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Le statut juridique de l'espace atmosphérique et la réglementation des activités

L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE : DEFINITION ET DELIMITATION

2. Le statut juridique de l'espace atmosphérique et la réglementation des activités

Le premier instrument international régissant l'aviation et, par conséquent, les activités se déroulant dans l'espace surjacent au territoire d'un Etat était la Convention portant réglementation de la navigation aérienne, signée à Paris le 13 octobre 1919.243 Elle a démontré la ferme volonté des Etats d'exercer leur souveraineté sur l'espace au-dessus de leur territoire national. L'article 1er prévoyait que "[l]es Hautes Parties contractantes reconnaissent que chaque Puissance a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace atmosphérique au-dessus de son territoire. Au sens de la présente Convention, le territoire d'un Etat sera entendu comme comprenant le territoire national métropolitain et colonial, ensemble les eaux adjacentes". L'article 2 stipulait que chaque Etat contractant avait la compétence d'accorder la liberté de passage inoffensif aux autres Etats contractants selon les conditions établies par la Convention.244 L'article 8 de la Convention de Chicago de 1944 interdit tout vol effectué par un engin sans pilote au-dessus d'un territoire étranger, à moins que l'Etat sous-jacent ait délivré une autorisation spéciale. Comme ce texte ne fixe aucune limite vers le haut, certains auteurs en ont déduit que le droit de souveraineté de l'Etat s'étendait au-dessus de son territoire jusqu'à l'infini.245

Vu les moyens techniques limités de l'époque, le besoin de fixer la limite supérieure de l'espace aérien souverain ne se faisait encore pas sentir. Cependant, dans la période de l'entre-deux-guerres, et en particulier au cours de la Deuxième Guerre mondiale, l'aviation a connu un grand essor. La réglementation de 1919 n'était plus suffisante. En 1944, trois instruments différents ont été rédigés au cours d'une conférence tenue à Chicago:

a) la Convention relative à l'aviation civile internationale, appelée « Convention de Chicago » ;246

243

Convention portant réglementation de la navigation aérienne, signée à Paris le 13 octobre 1919, Recueil ADIFURTA, vol. I, Droit de l’air, pp. 31-44.

244 Ibid. 245

Marcoff, M.G., Traité de droit international public de l’espace, Fribourg, Editions Universitaires, 1973, 835 p.

246

Convention relative à l’Aviation Civile Internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944, Recueil ADIFURTA, vol. I, Droit de l’air, pp. 45-78.

b) l'Accord relatif au transit des services aériens internationaux ;247 et c) l'Accord relatif au transport aérien international.248

La Convention de Chicago, entrée en vigueur en 1947, a abrogé la Convention de Paris. En matière de souveraineté, elle a posé le même principe, juste avec une légère différence terminologique: "Les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat a la souveraineté complète et exclusive de l'espace aérien au-dessus de son territoire", et elle ajoute à son article 2: "Aux fins de la présente Convention, il faut entendre par territoire d'un Etat les régions terrestres et les eaux territoriales y adjacentes qui se trouvent sous la souveraineté, la suzeraineté, la protection ou le mandat dudit Etat".

Au sein du système de Chicago, les Etats ont gardé de vastes compétences sur leur espace aérien.249 De nombreux amendements y ont été apportés par la suite, ne changeant cependant rien à la substance des principes de base.250 Mais en 1984, à la suite de l'affaire du Boeing sud-coréen 747,251 un amendement important fut apporté à la Convention de Chicago, relatif à l'interdiction du recours à la force contre des aéronefs civils: "Les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat doit s'abstenir de recourir à l'emploi des armes contre les aéronefs civils en vol et qu'en cas d'interdiction, la vie des personnes se trouvant à bord des aéronefs et la sécurité des aéronefs ne doivent pas être mis en danger."252

La Convention de Chicago ne contient aucune indication quant à la limite supérieure de l'espace aérien souverain.

Un autre traité récent, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ouverte à la signature à New York en 1982, contient des normes portant sur la réglementation de l'espace aérien placé au-dessus des différentes parties de la mer:

247

Accord relatif au Transit des Services aériens internationaux, Recueil ADIFURTA, vol. I, pp. 89-93. 248

Accord relatif au Transport Aérien International, Recueil ADIFURTA, vol. I, pp. 99-105. 249

Mateesco-Matte, Nicolas, Traité de droit aérien-aéroautique, Montréal, McGill University, 1980, p.228.

250

Milde, Michael, « The Chicago Convention – after Forty Years », Annals of Air and Space Law, vol. IX, 1984, pp. 119-131.

251

En août 1983, un Boeing 747 sud-coréen, dévié d’environ 500 km de sa route normale, a été abattu par des chasseurs soviétiques près de Sakhaline. Ses 269 occupants ont tous été tués. 252

Piris, J.Cl., « L’interdiction du recours à la force contre les aéronefs civils : l’amendement de 1984 à la Convention de Chicago », AFDI vol. XXX, 1984, pp. 711-732.

a) au-dessus de la mer territoriale, où la souveraineté de l'Etat est confirmée : "cette souveraineté s'étend à l'espace aérien au-dessus de la mer territoriale, ainsi qu'au fond de cette mer et à son sous-sol" ;253

b) au-dessus des détroits: "Dans les détroits (qui servent à la navigation internationale entre une partie de la haute mer ou une zone économique exclusive et une autre partie de la haute mer ou une zone économique exclusive), tous les navires et aéronefs jouissent du droit de passage en transit sans entraves" ;254

c) au-dessus de la zone économique exclusive: "Dans la zone économique exclusive, tous les Etats, qu'ils soient côtiers ou sans littoral, jouissent, dans les conditions prévues par les dispositions pertinentes de la Convention, des libertés de navigation et de survol".255 Ce droit est lié, cependant, à une condition bien précise: "La Convention de 1982 garantit de manière effective les droits et libertés existants dans le domaine des communications, notamment les libertés de la navigation et du survol à l'intérieur de la zone économique exclusive. Pour l'Etat sans littoral, cette garantie ne sera effective que dans le cadre de la Convention. En dehors de celle-ci, l'Etat en question demeurera exposé à l'action unilatérale des Etats côtiers à laquelle, étant lui-même dépourvu de côte, il n'aura rien de semblable à opposer " ;256

d) au-dessus de la haute mer: A l'article 87.1 de la Convention il est dit que "la haute mer est ouverte à tous les Etats. La liberté de la haute mer s'exerce dans les conditions prévues par les dispositions de la Convention et les autres règles du droit international. Elle comporte notamment pour les Etats, qu'ils soient côtiers ou sans littoral, la liberté de la survoler. »257 Les conditions de survol commercial international sont définies par des accords bilatéraux entre les Etats intéressés.258

253

Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, art. 2.2, Nations Unies, New York, 1984, doc. A/CONF.62/122. 254 Ibid., art. 38.1. 255 Ibid., art. 58.1. 256

Caflisch, Lucius, « La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 30 avril 1982 », Annuaire suisse de droit international vol., XXXIX, 1983, p. 101.

257

Convention sur le droit de la mer, 1982, art. 87.1(b). 258

Mateesco-Matte, Traité de droit aérien-aéronautique, Montréal, McGill University, 1980, pp. 229- 250.

Avec le début des activités spatiales, le premier souci a été d'éviter la militarisation, avec des armes nucléaires, de l'espace extra-atmosphérique. Cette position a été exprimée par l’Organisation des Nations Unies dans sa Résolution 1148 (XII), d'où est sortie le Traité interdisant les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau, signé à Moscou le 5 août 1963 par l'Union Soviétique, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.259 Ici, de par le fait que les explosions nucléaires sont interdites aussi bien dans l'espace extra-atmosphérique que dans l'atmosphère, le problème de la délimitation des deux espaces ne se posait pas.

Une définition de la ligne de démarcation semblait s'imposer, cependant, au moment de l'établissement du Traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, signé à Moscou le 27 janvier 1967. Mais le traité se réfère à "l'espace extra-atmosphérique" et aux "activités menées dans l'espace extra-atmosphérique" sans donner aucune définition précise de ces termes. Il a, par contre, mis fin à certaines interprétations extensives des conventions de navigation aérienne, qui auraient étendu à l'infini le domaine de la souveraineté nationale sur l'espace aérien: "L'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l'objet d'appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d'utilisation ou d'occupation, ni par aucun autre moyen".260 De nombreux instruments internationaux réglant des activités dans l'espace extra- atmosphérique ont été mis en vigueur depuis, sans résoudre le problème de la définition et de la délimitation exactes de l’espace extra-atmosphérique.

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