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Vers une cuisine de la proximité

II- La transmission d’une cuisine féminine traditionnelle

2) Deux styles culinaires fort différents

Le fort contraste entre les deux présentatrices réunies à l’écran va bien au-delà de l’inégalité liée à leur statut d’élève et de professeur. Adrienne et Soizic incarnent deux types de femmes très différentes, ce que révèle leur apparence physique. Adrienne, âgée d’une soixantaine d’années, affirme ne s’être jamais maquillée86

, porte les cheveux blancs et courts, et arbore des tenues simples qui semblent être choisies pour leur commodité. Soizic Corne, à l’inverse, fait preuve de sophistication dans sa manière de s’apprêter : elle porte des tenues élégantes, est maquillée et coiffée de façon soignée. L’opposition de style se manifeste également dans leur posture lorsqu’elles cuisinent. Adrienne a une gestuelle que l’on pourrait qualifier de franche et directe : elle coupe oignons et carottes directement dans sa main, ne fait pas preuve de délicatesse lorsqu’elle découpe un lapin en morceaux (Fig. 5-36). Soizic, quant à elle, apparaît plus distante vis-à-vis de ce qu’elle prépare : elle remue le sabayon du bout des doigts (Fig. 5-37) et utilise une cuillère à café pour goûter la sauce qu’Adrienne a, de son côté, testé en plongeant directement son doigt dans la cocotte de bœuf aux carottes.

Alors qu’Adrienne voit la cuisine comme un labeur87

à accomplir, comme le traduit son ton très prescriptif88, selon des règles précises qui en garantissent la réussite, Soizic y voit davantage une activité plaisante (elle dit que la recette est préparée « gentiment, tranquillement »). Contrairement à Adrienne, elle souligne la qualité gustative des plats qui sont présentés : quand la cuisinière sort la tarte au riz du four sans aucun commentaire, Soizic en loue la couleur, qui la met en appétit. Cette différence d’attitude traduit sans doute le réel décalage générationnel qui caractérisait alors les façons de cuisiner89 : pour Adrienne, la cuisine semble avoir un statut proche de celui de la tâche ménagère, alors que Soizic y recherche une compétence destinée à permettre un plaisir. De ce fait, les gestes eux-mêmes ne sont pas accomplis de manière identique par les deux femmes, qui n’ont pas la même implication dans la préparation culinaire.

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« TF1 Hebdo », n°8, programmes du samedi 20 au vendredi 26 février 1982, p. 21.

87 Adrienne, très concentrée sur les tâches qu’elle accomplit, dit régulièrement à Soizic qu’elle doit se mettre au

travail, ou que « ça n’est pas encore la Méditerranée ».

88 Les propos catégoriques sont nombreux dans la bouche d’Adrienne. A propos du lapin qu’elle utilise pour préparer

un lapin à la moutarde, elle indique : « il ne faut pas qu’il fasse plus d’1,5kg », ou dit du bœuf aux carottes : « la viande est très cuite parce que ça se mange très très cuit ça ».

89 Ce que constatent Jean-Pierre Loisel et Agathe Couvreur en 2004 semble donc avoir germé dès les années 1980 : la

sortie partielle de la cuisine de l’univers de l’obligation pour les femmes a entraîné une redéfinition de la pratique en termes de plaisir. Jean-Pierre Loisel et Agathe Couvreur, « De la transmission à l’apprentissage des savoir-faire culinaires : regards croisés de filles et de mères », CREDOC, Cahier de recherche n°198, mars 2004, p. 65.

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Ces différences ont abouti à l’apparition d’un véritable décalage entre les deux protagonistes de l’émission, qui était perceptible à l’antenne. La mauvaise entente entre Adrienne et Soizic Corne, qui était aussi la productrice de l’émission, semble être la conséquence du contraste entre leurs deux tempéraments. Au cours de l’émission, Adrienne et Soizic se vouvoient (parfois, Adrienne appelle Soizic « Mademoiselle »), et les difficultés qu’elles ont à dialoguer témoignent de la distance, voire de la tension, qui caractérise le rapport entre les deux femmes. Comme l’avance prudemment Télé 7 jours, « la sauce n’a pas toujours l’air de prendre. Comme si deux femmes en cuisine ne pouvaient pas s’entendre90

». De fait, les questions posées par Soizic Corne trouvent rarement de réponse car Adrienne semble être trop concentrée sur la préparation de la recette. Dans ce contexte, il semble que le public « prenait parti » pour Adrienne, qui apparaissait comme une figure positive. Parce qu’elle incarnait des valeurs de tradition et d’authenticité91

, « la Vieille », comme la surnommaient les clients de son restaurant, semblait souffrir de la présence de Soizic à ses côtés. C’est du moins ce qu’affirme l’article de Télé 7 jours précédemment cité92, qui loue la « bonhomie » d’Adrienne et critique le caractère déplacé des remarques de Soizic. Le fait que la sympathie du téléspectateur se porte sur Adrienne, pourtant assez sèche dans ses paroles à l’antenne, peut sans doute être vu comme un signe de la valorisation de la cuisine familiale traditionnelle du passé93, dont la cuisinière apparaît comme la garante94, en opposition à une vision dégradée de la modernité alimentaire qui se répandait alors95.

Dans le livre tiré de l’émission, la cuisine d’Adrienne est décrite comme une « cuisine de bonne femme96 », et qualifiée d’authentique et rustique. Adrienne propose donc des recettes

90 « Les ʺchefsʺ se mettent à table », Télé 7 jours, n°1128, 22 janvier 1983, p. 107.

91 Elle affirme découper « à l’ancienne » les tomates qu’elle détaille en gros quartiers irréguliers, et dit à Soizic

qu’elle préfère le fouet à main au batteur car : « quand j’étais jeune, moi, je n’avais pas tous ces appareils là. Fallait bien travailler à la main ».

92

« Les ʺchefsʺ se mettent à table », Télé 7 jours, n°1128, op. cit., p. 107.

93 Claudine Marenco déclare que le fait de prendre le temps de cuisinier, par opposition au recours au « vite fait »

voire au tout prêt, est fortement valorisé en tant qu’il s’agirait d’un signe de conformité au modèle de la « bonne cuisine familiale », qui s’appuie sur l’idéalisation du passé. Claudine Marenco, Manières de table, modèles de mœurs : 17ème-20ème siècle, op. cit., p. 239.

94 Ainsi les figures de la mère et de la grand-mère se sont vues accorder une appréciation très positive. Après avoir

été rejetée par une génération de femmes souhaitant incarner la modernité, la référence au modèle culinaire de la mère s’est trouvée revalorisée. Jean-Pierre Poulain, Sociologies de l’alimentation. Les mangeurs et l’espace social alimentaire, Paris, Presses universitaires de France, 2013 (2002), p. 40-41.

95 Claudine Marenco indique que les aliments d’origine industrielle, utilisés dans la cuisine quotidienne, font l’objet

d’une suspicion qui explique que leur recours soit vu comme une solution de dernier recours. Claudine Marenco, Manières de table, modèles de mœurs : 17ème-20ème siècle, op. cit., p. 237.

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destinées à figurer dans les repas de l’ordinaire quotidien. La simplicité de préparation est donc un trait commun à l’ensemble des recettes. Nombre d’entre elles sont des plats mijotés (navarin d’agneau, bœuf aux carottes, blanquette de veau), et les desserts réalisés sont le plus souvent des gâteaux (quatre quarts au citron, pavé au chocolat et à l’orange) : il s’agit donc d’une cuisine traditionnelle et familiale, assez proche de celle des émissions de Michel Oliver, comme le révèle l’AFC réalisée sur le corpus de titres de recettes97

. Il nous semble toutefois que la cuisine d’Adrienne se caractérise par un moindre degré de raffinement, comme le révèle le peu d’attention portée à la présentation des plats98

, dressés de façon très sommaire (Fig. 5-38). De fait, elle semble relever du style d’alimentation des classes populaires, tel qu’il a été abordé par Claude et Christiane Grignon99. Les plats préparés associent fréquemment une viande avec des féculents, et présentent donc une fonction nourrissante réelle. Ils requièrent l’utilisation de types de viande surconsommés par les catégories populaires (lapin, porc, abats), qui font l’objet de cuissons longues, ce qui apparaît comme une contrainte liée à la consommation de morceaux de viande peu coûteux. Par ailleurs, les recettes d’Adrienne se caractérisent par l’utilisation d’importantes quantités de matière grasse, qui semblent parfois effrayer Soizic100

, sans doute plus sensible au souci diététique. De ce fait, le répertoire culinaire de l’émission peut être qualifié de traditionnel et populaire : il correspondait donc à un mode d’alimentation en déclin101 face à la diffusion massive du modèle bourgeois, qui devient dominant102.

III- Un couple moderne : Chéri, qu’est-ce qu’on mange

aujourd’hui ?

A partir de septembre 1987, une émission de recettes est incluse à la grille de programmes de TF1, chaîne nouvellement privatisée : Chéri, qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?. Diffusé le

97 Voir l’Annexe n°3, p. XII.

98 Lorsqu’elle verse le sabayon à l’orange dans la coupe de présentation, Adrienne déclare : « j’ai bavé un peu mais

ça n’est pas grave ».

99 Claude et Christiane Grignon, « Styles d’alimentation et goûts populaires », Revue française de sociologie, 1980,

21-4, p. 531-569.

100 Alors qu’Adrienne fait cuire du chou dans un mélange de beurre et d’huile, Soizic lui demande si le plat ne sera

pas trop gras, ce que dément Adrienne.

101 Soizic ne s’y trompe pas, lorsqu’elle se demande à l’antenne si « on aime encore le lapin ». « Les gens mangent

plus de poulet que de lapin », dit-elle à Adrienne, attelée à la préparation d’un lapin rôti aux pommes de terre nouvelles.

102 Jean-Pierre Poulain, Sociologies de l’alimentation. Les mangeurs et l’espace social alimentaire, Paris, Presses

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Fig. 5-36 – Découpe du lapin à pleines

mains

Fig. 5-37 – Cuisine du bout des doigts

Fig. 5-38 – Lapin aux pommes de terre

nouvelles

Fig. 5-39 – Enfant qui cuisine

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samedi matin à 9h40, ce programme a la particularité de mettre en scène un couple véritable, tout en reprenant le format désormais classique (voir chapitre 4) de l’association entre une femme professionnelle de la télévision et un chef cuisinier. C’est en effet Denise Fabre, speakerine vedette depuis 1964 de la deuxième puis de la première chaîne, qui assure la présentation de l’émission avec son mari Francis Vandenhende, dirigeant de deux restaurants à Paris103

. Pour autant, l’émission entend se démarquer de celles qui l’ont précédée en prenant pour référentiel la cuisine ménagère, et non la cuisine de chef. Comme l’indique Francis Vandenhende dans l’interview que propose le bulletin de presse de TF1 consacré à la présentation de l’émission, « Ce ne sera pas la ménagère venant dans la cuisine d’un chef assister à une démonstration mais le chef qui ira dans la cuisine d’une ménagère104

». Aussi, la description que les producteurs du programme font du cuisinier tend à effacer son statut de chef pour le rapprocher de celui des téléspectateurs, puisque Francis Vandenhende déclare : « Tout en étant chef, je n’en suis pas moins consommateur. J’ai un foyer, une maison et une petite famille dont je m’occupe particulièrement le week-end. J’ai les problèmes de tout le monde105 ». Par ailleurs, Denise Fabre remplit un rôle qui ne se réduit pas uniquement à la fonction de médiation à l’égard du public106, car elle est en charge du dressage de la table autour de laquelle les protagonistes prennent place à la fin de l’émission : elle affirme ainsi sa place de maîtresse de maison. Ainsi les deux présentateurs s’affichent comme étant représentatifs d’un couple ordinaire, marqué par la complémentarité des domaines de compétence de chacun107 et un certain partage des tâches lorsqu’il s’agit de recevoir à manger.

L’atmosphère d’intimité liée à la mise en scène d’un couple marié est renforcée par la présence d’un enfant à leurs côtés sur le plateau, afin, notamment, de faire de l’émission une « fête de famille108 ». L’émission comprend en effet une séquence consacrée à la préparation d’une recette par un enfant (Fig. 5-39), choisi parmi les téléspectateurs qui se portent candidats109. L’intégration d’un tel dispositif peut sans doute s’expliquer en partie par l’horaire très matinal de diffusion du programme, qui le place en concurrence directe avec les programmes pour enfants diffusés par Antenne 2 dans le cadre de « Récré A2 ». Les enfants devaient donc être

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Ces deux restaurants sont « Le Manoir de Paris » et « La Ferme Saint Simon ».

104 TF1 Hebdo, n°42, 10 octobre 1987, p. XIV. 105 Idem.

106 « J’aurai la réaction d’une maîtresse de maison et demanderai à Francis d’expliquer simplement » dit-elle dans le

bulletin de presse précédemment cité. Denise Fabre est également chargée de répondre au courrier que lui adressent les téléspectateurs.

107 Francis Vandenhende explique également que les questions de diététique seront « plutôt le domaine de Denise ». 108

« Denise Fabre : la cuisine est une fête de famille », Le Figaro TV Magazine, n°13409, 16 octobre 1987, p. 24.

109 A la fin de chaque émission, Denise Fabre rappelle au public comment proposer la participation de leur enfant,

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nombreux devant leur téléviseur à ce moment de la journée, et les intégrer à un programme plutôt destiné aux adultes a sans doute pu être un moyen d’attirer un public familial, chacun pouvant s’identifier à l’un des protagonistes présents à l’antenne. Il n’est pas non plus à exclure que voir des enfants, notamment choisis pour leur aspect physique, cuisiner sagement plaise aux mères de famille. De plus, inviter des enfants téléspectateurs permet au programme de construire des liens de proximité et d’échange avec son public. Plus largement, la réunion d’un couple parental avec un enfant permet d’inscrire la pratique de la cuisine dans un climat de familiarité et de complicité qui situe le programme en phase avec le temps du week-end, en tant que moment de repli de la famille dans son foyer.

En raison de sa popularité due à son emploi de speakerine, Denise Fabre occupe un rôle central dans l’émission110

et contribue à la mise en place d’une relation de proximité et de complicité avec les téléspectateurs. La façon dont elle présente les enfants invités témoigne d’une attitude sympathique et bienveillante (Fig. 5-40), du fait des nombreux compliments qu’elle leur adresse111 d’un ton de voix spécifique. Tout au long du programme, elle s’adresse directement aux téléspectateurs (Fig. 5-41) et, surtout, la rubrique qu’elle tient à la fin de l’émission la présente dans un rôle de conseillère amie des téléspectateurs. Assise à table, Denise Fabre apporte la réponse aux questions relatives à l’art de la table que lui posent les téléspectateurs par courrier (Fig. 5-42). Le fait qu’elle lise la lettre elle-même, qu’elle tient en main, cherche à montrer qu’il s’agit bien d’une question authentique. Tout en faisant valoir la validité des informations qu’elle donne, l’animatrice se place à égalité avec les téléspectateurs en faisant valoir une dynamique d’échange : « Toute notre équipe est là pour vous aider quel que soit votre problème. Mais si vous-même vous avez des conseils, des astuces, des trucs, surtout nous sommes preneurs et je les donnerai dans cette émission ». L’idée d’une communauté formée par l’ensemble des téléspectateurs à travers l’émission se concrétise donc par le carrefour de contributions qu’elle entend constituer.

Il est notable que la création de ce programme en France fasse suite à la participation de Denise Fabre et Francis Vandenhende à des programmes culinaires de la télévision états- unienne112, où les émissions de recettes obéissent à une construction différente. En effet, les

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En tant qu’animatrice de l’émission, Denise Fabre fait le lien entre les différentes rubriques de l’émission, auxquelles elle participe toutes.

111 Ainsi, elle dit à une jeune fille : « Alors Nelly, tu es une grande dis-moi ! », puis multiplie les qualificatifs positifs

à son égard, portant tant sur ses qualités physiques que sur son intelligence.

112 « L’an dernier, ils ont tourné une dizaine d’émissions du même genre pour deux chaînes de télévision

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programmes consacrés à la cuisine y constituent un sous-genre des émissions traitant de la vie domestique113, ce qui lie de près la cuisine à la vie du foyer114, lui-même faisant souvent l’objet d’une représentation idéalisée selon l’idée que la bonne tenue de la maison révèle les qualités de celle qui la tient. Comme l’affirme Tasha Oren, « traditionnellement, les programmes de télévision traitant des modes de vie (ce qu'on appelle la lifestyle television) font commerce du rêve d'une vie attrayante115 ». C’est bien sur ce mode de la représentation d’une situation domestique modèle que le programme est construit.

Le décor de l’émission figure en effet un intérieur assez richement décoré, qui semble se conformer aux standards d’aménagement bourgeois. La cuisine est de grande dimension et composée de meubles massifs (Fig. 5-43) qui soulignent sa qualité. L’impression de se trouver dans un espace domestique est soulignée par la présence de luminaires aux murs, qui sont eux- mêmes décorés de moulures (Fig. 5-44). La figuration de deux fenêtres apporte une touche de réalisme supplémentaire, et les doubles rideaux de la salle à manger confirment la référence à une décoration riche et soignée. La façon dont la table est dressée fait l’objet d’une attention particulière puisqu’elle fait l’objet de la chronique « L’art de la table » qui clôt l’émission. Cette rubrique est l’occasion de présenter les règles classiques qui codifient les repas de réception bourgeois. Ainsi, Denise Fabre répond à une question concernant la bonne disposition des verres et des couverts sur la table, ou explique comment dresser un plateau de fromages. Elle donne au public les conseils nécessaires à la maîtrise des règles de la table, et les menus qui sont présentés dans l’émission se révèlent également être conformes aux standards de réception bourgeois, tels qu’ils sont décrits par Claudine Marenco116

. Les recettes présentées se situent dans le registre de la cuisine de réception, comme en témoigne la place prise par les plats mijotés (baptisés « sauté » ou « salmis »117 pour se distinguer de la vulgaire « daube ») ou les pièces de viande à partager (poulet aux quatre épices en croûte, gigot d’agneau de lait en persillade). Les desserts tels que la

1987, p. 24.

113 Les “homemaking shows” sont un genre de programmes qui occupe un temps d’antenne important aux Etats-

Unis. Kathleen Collins, Kathleen Collins, Watching what we eat: the evolution of television cooking shows, New York, Continuum, 2009, p. 60.

114 Krishnendu Ray parle ainsi d’un mouvement de « domestication » de la cuisine pour expliquer la façon dont elle

est représentée à la télévision américaine. Krishnendu Ray, « Domesticating Cuisine: Food and Aesthetics on American Television », Gastronomica: The Journal of Food and Culture, vol. 7, n°1, février 2007, p. 50-63.

115 Tasha Oren, « Jouer au chef. Grandeur et décadence des émissions culinaires à la télévision », dans Jean-Jacques

Boutaud (dir.), Scènes Gourmandes. Rencontres BIAC 2005, Paris, Jean-Paul Rocher, 2006, p. 14-21.

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Claudine Marenco, Manières de table, modèles de mœurs : 17ème-20ème siècle, op. cit., p. 261-269.

117 Les intitulés suivants témoignent de la volonté d’ennoblir certains plats : sauté de veau belle saison, salmis de

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charlotte aux pommes ou le bavarois au chocolat et au Grand Marnier permettent de tenir la note. C’est donc à la préparation d’un repas de réception que le téléspectateur se voit convié, ce qui témoigne de l’importance de la référence au modèle bourgeois dans les pratiques alimentaires. On peut aisément imaginer que le public de cette émission, diffusée à une heure où la télévision était très peu regardée118, était essentiellement composé de catégories modestes, ce qui témoigne bien de la diffusion du modèle bourgeois à l’ensemble de la société. Selon Jean- Louis Lambert, les comportements alimentaires des classes populaires doivent se comprendre selon une logique d’imitation de ceux des classes aisées, ce qui explique la diffusion du modèle gastronomique119. Mais de fait, ce modèle se voit ici érigé en tant que norme à l’heure où les catégories aisées prenaient des distances avec la contrainte des usages établis. Jean-Louis Lambert note la progression de la distance vis-à-vis du formalisme chez les classes moyennes