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Du rapport professoral à l’atmosphère de la conversation

I Art et magie de la cuisine, un classique en devenir

1) Du rapport professoral à l’atmosphère de la conversation

a. L’émission leçon

Dans les débuts de l’émission8, la présentation des recettes se fait sur le modèle de la leçon9 : Raymond Oliver est professeur, Catherine Langeais son élève. Le générique situe l’émission dans un cadre scolaire, en représentant un cahier d’écolier destiné à recueillir les notes du « Cours supérieur » suivi par Catherine Langeais (Fig. A10), et tenu par « Monsieur Raymond Oliver » (Fig. B). On peut noter que l’association de la cuisine à un cadre scolaire était courante à l’époque, dans la mesure où des cours d’enseignement ménager étaient dispensés aux jeunes filles dans l’enseignement secondaire11

. Ainsi les deux protagonistes ont un rôle bien défini et distinct. Raymond Oliver, à la carrure imposante, porte, par-dessus une chemise et une cravate, une veste de cuisinier professionnel. Catherine Langeais, quant à elle, est habillée de manière élégante, comme pour ses interventions en tant que speakerine (Fig. 2-1). Elle n’intervient pas du tout dans la préparation des plats, sauf quand il s’agit de montrer à quel point les gestes sont simples à réaliser12. La différence de la posture qu’ils adoptent l’un et l’autre (Fig. 2-2) est révélatrice de l’opposition entre le chef qui agit et celle qui a pour rôle de l’assister à l’antenne. Alors que les mains à la taille de Raymond Oliver témoignent de son affairement, Catherine Langeais, les mains dans les poches, est en retrait.

Lorsque Raymond Oliver cuisine, sa partenaire, assise au bout de la table (Fig. 2-3) dans une position d’écolière, assure le commentaire de ses gestes : elle est représentée comme observatrice attentive (Fig. 2-4), tout en étant traductrice de ses gestes à l’attention du public.

8 Notre étude s’appuie ici particulièrement sur deux émissions diffusées en 1955, que l’on peut consulter car il

s’agissait exceptionnellement d’émissions filmées (elles sont décrites comme telles à l’antenne) et non en direct : celle consacrée au glaçage de gâteau (07/02/1955) et celle des pommes soufflées (17/10/1955). La possibilité de montage leur donne toutefois une forme sans doute différente des émissions en direct. Les références précises de l’ensemble des documents cités se trouvent dans l’index des sources.

9 On peut penser que ce dispositif est né dans la continuité de la méthode audiovisuelle de cuisine que Raymond

Oliver venait d’enregistrer.

10 Voir à la fin du chapitre.

11 Voir à ce sujet : Joël Lebeaume, L’enseignement ménager en France. Sciences et techniques au féminin, 1880-

1980, Rennes, PUR, 2014, 264 p.

12 Ainsi dans l’émission consacrée au glaçage, Raymond Oliver lui demande de glacer quelques choux « pour bien

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Elle fait donc figure de médiatrice entre le cuisinier et les téléspectateurs, presque à la manière d’un commentateur sportif. Elle constitue en effet une sorte de double de la téléspectatrice, dont elle relaie la parole (« Vous croyez vraiment que les ménagères vont avoir le courage de tremper leur doigt là-dedans ? 13 », demande-t-elle au chef). Tout au long de l’émission, elle prend en note dans un cahier la recette présentée par le chef, afin d’en formuler un résumé à la fin sous l’œil attentif de Raymond Oliver (Fig. 2-5) : elle incarne ainsi l’attitude supposée des téléspectatrices, ce qui rend visible à l’écran l’acte de transmission lui-même. Parce qu’il s’adresse à une personne qui n’est pas compétente en cuisine, qui pose des questions pour s’assurer de sa bonne compréhension, le discours de Raymond Oliver est rendu moins intimidant ou ésotérique.

Raymond Oliver, quant à lui, en tant que cuisinier professionnel, propose une démonstration de son talent. Les recettes ou les tours de main qu’il propose sont propres aux spécialistes, il présente des plats dont le mode opératoire est supposé inconnu des « ménagères » auxquelles l’émission s’adresse14. Il s’agit de donner aux téléspectateurs les clés de la grande

cuisine. Catherine Langeais indique ainsi que Raymond Oliver présente la recette du glaçage à la demande des téléspectatrices qui souhaitent que leurs propres gâteaux puissent avoir l’apparence de ceux faits par des professionnels. Aussi, ce qu’accomplit Raymond Oliver n’a pas nécessairement vocation à rejoindre les cuisines domestiques : au moment de débuter la fastidieuse préparation du fondant nécessaire à la fabrication du glaçage, il précise que cette étape est inutile pour les ménagères, qui pourront en acheter du tout prêt et ainsi s’éviter du travail. L’équipement nécessaire pour réaliser ces recettes a sans doute un rôle limitant pour leur reproduction dans les cuisines domestiques. A l’écran, Raymond Oliver a recours à des ustensiles propres aux cuisines professionnelles. Pour préparer des pommes soufflées, il utilise une grande friteuse électrique, une araignée15 de grande taille (Fig. 2-6), et précise que deux bains de cinq litres de friture doivent être prévus. Peu de ménagères devaient être prêtes à mobiliser tant de matériel pour un réaliser un plat.

La réalisation de la recette est faite sur le mode de la démonstration, dans la mesure où la préparation ne poursuit pas d’autre but que celui d’être montrée. C'est-à-dire que le chef cuisine pour montrer ce qu’il cuisine, et non pas dans le but de faire manger quelqu’un (la dégustation

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« Glaçage de gâteau », 07/02/1955.

14 En 1955, d’après le relevé des titres d’émissions que nous avons pu faire sur Télé Magazine, les émissions

présentent surtout des recettes de base réputées « techniques » (fleurs en sucre, pâte à choux, quenelles…) et des plats dont le nom fait écho à un savoir gastronomique (Boudin à la Richelieu, Œufs Haut-Brion…).

15 Il s’agit d’un ustensile de cuisine semblable à une écumoire, formé d’une grille fine permettant de retirer des

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des plats n’est jamais figurée à l’écran). L’approche de la cuisine est donc théorique, ce qui centre l’attention sur la technique de réalisation des plats. Aussi, après avoir préparé le glaçage, Raymond Oliver en montre les différents usages : il glace tour à tour une génoise ronde, des choux de diverses formes et une génoise rectangulaire (Fig. 2-7). Suivant l’organisation d’une leçon, il emploie sa préparation dans différents exemples qui sont autant de mises en application. La pédagogie dont il souhaite faire preuve l’amène également à se servir de l’outil de la répétition : il indique que l’émission sur les pommes soufflées a été enregistrée, afin qu’elle puisse être diffusée plusieurs fois, ce qui est nécessaire à son bon apprentissage. Le fait que le chef se place sur un plan théorique s’illustre par la liberté qu’il prend avec la préparation « normale » de la recette, pour les besoins de la démonstration. Il explique en effet que « théoriquement », un gâteau doit être enduit d’une couche de confiture avant d’être couvert de glaçage, ce qu’il ne fait pas à l’antenne, sans en indiquer la raison.

La cuisine se voit principalement abordée sur un plan technique par Raymond Oliver : il la désigne comme un « travail » dont il ne cherche pas à cacher l’aspect difficile et fastidieux. Lors de la préparation des recettes, le cadrage de l’image est centré sur les mains du chef et les gestes qu’il accomplit (Fig. 2-8), ce qui souligne l’importance des tours de main dans la réalisation d’un plat. Lorsque Raymond Oliver travaille le fondant pour faire le glaçage, seul le plan de travail apparaît à l’écran pendant de longues minutes, sans que les visages des présentateurs ne soient montrés, ce qui montre que l’approche de la cuisine est résolument technique. En outre, les recettes sont décrites avec un vocabulaire méthodique. Raymond Oliver raisonne en termes de « principes » qui, si on les connaît, garantissent la réussite, et donne par conséquent d’abondantes explications sur ce qu’il fait pour que le public puisse comprendre le déroulement des opérations. Par ailleurs, le ton du chef est volontiers prescriptif et directif16, faisant du respect d’un certain nombre de règles l’assurance de la réussite d’un plat. Une telle conception de la cuisine justifie donc son exposé sous forme de leçon, puisque la différence dans la possession du savoir met en place un rapport professoral entre le cuisinier professionnel et les néophytes, ce que les postures de Raymond Oliver et de Catherine Langeais illustrent à l’antenne.

Le terme de démonstration se révèle également pertinent pour décrire l’émission en tant que les prestations de Raymond Oliver revêtent un caractère exceptionnel qui les rendent particulièrement intéressantes à regarder. Le programme cultive une forme de spectacularité, à l’origine de l’attrait qu’il exerce sur le public. La carrure de Raymond Oliver, ainsi que sa voix

16 Lors de la préparation des pommes soufflées, il affirme : « Il est absolument nécessaire, je dis bien absolument

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forte et grave, à l’accent du Sud-Ouest, font du chef une figure relativement imposante, ce qui rehausse le caractère impressionnant des gestes professionnels, comportant une part de mystère pour les téléspectateurs peu connaisseurs, qu’il accomplit. Pour vérifier les stades de la cuisson du sucre, Raymond Oliver plonge sa main, préalablement trempée dans l’eau froide, dans une casserole de sucre bouillant, ce qui provoque l’étonnement de Catherine Langeais (« Oh mon dieu ! »), exprimant ses doutes quant à la capacité des ménagères d’en faire autant. De fait, si le cuisinier réalise du fondant, alors qu’il invite les ménagères à ne pas le faire chez elles, c’est que, en plus de faire connaître au public les étapes de sa fabrication, cette préparation présente un intérêt télévisuel. Raymond Oliver affirme réaliser le fondant « pour la beauté de l’émission », et l’on peut juger qu’il y a un intérêt réel à observer le chef transformer le sucre en fondant, au vu des savoir-faire mobilisés. Le talent particulier de Raymond Oliver est constamment mis en avant par Catherine Langeais, qui fait parfois office de faire-valoir. L’émission s’offre ainsi comme un espace d’expression pour le cuisinier artiste, notamment lorsqu’il décore un gâteau au cornet en y dessinant des visages (Fig. 2-9). Catherine Langeais assure alors : « On ne peut qu’applaudir à vos talents de dessinateur après avoir applaudi à vos talents de cuisinier ».

Le dispositif ainsi mis en place est donc fondé sur un rapport pédagogique entre un chef qui explique la technique de la cuisine et des téléspectateurs élèves. On peut cependant penser que, derrière le modèle de la leçon, c’est la logique de la démonstration qui prévaut. L’émission repose en effet sur la tension entre d’une part la proposition adressée au public de reproduire sans difficultés les recettes d’un chef et d’autre part la mise en avant du talent spécifique d’un chef dont les pratiques sont distinctes de celles de la ménagère17. Cependant, la façon dont le programme était conçu a rapidement évolué, et le format connaît de nettes évolutions dès 1956, pour adopter une plus grande proximité à l’égard des téléspectateurs.

17 A propos de l’émission Carte postale gourmande (2000-2006), Camille Brachet et Aurélien le Foulgoc notent

également que la représentation du chef en action « se positionne à la frontière d’une logique d’accessibilité et d’une logique d’expertise ». La « tension entre cette facilité apparente de la préparation et la remise en question immédiate de cette facilité » freine fortement le processus d’imitation.

Camille Brachet et Aurélien Le Foulgoc, « Image et performance du goût et de l’alimentation à la télévision. Analyse de l’émission Carte postale gourmande », dans Jean-Jacques Boutaud (dir.), Scènes Gourmandes. Rencontres BIAC 2005, Paris, Jean-Paul Rocher, 2006, p. 106-107.

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Fig. 2-1 et 2-2 – Catherine Langeais et Raymond Oliver

Fig. 2-3 – Place des protagonistes sur le

plateau

Fig. 2-5 – Récapitulatif de la recette

Fig. 2-4 – Catherine Langeais,

observatrice attentive

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Fig. 2-7 – Présentation des plats réalisés

lors de l’émission

Fig. 2-8 – Cadrage centré sur les mains

du chef

Fig. 2-9 – Démonstration de virtuosité Fig. 2-10 – Catherine Langeais en retrait

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b. L’adoption d’une plus grande proximité avec le public

Le visionnage d’émissions postérieures montre que la relation à l’écran entre Catherine Langeais et Raymond Oliver est transformée, donnant à l’émission une tonalité bien différente. La référence scolaire est progressivement abandonnée, comme le montre le changement du générique pour une image plus neutre (Fig. C), ce qui redéfinit les rôles des deux protagonistes. Leurs échanges se présentent davantage comme une conversation décontractée, un dialogue, que comme une leçon que l’un adresse à l’autre, et une certaine complicité entre les deux présentateurs est perceptible à l’écran. Les deux protagonistes en sont venus à former un véritable tandem, dont le mode d’interaction est certainement l’une des clés du succès de l’émission. Raymond Oliver affirme lui-même dans ses mémoires que Catherine Langeais et lui-même étaient devenus « l’un de ces couples célèbres que le public adopte et ne veut plus séparer18 », et l’on sait que la rumeur disait les deux présentateurs amoureux l’un de l’autre19

. Le contraste, tant physique que du point de vue du tempérament, entre ces deux personnes visiblement contentes d’apparaître ensemble à l’antenne conférait une certaine sympathie au programme20

, en même temps qu’il entretenait un climat de gentille moquerie qui participait à l’animation de l’émission21

.

Aussi, l’attitude de Catherine Langeais est marquée par moins de passivité. Sa présence est plus affirmée, elle reste debout à côté du chef pendant tout le temps de préparation de la recette, et apparaît désormais comme une assistante du cuisinier. Bien qu’elle ne prenne pas part à la préparation des plats (Fig. 2-10), elle est notamment chargée de passer au chef les ingrédients et les ustensiles dont il a besoin et ainsi de veiller à ce que le plan de travail ne soit pas trop encombré. Sa participation étant très majoritairement verbale, Catherine Langeais conserve tout à fait son rôle de médiatrice22, dans la mesure où elle est chargée de la bonne transmission du

18

Raymond Oliver, Adieu fourneaux, Paris, Robert Laffont, collection « vécu », 1984, p. 296.

19 Ce fut sans doute au moins le cas jusqu’à ce que Catherine Langeais officialise sa liaison avec Pierre Sabbagh.

Évelyne Cohen, « Art et magie de la cuisine : la cuisine du Grand Véfour à la télévision ? », Sociétés et représentations, n°34, 2012, p. 120.

20 Un article de Télérama affirme ainsi que le secret de l’émission « réside peut-être simplement dans cette

association d’un Bordelais barbu, volubile et bon enfant, avec la plus populaire des speakerines, Catherine Langeais ». Télérama, 7 mai 1961, p. 15.

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Il n’était pas rare que Raymond Oliver s’amuse de l’ignorance de Catherine Langeais, tandis que celle-ci moquait quasi systématiquement la tendance du chef à ne pas respecter les proportions prescrites par excès de prodigalité.

22 Dominique Mehl montre que les programmes de la « télévision messagère » ont fait appel à des médiateurs, dont le

rôle est de faire converger l’intérêt du public et les paroles du spécialiste présent à l’antenne. Ainsi, « ni spécialiste ni totalement ignorant, ce personnage établit les passerelles en parlant pour le public et, à l'inverse, en aidant les experts à délivrer leur message ». Dominique Mehl, La fenêtre et le miroir. La télévision et ses programmes, Paris, Payot,

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message télévisuel auprès des téléspectateurs : elle s’assure que les gestes de Raymond Oliver sont bien visibles des caméras, lui fait donner les précisions qu’elle juge utiles à la bonne compréhension de la recette23, et lui fait répéter certains éléments pour que le public puisse s’approprier son discours24

.

Dans le même temps, elle apparaît comme une représentante des téléspectateurs à qui l’émission s’adresse, c'est-à-dire des « ménagères ». Interviewée dans Télé Magazine en 1957, Catherine Langeais affirme que les questions qu’elle pose à l’antenne lui sont inspirées du courrier qu’elle reçoit des téléspectatrices25

. Indirectement, elle assure donc la présence de la ménagère à l’écran, mais elle incarne dans le même temps une forme de modèle qui l’éloigne de la condition de celle-ci. Dans cette même interview, Catherine Langeais affirme qu’elle n’a pas le temps de faire la cuisine chez elle en raison de son activité à la télévision : elle n’applique donc pas personnellement les leçons données par le chef car sa célébrité ne lui en laisse pas le temps. L’élégance de ses tenues, peu appropriées à la pratique culinaire, montre qu’elle représente une figure féminine quelque peu idéalisée. En tant que speakerine, Catherine Langeais bénéficiait d’une popularité considérable, et était très admirée26

. On peut donc penser qu’elle incarne un double idéal de la ménagère, permettant aux téléspectatrices de s’identifier à quelqu’un qui leur ressemble et de se projeter dans une figure qui suscite une certaine fascination, selon le paradoxe entre ordinaire et extraordinaire qui caractérise, selon James Bennett, la célébrité des personnalités de télévision27.

En 1959, Art et magie de la cuisine, après plus de quatre ans d’existence, fait peau neuve.

1992, p. 66-67.

23 Elle présente un rôle d’interprète des gestes de Raymond Oliver, en lui demandant souvent d’expliquer pourquoi il

fait les choses d’une telle manière.

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Dans l’émission consacrée à la préparation des ris de veau, elle dit à Raymond Oliver : « Je vous ennuie à vous faire toujours répéter, mais vous savez que ce sont nos téléspectateurs qui le désirent, que vous répétiez ».

25 « Raymond Oliver : la télé a donné un ʺchefʺ à deux millions de Français », Télé Magazine, n°90, 14 juillet 1957,

p. 4.

26 Elle était ainsi surnommée « la fiancée des Français », et un article de Télé Magazine de 1962 consacré au courrier

reçu par Catherine Langeais met au jour le rôle d’ « amie idéale » que les téléspectateurs et téléspectatrices lui attribuent. Voir Évelyne Cohen, « Catherine Langeais », dans Agnès Chauveau, Yannick Déhée (dir.), Dictionnaire de la télévision française, Paris, Nouveau Monde éditions, 2007, p. 309 ; Télé Magazine, 18-14 mars 1962, p. 4-6.

27 James Bennett montre que les personnalités de télévision se définissent par le « glamour », reposant sur un

sentiment de familiarité et d’intimité, couplé à une certaine fascination entretenue par le public. James Bennett, « ʺLes célébrités de la télévision doivent être jugées selon les critères de la TV, en oubliant tous les autresʺ. L'invention de la ʺpersonnalité de télévisionʺ », dans Gilles Delavaud et Denis Maréchal (dir.), Télévision : le moment expérimental, Rennes, Apogée, 2010, p. 570-582.

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C’est que l’émission, qui n’est diffusée plus qu’une fois toutes les deux semaines dès 195828

, devait enregistrer une certaine baisse d’intérêt. Une « nouvelle formule » est donc annoncée en août 1959, cherchant à donner « une vue complète et pratique de mets simples ou compliqués » en alternant émissions consacrées à la technique pure et émissions présentant des utilisations de ces recettes de base29. Aussi voit-on que l’objectif pédagogique continuait à sous-tendre la construction des émissions, conçues selon une approche technique de la cuisine donnant lieu à des démonstrations. L’émission du 23 novembre 1959 consacrée à la présentation des fonds de sauce (il s’agissait donc d’une « émission de technique », et non « une émission d’utilisation ») se présente bien comme une leçon théorique sur les sauces. Raymond Oliver prépare en effet quatre sauces en même temps, dans quatre casseroles différentes (Fig. 2-11), tout en affirmant « Nous partirons du même principe pour toutes les sauces, ceci, afin de simplifier […] un peu [le] travail [du cuisinier amateur] ». L’aspect théorique de la présentation, malgré l’abandon de la référence au cadre scolaire, reste donc fondamental. Il est à noter que cette formule n’a cependant pas rencontré un grand succès, puisqu’elle a été abandonnée à partir de décembre 1959, pour laisser place à d’autres tentatives de renouvellement du format tendant vers moins de formalisme. L’alternance d’Art et magie de la cuisine avec les nouvelles émissions présentées par Raymond Oliver et Catherine Langeais à partir de 1960 explique que, jusqu’en juillet 1966, l’émission n’est diffusée qu’une fois par mois, conservant le même créneau du lundi soir jusqu’en 1965.

En octobre 1959, l’émission change également de décor et a désormais lieu, selon Télé

Magazine, dans « une magnifique cuisine ultra-moderne30 » (Fig. 2-12). La modernité de cette