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2. Modèles scientifiques de la production orale

2.2. Complexité, correction et fluidité

2.2.2. Stratégies de communication

2.2.2.2. Quelles stratégies de communication ?

Il est notable au travers de ces définitions que les stratégies de communication peuvent constituer le trait d’union entre une fluidité et une correction imparfaites, ce qui les rend indispensables pour mener à bien une communication. Elles visent à résoudre un problème de communication par des stratégies. Celles-ci peuvent être :

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J’expliquerai la façon dont j’ai utilisé ces critères dans la deuxième partie de la thèse, sous-partie « Stratégies de communication », 7.3.2.2.2.6.3.2.2.1

 des stratégies de reformulation : « dire autrement ce qu’on ne peut formuler faute de moyens linguistiques ou syntaxiques adéquats » (Gaonac’h, 1991 : 180) ;

 des stratégies d’éludage, d’évitement ou de contournement : l’apprenant cherchera à modifier la forme ou le contenu de son énoncé afin de l’adapter à ses possibilités langagières ;

 des stratégies de sollicitation : il s’agira de faire appel à des ressources extérieures (dictionnaire, camarade de classe, enseignant, etc.) pour résoudre le problème de communication.

La distinction entre stratégies de reformulation et stratégies d’éludage chez Gaonac’h ne me semble cependant pas très claire, les deux définitions paraissant très similaires. Je comprends « éludage » au sens d’esquive, d’évitement, c’est-à-dire au sens d’abandon de la communication, et partant, ne la considère pas comme une stratégie de communication. J’ai donc prévu de considérer les stratégies de reformulation, mais à l’analyse de la tâche d’expression orale, il apparaît que celles-ci sont rarement utilisées par les étudiants. C’est pourquoi je conserverai majoritairement de Gaonac’h les stratégies de sollicitation (en plus des quelques stratégies de reformulation), en l’occurrence uniquement des demandes d’aide (la plupart du temps lexicale) à l’enquêteur/enseignant, comme dans l’exemple suivant, où l’apprenant utilise un geste de la main pour solliciter une aide lexicale :

Enquêté : I… I have er… one brother et… one sister. [mhm] er… [PAUSE

LONGUE 5’’ incluant er] f a… little brother and er… [PAUSE LONGUE 3’’2 incluant er] [FAIT UN GESTE CIRCULAIRE AVEC LA MAIN]

Enquêteur : an older sister

De nombreux didacticiens ont cherché à définir quelles compétences de communication étaient essentielles dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Je retiens celle de Canale et Swain (1980) qui me paraît être la plus simple et la plus complète à la fois. Ils définissent trois compétences de communication :

 La compétence grammaticale (en d’autres termes : la connaissance des structures linguistiques : « knowledge of lexical items and of rules of morphology, syntax, sentence-grammar semantics, and phonology » (Canale et Swain, 1980 : 29). Par

 La compétence sociolinguistique. Cette compétence est divisée en deux types de règles : les règles socioculturelles (c’est-à-dire la connaissance de ce qui est acceptable ou non du point de vue des usages d’une communauté linguistique) et les règles du discours, qui concernent : « the cohesion (i.e. grammatical links) and coherence (i.e. appropriate combination of communicative functions) of groups of utterances » (Ibid. : 30). Par exemple : savoir que la grande majorité des anglophones ne se font pas la bise pour se saluer ;

 La compétence stratégique (ou la capacité à utiliser des stratégies de langage ou gestuelles, par exemple, pour atteindre des objectifs de communication lorsqu’une contrainte est rencontrée : « verbal and non-verbal communication strategies that may be called into action to compensate for breakdowns in communication due to performance variables or to insufficient competence » (Ibid.). Par exemple : être capable de faire une périphrase pour parler d’un objet dont on ne connaît pas le mot correspondant dans la langue-cible).

Je résume ces compétences de communication dans le tableau suivant :

Compétence grammaticale Compétence sociolinguistique Compétence stratégique

Connaissance des structures et des règles linguistiques : lexique, morphologie, syntaxe, sémantique, phonologie

Connaissance des règles : - socioculturelles (ce qui

est acceptable, registre, style, politesse, etc.) - du discours (cohésion et

cohérence, modes différents)

Connaissance de stratégies de langage pour surmonter des difficultés dues à une méconnaissance de la langue

Tableau 4 : Compétence communicative selon Canale et Swain (1980)

Gleason et Weintraub (1978) ont décomposé ces compétences de communication en des savoir-faire très précis, tels que :

 Savoir entamer un dialogue ;

 Attirer l’attention ;

 Interrompre son interlocuteur ;

 Répondre à des questions de vérification ou les poser44.

Cette approche me paraît très intéressante car elle permet de cibler concrètement les compétences à développer par les apprenants, ce qui pourra constituer une piste de réflexion à la fin de ce travail. Dans le monde professionnel, il faudra bien sûr élargir ces compétences à d’autres, telles que, entre autres :

 Se présenter dans un contexte professionnel, présenter ses activités ;

 Décrire un procédé de fabrication ;

 Mener une réunion et y intervenir ;

 Passer un appel téléphonique ;

 Passer une commande ;

 Remercier ;

 Conclure.

On voit bien que les compétences orales sont complexes, incluant des savoirs et savoir-faire variés, qui ne sauraient être enseignés comme un cours d’histoire, par exemple. Ainsi, Plane (2015) souligne :

Mais, sur le plan pédagogique, il serait totalement déraisonnable d’envisager l’enseignement de l’oral sous la forme de cours classiques (avec des leçons à apprendre etc.), comme s’il s’agissait d’un savoir académique et non d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire dont la maîtrise s’ancre dans la pratique et l’analyse. (Plane, 2015 : en ligne)

Or, on sait combien il est difficile de pratiquer individuellement les compétences orales dans des classes souvent nombreuses d’adolescents inhibés.

Dans un souci de clarté, je m’appuierai pour l’analyse des productions orales en partie sur les travaux de Gaonac’h (1991)45

pour définir si oui ou non, et dans quelle mesure, les apprenants interrogés utilisent des stratégies de communication. Je souhaitais observer initialement le recours au français par les apprenants comme une stratégie de communication, mais il s’est révélé qu’en réalité, l’utilisation du français intervenait davantage lorsqu’ils

étaient bloqués (généralement par un terme inconnu en anglais), dans une impasse communicative, comme dans l’exemple suivant :

Enquêteur : ok in the restaurant or at home

Enquêté : oh er… [PAUSE LONGUE 1’’7] les d les deux

Enquêteur : both

J’ai donc considéré l’utilisation de mots français comme faisant partie des erreurs. Je prendrai finalement en compte, comme faisant partie des stratégies de communication qui permettent de mener à bien une interaction, les stratégies de sollicitation, mais ne considérerai pas les stratégies de reformulation ni d’éludage dans l’acception de Gaonac’h (comme expliqué plus haut). J’ajouterai à celles-là deux autres stratégies observées dans les tâches d’expression orale des apprenants, portant à trois les stratégies de communication étudiées :

 la sollicitation (de l’interlocuteur)46

 la reprise (d’une correction apportée par l’interlocuteur) :

Enquêté : I… I have er… one brother et… one sister. [mhm] er… [PAUSE

LONGUE 5’’ incluant er] f a… little brother and er… [PAUSE LONGUE 3’’2 incluant er] [FAIT UN GESTE CIRCULAIRE AVEC LA MAIN]

Enquêteur : an older sister

Enquêté : an older sister

l’autocorrection : I speak er… Deutsch… German

Cette dernière stratégie fait le pont avec le concept de correction, ou « accuracy » en anglais.