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L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE : DEFINITION ET DELIMITATION

4. Les différentes approches à la question de la définition et de la délimitation de l’espace extra-atmosphérique

4.1. L’approche spatiale

II y a plusieurs critères dans l'approche spatiale, dont quelques-uns avec plusieurs variantes. Un premier groupe se base essentiellement sur les propriétés de l'atmosphère.

La méthode de la démarcation fondée sur l'équivalence entre la limite supérieure de la zone soumise à la souveraineté nationale et la notion d'atmosphère se fonde sur l'interprétation des termes employés dans les conventions internationales existantes, surtout celles de Paris et de Chicago, et dans les législations nationales pour définir la portée de la souveraineté nationale au-dessus de la surface de la terre. On a soutenu que d'après ces conventions et ces législations , l'emploi des expressions "air", "espace aérien", "atmosphère" ou "espace atmosphérique", ou le but indiqué, à savoir la réglementation des "aéronefs", offraient un critère pour mesurer la souveraineté. Les partisans de cette méthode proposent de considérer que les limites géophysiques et juridiques de l'atmosphère soient équivalentes et de fixer de cette façon une frontière entre l'espace aérien et l'espace extra-atmosphérique.

Le critère ci-dessus ne semble pas réaliste, du fait surtout que l'atmosphère terrestre ne s'arrête pas soudainement, mais fait place graduellement à l'espace extra-

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Documents du Sous-Comité Scientifique et Technique : A/AC.105/C.1. 266

A/AC.105/C.2/7, 77 p., Annexe I, 11 p., Annexe II, 4 p., 7 mai 1970.

atmosphérique. Les scientifiques ne sont pas d'accord quant à l'altitude à laquelle l'espace aérien se termine. D'après certaines estimations, il s'étend bien au-delà de l'orbite d'un satellite artificiel de la Terre, qui est généralement considéré comme se trouvant dans l'espace extra-atmosphérique.267

Une autre méthode faisant partie de l’approche spatiale est celle de la démarcation fondée sur la subdivision de l'atmosphère de la Terre en plusieurs couches dont chacune possède des caractéristiques différentes : la troposphère (14 – 17 km) et la stratosphère (17 – 40 km) contiennent ensemble les 99,7 % de l'air atmosphérique. La mésosphère s'étend jusqu'à 80 km d'altitude. Au-delà des 80 km, on trouve l'ionosphère, qui contient des molécules d'air chargée électriquement et qui pour cette raison joue un rôle essentiel dans les radiocommunications. Sa limite supérieure n'est pas définie. D'après divers auteurs, elle se situe entre 20'000 et 100'000 km d'altitude.268 L’exosphère forme le bord de l’atmosphère et le bord supérieur de la magnétosphère, c’est-à-dire, la magnétopause. Elle est considérée être la partie plus lointaine de la sphère d’influence de la Terre.269

Selon certains auteurs, c’est cette théorie fondée sur les différentes couches d’air qui serait une des plus valables pour tracer une ligne de démarcation parce que la partie inférieure de l’atmosphère se distingue nettement de la partie supérieure. Pour cette raison, ils suggèrent de prendre comme ligne de démarcation la zone entre ces deux milieux, c’est-à-dire la turbopause qui se situe à une altitude de 90-110 km et qui « would certainly serve as a criterion for a legal boundary between air space and outer space”.270

Une troisième catégorie dans le groupe des théories de l’approche spatiale se base sur les propriétés de l'atmosphère et est celle de la démarcation fondée sur la division de l'espace en zones, chacune ayant un régime juridique différent.271

267 A/AC.105/C.2/7, pp. 39-40. 268 Ibid., pp. 40-41. 269 Ibid., pp. 40-41. 270

Goedhart, F.A., The Never-Ending Dispute: Delimitation of Air Space and Outer Space, Gif-sur- Yvette, Editions Frontières, 1996, pp. 20-28.

271

A/AC.105/C.2/7, pp. 60-62 ; COOPER, John Cobb, “Passages of Spacecraft through the Air- space”, Proceedings of the Sixth Colloquium on the Law of Outer Space, Washington 1964, pp. 3-13.

Un autre groupe de théories faisant partie de l’approche spatiale se base essentiellement sur les propriétés des engins volants. Parmi elles on trouve la théorie de la démarcation fondée sur l’altitude maximum que peuvent atteindre les aéronefs272, appelée « la ligne ‘von Karman’ », d’après laquelle on fixerait la ligne de démarcation entre l'espace aérien et l'espace extra-atmosphérique à l'altitude où la portance aérodynamique cède la place à la force centrifuge qui n’est toutefois pas toujours la même.273

La méthode qui a remporté le plus grand consensus est celle qui établit la délimi- tation selon le périgée le plus bas permettant le maintien sur orbite d'un satellite. Elle repose sur le fait qu'en deçà d'une certaine altitude, l'atmosphère de la Terre est trop dense pour permettre le maintien d’un satellite sur orbite. La densité de l'atmosphère au-delà de la stratosphère (40 km) est très faible. Mais même dans le vide presque absolu, les particules de matière exercent un effet de freinage considérable sur tout objet en mouvement, et aucun satellite, quelle que soit sa vitesse initiale, ne peut être maintenu sur orbite. On a observé qu'aux altitudes comprises entre 85 et 105 km, la plupart des météorites se consument. A ces altitudes, si l'on excepte les engins lourds les plus denses, tous les satellites sont fortement freinés, s'échauffent considérablement et perdent rapidement de l'altitude. Actuellement, une orbite de satellite stable ne peut avoir un périgée inférieur à 140-160 km, et les objets placés à des altitudes inférieures ne restent pas longtemps satellisés.

Même si elle a remporté un certain succès, cette méthode, non plus, n'est pas privée de défauts. Comme toutes les théories qui se basent sur des éléments comprenant les propriétés des engins, elle repose sur un critère qui peut être modifié par la suite et présente, de par cela, une incertitude juridique.274

Une autre théorie de la démarcation et celle fondée sur la notion de souveraineté effective. Selon la définition de la souveraineté donnée par le juge Max Huber, dans l'affaire de l'Ile de Palmas275, la souveraineté exclusive sur l'espace aérien de l'Etat 272 A/AC.105/C.2/7, pp. 44-48. 273 Ibid., pp. 49-51. 274 A/AC.105/C.2/7, pp. 51-54. 275

C.P.A.., 4 avril 1928, R.S.A. II, p. 839.

sous-jacent devrait s'étendre jusqu'à l'altitude où il est effectivement en mesure d'exercer son autorité, d'où il résulte que la frontière entre l'espace aérien et l'espace extra-atmosphérique devrait être fixée à l'altitude où les Etats cessent de pouvoir exercer effectivement cette autorité. L'un des principaux défauts de cette doctrine est qu'elle conduirait à une situation anormale, puisque les divers Etats exerceraient leur juridiction jusqu'à des altitudes différentes qui seraient en fonction du degré de perfectionnement de leur technologie. En outre, la frontière entre l'espace aérien et l'espace extra-atmosphérique changerait continuellement au fur et à mesure de l'évolution des techniques.

Une autre approche s’appelle "théorie biologique" qui découle de l'idée que l'espace aérien constitue la couche de l'atmosphère où la vie humaine est possible.276

D’autres méthodes de délimitation se basent sur les effets gravitationnels de la Terre et proposent de fixer la frontière entre l'espace aérien et l'espace extra- atmosphérique au point où l'attraction terrestre cesse de se faire sentir. Elles procè- dent de la nécessité de sauvegarder la sécurité des Etats et reposent essentiellement sur l'hypothèse que la souveraineté nationale doit s'étendre au-delà des altitudes d'où un objet peut tomber sur la Terre par simple gravité.277

En conclusion de cette analyse des critères utilisés dans l'approche spatiale, nous pouvons dire que malgré les techniques sophistiquées utilisées pour établir physiquement la ligne de démarcation entre l'espace atmosphérique et extra- atmosphérique, celle-ci n'a pas pu être tirée. Cela non parce qu'on n'a pas les moyens pour des mesurations exactes, mais parce que les conditions physiques de ces espaces ne sont pas uniformes partout et elles sont, de plus, sujettes à des changements continus.

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