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LE DROIT CONVENTIONNEL DE L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE ET DES TELECOMMUNICATIONS SPATIALES

2. Les trois conventions d’application

2.4. La notion d’« Etat de lancement »

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention sur la responsabilité et de la Convention sur l’immatriculation d’objets lancés dans l’espace, les activités spatiales ont évolué, de nouvelles technologies ont été mises au point, le nombre d’Etats ainsi que celui d’entités privées ayant des activités spatiales a continuellement augmenté. Dans ces deux Conventions et dans la réglementation des activités spatiales en général, une notion fondamentale est celle d’ « Etat de lancement ». Elle est fondée sur l’art. VII du Traité sur l’espace377 et a été formulée de façon identique dans la Convention sur la responsabilité378 et dans la Convention sur l’immatriculation.379

Avec le temps, cette notion a commencé à ne plus être adaptée aux nouvelles réalités. C’est surtout l’activité de lancement de la société Sea Launch,380 établie en 1995 et entièrement opérationnelle depuis l’an 2000, qui a commencé à défier la validité de cette notion, et cela pour plusieurs raisons :

o Parce qu’il s’agit d’une entreprise privée composée de sociétés privées de plusieurs Etats ;381

o parce que le siège principal de Sea Launch était d’abord aux Iles Cayman, un territoire d’Outre-Mer du Royaume-Uni, puis transféré à Long Beach aux USA ; et

o parce que les fusées sont lancées à partir d’une plateforme de forage désactivée et située en haute mer.

377

« Tout Etat partie au Traité qui procède ou fait procéder au lancement d’un objet dans l’espace … et tout Etat partie dont le territoire ou les installations servent au lancement d’un objet, est responsable du point de vue international des dommages causés par ledit objet ou par ses éléments constitutifs, sur la terre, dans l’atmosphère ou dans l’espace extra-atmosphérique …. à un autre Etat partie au Traité ou aux personnes physiques ou morales qui relèvent de cet autre Etat. »

378

Art. I(c) : «L’expression ‘Etat de lancement’ désigne : i) Un Etat qui procède ou fait procéder au lancement d’un objet spatial ; ii) Un Etat dont le territoire ou les installations servent au lancement d’un objet spatial ; » 379 Art. I(a) 380 www.sea-launch.com 381

Notamment des Etats-Unis d’Amérique, de Russie, d’Ukraine et de Norvège.

Face à cette nouvelle situation, la question de la notion d’Etat de lancement a été rapidement prise en compte par le CUPEEA, à la différence d’autres questions importantes comme celle des débris spatiaux qui attendent depuis des années à être traitées au sein de cet organisme.382 Au sein du Sous-Comité juridique fut créé un Groupe de travail pour examiner la question.383 Le sujet fut également mis à l’ordre du jour du Sous-Comité Scientifique et Technique qui a pu fournir des informations importantes sur les nouveaux systèmes et opérations de lancement aux membres Sous-Comité juridique.

Dans ses conclusions, le Groupe de travail chargé de l’examen du concept d’Etat de lancement, a recommandé que « les Etats qui se livrent à des activités spatiales envisagent des mesures pour mettre en œuvre une législation nationale afin d’autoriser et de surveiller de façon continue les activités de leurs nationaux dans l’espace et s’acquittent des obligations internationales que leur font la Convention sur la responsabilité et la Convention sur l’immatriculation et d’autres accords internationaux ».384 Le Groupe de travail a aussi fait observer que ces Etats gagneraient à le faire, « puisque cette législation :

o Assurerait leur juridiction et leur contrôle sur l’objet spatial ;

o réduirait le risque d’accident au moment du lancement et d’autres dommages associés aux activités spatiales ;

o assurerait le versement rapide d’indemnités en cas de dommages de ce type ; o doterait l’Etat, responsable au plan international aux termes de la Convention sur

la responsabilité, de dispositifs lui permettant de percevoir des indemnités d’entités non gouvernementales ayant causé le dommage ».385

En outre, le Groupe de travail a recommandé, comme il est d’usage, que « les Etats

382

Schrogl, Kai-Uwe, Davies, Charles, « A New Look at the ‘Launching State’ – The Results of the UNCOPUOS Legal Subcommittee Working Group ‘Review of the Concept of the ‘Launching State’ 2000-2002’», Proceedings of the 45th Colloquium on Outer Space, 2002, pp. 286-301.

383

Le Groupe de travail a été présidé par l’Allemand Kai-Uwe Schrogl. 384

Conclusions du Groupe de travail chargé du point 9 de l’ordre du jour, intitulé « Examen du concept d’ « Etat de lancement », para. 10, comme contenu dans le Rapport du Sous-Comité juridique à sa 41e session tenue à Vienne du 2 au 12 avril 2002, doc. NU A/AC.105/787 du 19 avril 2002, annexe IV, appendice.

385 Ibid.

envisagent de conclure des accords, conformément au paragraphe 2 de l’article V de la Convention sur la responsabilité,386 pour chaque stade d’une mission lorsqu’il s’agit de lancements effectués en commun ou de programmes de coopération ».387 En troisième lieu, le Groupe a recommandé que « les Etats envisagent d’harmoniser librement leurs pratiques, lesquelles feraient utilement office de directives pratiques à l’intention des organes nationaux chargés de l’application des traités des Nations Unies relatifs à l’espace ».388

Selon le Groupe, la conclusion d’accords ou la définition informelle de pratiques visant à rationaliser les diverses procédures d’octroi de licences qu’appliquent les différents Etats participant à un lancement pourrait, pour les entreprises privées, réduire le coût des polices d’assurance et le poids de la réglementation, et, pour les organismes publics, le coût de la réglementation. Ainsi, il pourrait être fort utile de déterminer s’il est possible de réduire le nombre de pays qui contractent chacun une assurance de responsabilité civile pour un même lancement ou stade de lancement. Les Etats pourraient aussi envisager de consentir librement à harmoniser leurs pratiques en matière de transfert de la propriété d’un objet spatial pendant que celui- ci est en orbite. D’une manière générale, de telles pratiques consolideraient la cohérence et le caractère prévisible des législations nationales et contribueraient à éviter une application lacunaire des traités. Le Groupe de travail a noté que l’harmonisation librement consentie des pratiques pourrait être envisagée sur le plan bilatéral ou multilatéral, voire mondial par l’intermédiaire des Nations Unies.389

A sa 71ème séance plénière, le 10 décembre 2004, l’Assemblée générale des Nations, dans sa Résolution 59/115, intitulée "Application de la notion d’ « Etat de lancement »", a pris les recommandations faites par le CUPEEA, son Sous-Comité juridique et le Groupe de travail. 390

386

Art. V, para. 2 : « Les participants au lancement en commun peuvent conclure des accords relatifs à la répartition entre eux de la charge financière pour laquelle ils sont solidairement responsables. »

387

Conclusions du Groupe de travail, op. cit., para. 14. 388

Ibid., para. 18. 389

Conclusions du Groupe de travail, op. cit. 390

Doc. NU A/RES/59/115.

3. L’Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes (ci-après : "Accord sur la Lune"), ouvert à la signature le 18 décembre 1979. L’Accord a eu de la peine à recueillir des adhésions car sa portée est bien plus contraignante que celle du Traité de 1967, et c’est seulement grâce au fait qu’il ne fallait que cinq adhésions qu’il a pu finalement entrer en vigueur presque cinq années plus tard, le 11 juillet 1984. Les Etats les plus actifs dans le milieu spatial, tels que les Etats-Unis, la Russie, la France et d’autres, n’ont toujours pas ratifié ce traité.

L’Accord sur la Lune introduit dans le régime de l'utilisation des ressources des corps célestes une dimension nouvelle, inspirée par la philosophie du Nouvel Ordre Economique International, mais que les grandes puissances spatiales considèrent prématurée de faire entrer dans le droit positif de l'espace.

Plusieurs principes énoncés dans les traités précédents ont été repris et réaffirmés, en soulignant le fait que l’utilisation doit être exclusivement à des fins pacifiques.391 Il n’est toutefois pas interdit d’utiliser du personnel militaire à des fins de recherche scientifique.392

Dans l’Accord sur la Lune, les pays en voie de développement ont réussi à faire entendre leur voix en demandant l'établissement d'un régime international d'exploitation des ressources de la Lune et des corps célestes, y compris des procédures appropriées, régissant l’exploitation des ressources naturelles de la Lune, lorsque cette exploitation sera sur le point de devenir possible,393 prévoyant la répartition équitable entre tous les Etats Parties des avantages résultant de ces ressources, avec une attention spéciale pour les intérêts et les besoins des pays en développement.394

Beaucoup de débats et de controverses ont été suscités par les expressions « apanage de l’humanité tout entière »395 et « patrimoine commun de l’humanité »396.

391

Accord sur la Lune, art.3, al. 1. 392

Ibid., art. 3., al. 4. 393

Ibid., art. 11, al. 5. 394

Ibid., art. 11, al. 7(d). 395

Les deux expressions, qui tendent au même but, c’est-à-dire la poursuite des activités spatiales pour le bien-être et dans l’intérêt de tous les pays, devaient introduire un élément de solidarité dans le droit international de l’espace. Avec la libéralisation et la privatisation des activités spatiales, ces concepts ont été affaiblis, surtout dans leur aspect économique.397 Jusqu’à présent, l’Accord n’a pas eu d’incidence sur les télécommunications par satellite.

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