté avec les Russes et dirigé par les anticonstitutionnalistes, contre le Parlement 215. Le camp royaliste, composé des serviteurs royaux, des cosaques 216,des machrou’éh khâhâns, des lutis (les vauriens) et des couches les plus inférieures des la société, s'installa à la place ToupKhaneh. Nouri, effrayé par les activités des extrémistes, réussit pour sa part à faire entrer une grande foule de clercs, de courtisans et de membres des couches laborieuses de la société, comme les teinturiers, les tapissiers, les briquetiers... dans le camp des anticonstitutionnels. Dans son discours adressé à cette foule, Nouri proclama que le sens de l'égalité est une apostasie venue des pays infidèles, et que les libéraux du Parlement, comme les Jacobins de France, mèneront finalement la société vers le socialisme, l'anarchie et le nihilisme 217 Le coup dřÉtat commença à la fois à Téhéran et à la ville révolutionnaire de Tabriz, et aboutit à une lutte armée entre les constitutionnalistes et les absolutistes. Les deux premiers jours, la situation fut dominée par les forces du coup dřÉtat ; il nřy avait eu aucune

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SOLTANIAN, Les causes..., op. cit., p. 104.

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KASRAVI, Târikhé machroutéh..., op. cit., pp. 499, 506 et 508.

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La garde de la famille royale, formée par Nasereddin Chah en 1879. Elle fut commandée jusqu'à la Révolution russe, en 1917, par des officiers russes. Puis, son commandement fut transféré à des officiers iraniens, dont le plus célèbre fut le colonel Reza Khan, le fondateur de la dynastie Pahlavi.

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manifestation des anjomans extrémistes à ce moment. Mais après deux jours, une commission de 12 dignitaires, organisée par le Parlement, organisa la défense, en plaçant des combattants armés, sous le commandement d'un militaire constitutionnaliste, nommé Allahyar Khan 218 Peu à peu, 100000 constitutionnalistes, groupe composé dřintellectuels, des clercs, des ouvriers et des marchands se joignirent à cette armée. Dans une contre-attaque, le 16 décembre, les militants constitutionnalistes firent reculer les forces du coup dřÉtat jusquřaux murs du palais Golestân. Le coup dřÉtat se solda par un échec ;c et le Chah jura à nouveau sa fidélité à la Constitution et à la loi fondamentale et il nomma Nezam os-Saltaneh Mafi, un constitutionnaliste modéré, comme Premier ministre. Il s'engagea également à constituer une garde de 200 cosaques pour le Parlement, à châtier les auteurs du coup d'État et à exiler quelques courtisans réactionnaires. En échange, le Parlement sřengagea à ne pas destituer le Chah 219.

Désespéré de lřemporter par une lutte armée contre le Parlement et la Constitution, le Chah adopta alors une stratégie pacifique à lřégard de ces derniers, qui ne dura pas longtemps. Le Chah échappa, le 28 février 1908 (25 moharram 1325 hl.), à un attentat à la bombe 220, devant lřanjoman Âzarbâijân ; cet attentat avait été organisé par le « Comité de révolution » (Comité-yé énqélâb), une branche clandestine de Éjtémâ’iyoun-‘Âmmiyoun, dirigé par Heydar Khan. Lřexplosion causa la mort de quelques cosaques, et dressa le

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ADAMIYAT, Freydun, Majlesé avval va bohrâné âzâdi, Téhéran, Ruchangarân, 1371 hs., p. 226.

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CHARIF KACHANI, Mohammad Mahdi, Vâqé’âté éttéfâqiyéh dar ruzégâr, prés. par ETTEHADIYEH, Mansureh et SřADVANDIAN, Téhéran, Amir Kabir, t. I, 1362 hs., p. 149 , KASRAVI, Târikhé machroutéh..., op. cit., pp. 5201-523 et MALEKZADEH, Énqhélâbé..., op. cit., pp. 563-568.

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EHTECHAM OS-SALTANEH, Khâtérât, prés. par MOUSAVI, Seyyed Mahdi, Téhéran, Zavvâr, 1367 hs., p. 639-641 et MALEKZADEH, Énqhélâbé..., op. cit., p. 622.

souverain contre le Parlement ; tous les liens dřentente furent donc rompus. Ehtecham os-Saltaneh, président compétent du Parlement, démissionna en avril 1908 et Momtaz od-Dowleh, soumis aux tendances extrémistes, le remplaça. Lřabsence de mesure prise par le Parlement pour arrêter et punir les criminels, malgré la requête sérieuse du Chah, provoqua lřingérence directe mais illégale de ce dernier, ce qui créa une nouvelle crise. Trois suspects, parmi lesquels se trouvait Heydar Khan, furent arrêtés et envoyés au palais Goléstân, puis au palais de Justice pour lřenquête. Les coupables furent finalement libérés sans être jugés, grâce à la pression des anjomans sur le Parlement, sur le Ministre de la Justice et même sur le roi 221. Outre, le gouverneur et le chef de la police de Téhéran, deux personnages liés à la cour, démissionnèrent.