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Introduction Partie 1 :

2.3. Le processus d’écologisation de l’agriculture : une approche configurationnelle de la sociologie des problèmes publics

2.3.2. Sociologies des problèmes publics

Depuis quelques décennies, la faible présence de l’arbre sur l’espace agraire est ressentie comme un problème public. Comment ce renversement de normes s’est produit depuis les politiques de remembrement, et qui l’a impulsé ?

C’est avec le déploiement de l’État-providence que la question des problèmes sociaux devient un sujet de discussion dans le champ sociologique aux États-Unis. Dans une visée fonctionnaliste et positiviste, cette sociologie se désignait comme la discipline du traitement de la question sociale, dont l’ingénierie avait pour objectif d’accompagner la conception et l’évaluation des politiques publiques dans une visée modernisatrice de la société.

« Le sociologue est un ingénieur social redoublé d'un médecin social : il définit quelles sont les conditions normales ou optimales de fonctionnement de la société, et propose par référence à ce modèle contre-factuel un diagnostic des dysfonctions indésirables et évitables, élabore un programme des améliorations possibles et prescrit une ordonnance des remèdes souhaitables. » (Cefaï D. 1996, 45)

La vision positiviste des problèmes sociaux proposée par Parsons interprétait les problèmes publics comme des faits strictement objectifs dont on pouvait, avec une approche séquentielle, faire le diagnostic des causes et développer des dispositifs évaluables de résolution de ces problèmes (Hassenteufel, 2008).

Une autre thèse s’est construite en contradiction avec ces premières acceptions déterministes de la vie sociale. En effet, Fuller et Myers proposent en 1941 un angle de vue cher à l’école de Chicago, qui postule que l’analyse sociologique d'un problème public se fait à travers

73 l’expérience des acteurs et par la définition située qu’ils vont ou non faire du problème. Les faits objectifs ne suffisent pas à la formulation d’un problème public.

« Si les membres d'une société n'énoncent pas de jugements de valeur sur une situation qui leur semble insupportable ou indésirable, alors il n'y a pas de problème social » (Fuller R. et al,

1941, 25, cité par Cefaï 1996 p46)

Fuller et Myers montrent que les faits objectifs, dans la désignation d’un problème, peuvent être affectés par des jugements de valeur. L’« interactionnisme symbolique » 34 de l’Ecole de

Chicago s’emploie dans les années 1960 avec H. Becker, A. Strauss et H. Blumer, à déconstruire les sociologies de Merton et Parsons. En effet, selon Becker (1985 [1963]), la déviance est non seulement le fruit de la transgression d’une norme partagée, mais elle nait aussi de l’impulsion normative des groupes sociaux qui « instituent des normes dont la

transgression constitue la déviance » (Becker H.S. 1966, p32).

Cette stigmatisation n’est pas un phénomène social objectivé par des statistiques, elle est en revanche le produit d’un étiquetage initié par des acteurs collectifs dans un processus politique et moral. La déviance est tout simplement une qualification appliquée aux pratiques qui transgressent et déstabilisent les normes établies par des « entrepreneurs de morale » (Becker H.S. 1966). Ce nouveau regard sur les problèmes sociaux n’invalide pas pour autant la question de la réalité des problèmes sociaux ni le débat éthique des valeurs qu’ils sous-tendent. La question centrale de la classification des problèmes par ordre d’urgence sociale reste posée, ainsi que le fait que de nombreux problèmes sont passés sous silence, ignorés des politiques et non conscientisés par l'opinion publique. Simplement pour H. Blumer :

« Attribuer l'existence des problèmes sociaux à des crises structurelles présumées, à des perturbations de l'équilibre social, à des dysfonctionnements, à la détérioration des normes ou des valeurs sociales, ou encore à une déviance par rapport à la conformité sociale revient à transférer sans le savoir à une structure sociale supposée ce qui appartient à un processus de définition collective. » (Blumer H. 2004, 199).

Les dimensions linéaire et séquentielle de l’analyse fonctionnaliste sont interrogées. En effet, elles impliquent une nette différenciation des étapes car leurs successions n’étaient pas envisagées dans une logique dynamique de chevauchement. Or, les problèmes publics et plus encore les politiques sont souvent enchevêtrés, leurs contours sont flous et les objectifs parfois multiples et contradictoires (Hassenteufel, 2008). Il y a certes une dimension chronologique avec des séquences qui aident à la compréhension, cependant elles ne sont pas à enfermer dans une linéarité, puisqu’elles sont ponctuées de moments de stagnation et souvent de retour en arrière.

34 « Herbert Blumer invente et utilise pour la première fois l'expression « interactionnisme symbolique » en 1937.

Il renvoie le sens général de cette expression aux travaux de G.H. Mead, philosophe pragmatiste de Chicago connu par le biais d'E. Farris. L'interactionnisme symbolique repose principalement sur trois propositions : 1) l'être humain agit sur les choses à partir des significations que ces choses ont pour lui ; 2) le sens de ces choses dérive de l'interaction sociale qu'il a avec elles ; 3) ces significations se modifient à travers un processus d'interprétation développé entre pairs. » (Blumer H. 1969, liv. cité par Laurent Rio in Blumer H. 2004 p 187)

74 Le texte d'Herbert Blumer que nous venons de citer est contemporain du développement du constructivisme aux États-Unis dans les années 1970. Ce courant sociologique privilégie l'étude des processus de définition publique des problèmes sociaux et l'étude des catégories d'action et des types de ressources destinées à traiter ces problèmes. La conception constructiviste des problèmes sociaux remplace progressivement le fonctionnalisme. Becker, Gusfield, et particulièrement Blumer développent comme objet central de l’analyse le processus de définition collective du problème :

« Ce processus est selon moi à l'origine de l'émergence des problèmes sociaux, de la manière dont ces problèmes sont vus, considérés et abordés, des plans d'action officiels qui sont envisagés pour les traiter, et, enfin, des changements induits par l'application de ces plans d'action. » (Blumer H. 2004, 193)

C'est principalement aux États-Unis que ce type d'analyse s'est constitué, avec en particulier le succès éditorial en 1977 de « Constructing Social Problems » de Spector et Kitsuse (Spector M. et Kitsuse J. 2009). Si Blumer travaillait depuis les années 1930 dans cette perspective analytique, c'est M. Spector, en tant qu'éditeur de la revue « Social Problems », principale tribune de cette sociologie, qui commande en 1971 à H. Blumer un texte sur les problèmes sociaux (Blumer H. 2004, préface de Roi L. p186). Hilgartner et Bosk (Hilgartner S. et al. 1988) seront des auteurs contributeurs de la construction des problèmes publics dans le monde anglophone. En France, l’approche proposée par Daniel Cefaï en collaboration avec Trom (Céfaï D. et al, 2001) ou encore avec Terzi (Cefaï D. et al 2012), fait le lien avec la notion de configuration.

Nous mobiliserons ces travaux pour définir cette notion de « problème public » qui se distingue de « problème social ». Notre démarche n’est pas ici exhaustive, nous détaillerons seulement les analyses susceptibles d’éclairer notre cheminement théorique sur l’association plus étroite d’une sociologie par configuration avec celle des problèmes publics.

Nous l’avons évoqué brièvement avec Blumer, la difficulté de cette sociologie est de cerner les processus qui vont mettre sur à l’attention publique quelques rares problèmes. L’image orbitale est d’ailleurs faillible, car si elle illustre l’effet de sélectivité, elle ne rend pas compte de la temporalité qui anime ce jeu. Si l’on prend par exemple le chômage qui est l’un des problèmes publics les plus durables et unanime en France, il n’en demeure pas moins que depuis quelques mois d’autres questions comme le « pouvoir d’achat » ou celles liées à la citoyenneté sont en passe de le détrôner. Il semblerait que l’actuel mouvement social des « gilets jaunes » ait eu un effet sur ce changement de focus.

Sur la ligne de départ, les problèmes sont inégaux, d’une part parce que certains ont des décennies d’antériorité ou sont mis à l’agenda politique par un canal précis comme cela pouvait être le cas en agriculture avec la cogestion35. Que penser par exemple des décennies passées

pour que les changements climatiques parviennent aux agendas politiques et probablement de

75 la décennie qui va encore s’écouler pour que l’action publique devienne réellement active ; cela malgré l’urgence décrite dans les forums scientifiques ?

Selon Spector et Kitsuse (Spector M. et al., 2009), un problème peut émerger sans que ses caractéristiques ne soient objectivées, puisque ce processus est collectif et subjectif. En ce sens

« un problème public peut donc être défini comme un écart réel ou supposé entre deux situations dont l’une cause un préjudice à un groupe social donné. » (Deuffic P. 2012, 23).

L’analyse historique de l’arbre comme objet socio-naturel montre que les structures arborées cristallisent des enjeux sociaux longtemps déterminants (énergie, fertilité des sols, productivité…), un temps délaissés dans l’histoire récente de la modernisation agricole, pour se reconstituer aujourd’hui en tant que problème public. Alors, comment distinguer un problème public d’un problème social ? À l’origine de cette approche sociologique aux Etats- Unis, il semble que les termes « problèmes sociaux » et « problème public » s’employaient indistinctement. La définition des problèmes publics proposée par Erik Neveu (Neveu E. 1999, 42) introduit une caractéristique générale intéressante : « un problème public n’est rien d’autre

que la transformation d’un fait social en enjeu de débat public et/ou d’intervention étatique. »

(Neveu E. 1999, 42).

Si la dénomination de « problèmes publics » semble plus appropriée, « c’est parce que les

problèmes publics n'existent et ne s'imposent comme tels, qu'en tant qu'ils sont des enjeux de définition et de maîtrise de situations problématiques, et donc des enjeux de controverses et d'affrontements entre acteurs collectifs dans des arènes publiques » (Cefaï D. 1996, 51‑52).

En effet, un problème devient public lorsque par exemple un « lanceur d’alerte »36 dévoile

publiquement37 des préjudices subis par un groupe social. Nous l’avons formulé dans cette

seconde hypothèse, le dommage peut aussi être considéré depuis l’impact de l’action humaine sur le vivant, pour les droits que nous leur accordons en propre ou par répercussions qui finalement auront des conséquences sociales. Si les dommages sont souvent présents à l’origine d’un problème public, ce que nous souhaitons souligner, c’est l’interdépendance sociale qui s’exprime dans ce jeu normatif de définition des cadrages publics.

Une fois le problème affirmé, on nomme également des responsables devant une institution publique comme l’on porte parfois un dommage devant un tribunal. Cependant, cette désignation semble plus souvent faite devant l'opinion publique prise à témoin. L’intérêt général dans cette mise en cause est alors débattu et donc publicisé avec des contradicteurs. Ce processus peut aboutir éventuellement à des dédommagements, l’émergence d’alternatives, ou de politiques publiques.

Gusfield (Gusfield J. 2009, 5) montre que le problème social des violences faites aux femmes dans le cadre conjugal est devenu une problématique publique depuis la dénonciation

36« Les lanceurs d’alertes sont des personnages ou des groupes non officiels, dotés d’une faible légitimité, ou

provenant de personnes liées à des instances autorisées, mais qui, se dégageant de leur rôle officiel, lancent un avertissement à titre individuel et selon des procédures inhabituelles ».(Chateauraynaud F. et al 1999, 14)

76 d’associations féministes. En effet, ce dernier explique « que toutes les situations qui

apparaissent pénibles dans l’expérience des gens ne deviennent pas des affaires de préoccupation publiques et des cibles d’action publiques » (Gusfield J. 2009, 3). Pour Cefaï

(1996, 42) en revanche, le problème devient public dès lors qu’il est « notoire », « divulgué

devant témoins », ou s’il relève d’une « parcelle d’autorité de l’État ».

Si la détermination de faits objectifs en problèmes publics ne va pas de soi, alors comment appréhender le problème du retrait de l’arbre de l’espace agraire ?

Cefaï nous montre que « les problèmes publics sont l'objet d'enjeu d'opérations de sélection et

organisation, d'argumentation et de dramatisation, qui les hissent à un certain degré de généralité ». (Céfaï, 1996, 44). Un problème émerge à l’attention publique à l’issue d’une

diversité de processus collectifs. Parfois, il est défini par l’initiative d’élus ou de fonctionnaires qui reçoivent le mandat d’étiqueter les pratiques en les qualifiant de déviantes au regard de normes établies, ou à l’inverse, de les reconnaitre d’intérêt général face à un enjeu. Les problèmes publics peuvent aussi être initiés par des collectifs militants porteurs de la cause, de simples citoyens lanceurs d’alertes ou entrepreneurs de morale.

L’enjeu est ainsi de susciter une prise de conscience face à l’écueil de normes établies afin d’objectiver et de sensibiliser à la réalité d’un problème, fut-il imperceptible en matière d’environnement. Les trajectoires de ces groupes d’intérêts peuvent être éphémères tout autant que professionnalisées en adoptant par exemple les codes et standards d’une administration, susceptibles de favoriser une mise à l’agenda politique d’un problème. Lorsque la revendication est précise et catégorielle, la mise en forme du problème est souvent maquillée de tonalités universalistes (Céfaï, 1996). Les défenseurs de causes socio-écologiques, en cadrant par exemple une question sous l’angle de la biodiversité ou des changements climatiques, s’érigent comme les porte-paroles du monde vivant en dessinant un horizon de résilience dans une atmosphère de résignation.

Pour comprendre la compétition qui règne au sein d’ « arènes »38(Badouard R., Mabi C., et

Monnoyer-Smith L. 2016) de débats publics, Hilgartner et Bosk postulent que « l’attention du

public est une ressource rare, dont l’allocation se fait de manière compétitive au sein d’arènes publiques » (Hilgartner S. et al. 1988, 55). En soulignant les mécanismes par lesquels un

problème est narré, ils insistent sur les ressources indispensables pour justifier et populariser un problème, afin de se démarquer de la mêlée dans l’arène publique. Cet angle interactionnel fait une part belle par exemple aux stratégies de récits dramatiques ou encore à l’intérêt de revêtir une crédibilité scientifique pour gagner ses lettres de légitimité et retenir l’attention publique, tout en essayant de survivre dans l’arène.

38 « Un dispositif visant à mettre en relation des locuteurs et des audiences auxquelles ils s’adressent. Quatre

éléments caractérisent généralement une arène : 1. Des conditions régissant l’entrée des locuteurs et ce sur quoi ils peuvent s’exprimer ; 2. Des conditions relatives au mode de confrontation entre locuteurs, ou entre locuteurs et audience ; 3. Des supports d’inscription des discours produits (papier, films, vidéos, supports électroniques, etc.) ; 4. Des conditions d’accès pour les audiences (grand public, membres d’une organisation, spécialistes…) ».

77 Si cette perspective permet d’outiller l’analyse d’un problème public, elle se montre cependant encline aux logiques de la sélection naturelle, qui semble-t-il, fragilise une analyse sous cet angle strict. Il est en effet postulé que cette lutte pour l’adaptation au sein des arènes résorbe naturellement le nombre de problèmes en compétition devant l’attention publique. Il y a ici une forme de sous-estimation du processus de publicisation dans lequel pouvoir public et porteur de la cause constituent le problème à partir d’intérêts et de relations consenties en rapport à cet enjeu.

Le processus de la mise à l’agenda politique d’un problème connait des réversibilités et autres fenêtres de tir, dont on peut relever de nombreuses dynamiques et complexités. L’objet de cette troisième hypothèse sera de montrer qu’y compris dans le secteur agricole où les mises à l’agenda politique sont normées par la cogestion, une mobilisation collective plus marginale peut néanmoins parvenir à déstabiliser ce corporatisme sectoriel en définissant un problème suffisamment nettement pour qu’une action publique s’en saisisse.

Troisième hypothèse (H3)

La configuration agroécologique émergente a favorisé la mise à l’agenda politique du problème public agroforestier. L’expertise des porteurs de la cause est devenue légitime aux yeux des pouvoirs publics pour contribuer à l’élaboration des politiques agroécologiques, ceci à l’image d’autres réseaux de l’agriculture alternative39 auparavant

marginalisés. La reconnaissance de ce pluralisme s’est donc faite au détriment du corporatisme sectoriel dans lequel la FNSEA était en position de cogestion avec le ministère de l’Agriculture pour concevoir et diffuser le modèle agricole conventionnel. Cette redistribution de la « force au jeu » dans la mise en politique des problèmes indique l’évolution du secteur agricole d’une configuration sociale monopolistique (CSM) représenté par la modernisation agricole, à une configuration sociale pluraliste (CSP) qui anime la transition agroécologique actuelle.

Pour Garraud « l’agenda politique est l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement,

sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l’objet d’une ou plusieurs décisions » (Garraud P. 1990, 27).

Cette opération de la mise à l’agenda fut au centre de nombreux travaux sociologiques pour désigner les types d’agenda « systémique » ou « institutionnel », ou en fonctions des arènes pouvant être médiatiques, électorales, institutionnels… (Cobb R. et Elder C. 1972, cité par Hassenteufel P., 2008, p58). Or, notre question centrale est de caractériser les configurations sociales qui ont permis l’inscription de l’arbre en agriculture sur les agendas institutionnels des législateurs. Cela suppose d’appréhender « la grande diversité des modalités de la mise à

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l’agenda afin de rendre compte de la multiplicité des cas de figure que l’on rencontre dans les politiques publiques » (Hassenteufel P. 2008, 51).

Philippe Garraud (Garraud P. 1990, 35‑37) décline cinq modèles articulant chacun cinq variables, dont l’ensemble concours aux processus de mises à l’agenda. Ces variables sont les groupes organisés, la mobilisation de l’opinion, l’offre politique, la médiatisation et enfin les évènements ou circonstances qui impactent l’attention portée au problème. Cette formulation par idéaux types a l’inconvénient de figer des phénomènes qui en réalité sont mixtes et superposés, pouvant intervenir selon différents gradients dans plusieurs configurations sociales. Le premier, modèle de la mobilisation, intervient lorsque l’expression d’un dommage socialement situé rencontre une attention politique. Dans ce modèle, la seule variable qui reste secondaire est celle du rôle des acteurs politiques. Au contraire, dans le second modèle de l’offre politique, le problème public est sélectionné par un parti politique qui fait sienne la cause, par conviction ou pour élargir son électorat. La médiatisation y est donc forte, en revanche les autres variables sont en retrait.

Avec le troisième modèle de la médiatisation, le problème est enquêté, structuré, puis mis en avant par les médias. Ici les médias sont relativement autonomes étant donné les normes du champ médiatique. Pour autant, il n’est pas à exclure que la médiatisation s’inscrive aussi en fonction de son positionnement dans la diffusion de normes établies ou encore dans le simple relai d’un message formaté par un « définisseur primaire » « par sa capacité à définir et

qualifier la situation (il « dit de quoi il s’agit », il produit les « chiffres qui attestent du problème », il impose sa vision de l’intérêt général, etc.) (Hall S. et al. 1978, cité par Deuffic

2012, p32). De ce fait, les groupes organisés n’ont pas nécessairement un rôle déterminant, néanmoins, ils peuvent jouer un rôle en amont dans la définition du problème qui est ensuite relayé par les médias. Les controverses ou évènements vont ici avoir plus d’influence, puisqu’ils vont faire l’objet d’investigations journalistiques.

Les deux derniers modèles de Philippe Garraud sont beaucoup plus silencieux, ils se jouent dans les coulisses. Le quatrième modèle de l'anticipation donne l’initiative au gouvernement parfois sous l’influence des experts de l’administration publique. Le cinquième modèle, celui de l’action corporatiste silencieuse, était historiquement le canal de la mise à l’agenda politique en agriculture avec notamment le rôle déterminant de la FNSEA, bien qu’entrecoupé régulièrement de controverses et de mobilisations. Dans ce modèle, l’initiative appartient effectivement à un groupe organisé qui bénéficie d’un accès privilégié aux autorités publiques. Le huis clos est toujours privilégié en amont de toutes tentatives de médiatisation ou de pressions via des mobilisations.

D’autres auteurs dépassent ces modèles avec notamment la notion d’agenda-building c'est-à- dire d’un processus collectif d’élaboration d’un agenda impliquant une certaine réciprocité entre les médias, les décideurs et le public, les uns n’étant pas seulement les courroies de transmission des autres (Charron J. 1995, cité par Deuffic 2012, p33)

Ainsi, la mise à l’agenda s’opère lorsqu’un problème est reconnu et qu’une solution est formulée dans des arènes en lien avec la communauté des acteurs des politiques publiques. Les

79 « fenêtres d’opportunité politique » se déclinent à l’occasion d’alternance politique et lorsque les contraintes politiques sont contenues, ou au contraire lorsqu’elles sont tellement fortes qu’elles s’imposent à l’agenda des politiques.

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