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Introduction Partie 1 :

2.4. La constitution des problèmes socio-écologiques

3.1.2. Distanciation : le regard synoptique pour contextualiser l’analyse

La diversité des objets d’études de Norbert Elias montre l’adaptabilité et la capacité empirique de l’approche par configuration. Il nous semble, en accord avec Nathalie Heinich (Heinich N. 1997, 116), que la critique de « déficit de démonstration » (Déchaux J.-H. 1995, 311) des configuration sociales, tient plus au style de l’auteur qu’à l’absence de démonstration. Alors, à partir des éléments de compréhension de cette sociologie avancés dans le cadre théorique, nous détaillerons maintenant les déclinaisons démonstratives et méthodologiques du concept de configuration sociale.

91 D’abord, il nous semble que l’intérêt premier de ce concept – et l’article de Déchaux est intéressant à cet égard – est que la configuration ouvre un positionnement sociologique qui met en perspective aussi bien les déterminismes sociaux que la rationalité de l’acteur. Elias prend en effet ses distances avec les lectures consistant à « isoler d'abord chacune des composantes

et, le cas échéant, chacun des facteurs ou variables qui influencent le comportement d'une (...) unité complexe » (Lahire B. 1993a, 38). C’est pourquoi, il propose la démarche synthétique (ou synoptique). Elle est parfois jugée spéculative mais elle décline les interrelations complexes, à l’inverse des lectures « systématiquement analytiques et atomistiques » (Lahire B. 1993b, 675). Elias critique en effet la contamination des méthodes des sciences sociales par celles des sciences physico-chimiques. Ces dernières établissent des lois entre des unités indépendantes, qui ont une existence propre (molécule). Or, ce raisonnement est inadapté aux sciences sociales, où les unités constitutives, comme en biologie, n’ont pas d’existence autonome, leur structure interne évoluant en fonction du contexte dont elles dépendent.

Pourtant les sciences sociales ont pris cette voie qui consiste à analyser des phénomènes en les séparant de leurs configurations. Ainsi, ces derniers « sont abordés comme s'ils étaient capables

de conserver leurs particularités distinctives lorsqu'on les examine isolément et indépendamment de tout autre contexte » (Lahire B. 1993a, 38). Si Elias ne rejette pas la démarche analytique, il propose par la lecture de l’interdépendance un modèle d’analyse qui tient compte de « la manière dont (les) parties sont jointes et accordées ensemble, bref

organisées et intégrées » (Lahire B. 1993a, 38). Il souligne donc l'importance de la saisie synthétique de contextes caractérisés par des combinaisons spécifiques.

Pour développer cette question du potentiel démonstratif de la configuration sociale, on s’appuiera sur les précisions méthodologiques de l’ouvrage dédié aux « Logiques de

l’exclusion » (Elias N. et Scotson J.L. 1997). Dans cette enquête sur une banlieue à la fin des années 1950 en Angleterre, la première considération de méthode porte sur le recours aux techniques quantitatives dans une perspective « configurationnelle ». Renseigner la morphologie sociale (revenus, classes d’âge, taux de chômage…) s’avère nécessaire, mais cela ne suffit pas pour expliquer la manière dont les habitants des trois zones se perçoivent : « On

ne pouvait les expliquer au moyen de procédures fondées sur le postulat implicite que les phénomènes sociaux sont des combinaisons de variables comparables aux combinaisons de particules atomiques (…) » (Elias N. et Scotson J.L. 1997, 74‑75).

En effet, développer un questionnement qui prend en considération l’intégration des acteurs dans les configurations sociales au sein desquelles se constituent leurs jugements suppose le recours à d’autres types d’enquêtes que celles du questionnaire ou du seul entretien individuel. Il est donc pertinent de combiner les techniques d’enquête sur le terrain. L’observation participante, inscrite dans la durée, permet de mieux percevoir sur quelles configurations sociales reposent les représentations collectives, qu’entretiens et questionnaires permettent de repérer. Isolément, chacune de ces techniques est orpheline, le quantitatif comme l’entretien semi-directif donnent le sentiment « que les attitudes et croyances individuelles, exprimées par

des personnes indépendamment, se soient formées comme dans le calme d’une tour d’ivoire, et ne soient entrées en contact avec celles des autres que dans un second temps » (Elias N. et

92 Scotson J.L. 1997, 75). De son côté, l’observation seule ne permettrait pas d’approfondir et d’étayer les hypothèses. L’enjeu de cette approche par configuration sociale est de comprendre la façon dont se constituent, se transmettent et se perpétuent les normes et les valeurs au sein du monde agricole que nous étudions : « Les normes (…) étaient le résultat d’un échange

continu d’opinions au sein de la communauté, les individus faisant peser les uns sur les autres de multiples pressions afin que chacun se conformât, dans ses paroles et sa conduite, à l’image commune de la collectivité » (Elias N. et Scotson J.L. 1997, 76).

Il s’agit ainsi, pour nous, d’apprendre à observer les tendances générales des configurations sociales, dans un regard que les auteurs qualifient de « synoptique » sur la situation à analyser. Plus simplement, il s’agit « d’apprendre à observer et conceptualiser de manière systématique

comment les individus font bloc » (Elias N. et Scotson J.L. 1997, 79) dans des phases

d’expression aiguë de l’interdépendance, dont les caractéristiques peuvent être conflictuelles ou de coopérations. En effet, la cohésion des groupes ou leur déchirement est souvent fondée sur des valeurs, comme l’envisage également Becker : « Les normes sont dérivées des valeurs

qui jouent ainsi le rôle de principes ultimes. Les groupes particularisent et précisent les valeurs sous forme de normes dans les situations problématiques de leur existence. » (Becker 1985,

154‑55).

Heinich définit quant à elle les valeurs comme des « principes au nom desquels sont produites

des évaluations » (Heinich N. 2006, 288). Elle s’inspire d’Elias pour fonder son programme de « sociologie descriptive et pragmatique des valeurs » : « Les valeurs sont présentes trois fois : tout d’abord, elles existent avant la situation d’évaluation (c’est la dimension structurale, déterministe, de l’expérience commune) ; ensuite, elles s’élaborent dans la situation, en s’exerçant concrètement sur tel ou tel objet, avec une efficacité variable (c’est la dimension pragmatique et interactionniste) ; et enfin, elles se construisent après la situation d’évaluation, grâce à leur mise à l’épreuve au contact des objets et dans l’influence des contextes, de sorte qu’elles se modulent, s’affinent, s’affirment ou au contraire se périment, entraînant une l’élaboration permanente du répertoire dont disposent les acteurs. » (Heinich N. 2006, 314)

Cette programmation continue des valeurs, définie par Nathalie Heinich, est aussi pertinente que surprenante dans le sens où cette analyse semble décomposer le processus de configuration, alors même que l’auteur a souligné l’incapacité des approches sociohistorique et synoptique de la sociologie configurationnelle, à saisir le « rapport effectif aux valeurs » (Heinich N. 2006). Formulé autrement, la critique vis-à-vis du concept de configuration est la suivante : ce dernier ne permettrait pas d’identifier précisément (échelle micro) les médiations sociales, socio- naturelles et matérielles par lesquelles les normes et valeurs se diffusent et se transforment, ni les rapports effectifs et pluriels (appropriation, résistance, mise à distance…) des acteurs sociaux envers elles. Or, nous avons évoqué plus haut qu’Elias comme Becker s’accordent sur le fait que les valeurs sont mises en visibilité dans les situations de problèmes pour Becker, conflits ou coopérations pour Elias, en d’autres termes lors de ces moments de mise en tension lors desquels les groupes font bloc ou se déchirent. Il y a là, selon nous, un moyen pour le sociologue d’appréhender précisément les valeurs et par conséquent une forme de méthode pour appréhender les logiques d’action au sein des configurations sociales.

93 À partir de cette réflexion sur l’opérationnalisation d’une sociologie configurationnelle, il s’agit maintenant de mettre la notion au travail en l’associant à la sociologie politique des problèmes publics (Hassenteufel P. 2011a), (Neveu E. 2015a), Grossman E. et al 2012. Nous proposons, une lecture des problèmes publics, ici socio-écologiques, en trois étapes : « Préfiguration »,

« Configuration » et « reconfiguration ».

La préfiguration du problème socio écologique correspond aux déterminismes, systèmes de valeurs et de normes établies qui influe sur l’interdépendance sociale. C’est l’inadaptation de ces catégories qui peut entrainer chez l’acteur une dissonance cognitive, ressentie à travers une sensation de malaise ou de trouble. La préfiguration est l'émergence de discours ou pratiques qui, à partir d’une situation problématique, fixent des ressentiments en désignant des protagonistes. Elle engage le problème en émettant un cadrage encore relativement brut de ce problème sur des scènes publiques. Nous verrons (Chapitre 4) que la préfiguration de l’agroforesterie prend sa source dans les plaintes de paysans lors des réunions publiques relatives aux remembrements, renforcées par des manifestations locales d’opposition à cette politique. La préfiguration est une base sur laquelle se greffe le processus de publicisation qui constitue le problème socio écologique.

La configuration met en scène le problème sur une arène publique. La règle de l’unité de temps et d’action est employée par l’émetteur pour produire une convergence des effets sur le récepteur. Représenter un tel problème ne consiste pas à servir pêle-mêle les faits à un auditoire, mais à opérer un choix narratif ; celui-ci n’est pas un calque de la réalité, mais un travail de cadrage et de justification qui consiste à ce que le problème incarne une valeur commune, afin de lui donner l’illusion de la réalité. Ceci en écho à la célèbre formule de Maupassant « Les

Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes ».(Maupassant G. 1888,

préface). Nous montrerons (Chapitre 6) que les premières initiatives de configuration du problème public agroforestier se sont déroulées sur des scènes scientifiques et à l’échelle européenne avec l’agroforesterie intraparcellaire. Ces opérations dessinent les formes et les intrigues du problème, mais elles connaissent des transformations lorsqu’elles interagissent avec l’acteur-récepteur.

La reconfiguration du problème prend donc en compte les effets opérés par la représentation des interdépendances socio écologiques sur l’acteur récepteur. La vraisemblance du problème participe à la persuasion de l’acteur récepteur, mais ce qui fait d’une certaine manière son objectivité ou son réalisme, c’est moins la vérité des faits avancés que la reconnaissance d’une légitimité, issue de la subjectivité du récepteur (Chapitre 7). Si l’intégration de l’agroforesterie au « Projet agroécologique pour la France » (PAEF) atteste du « sérieux » des revendications, les porteurs de la cause ont été contraints de se repositionner avec stratégie dans le cadrage reconfiguré de l’agroforesterie institutionnalisée par l’agroécologie. Le cadrage « bocager » du problème et le cadrage intraparcellaire ont ainsi été réunis dans une définition générale de l’agroforesterie. La reconfiguration des interdépendances socio écologiques, au-delà de la mise en scène du problème, procède d’une normalisation issue des relations entre émetteur et récepteur. Il s’agit d’une montée en généralité qui s'abstrait de l'expérience ordinaire des acteurs.

94 Pour appliquer cette grille de lecture configurationnelle, nous avons combiné perspectives et techniques d’enquête. L’approche sociohistorique et l’observation participante inscrite dans la durée permettent de mieux percevoir les tensions et coopérations qui animent les configurations sociales. Avec le regard synoptique, il s’agit d’observer les tendances générales des configurations sociales pour analyser les normes et valeurs qui les structurent. L’objectif de cette démarche est aussi de sélectionner les enjeux principaux des configurations sociales qui seront pertinents pour l’analyse. En effet, face à la complexité de la réalité sociale, la sociologie ne peut se contenter de lister l’ensemble des variables significatives pour analyser un phénomène. Autrement dit, la seule démarche analytique (Elias N. et Scotson J.L. 1997) ne suffit pas. Sans le point de vue général, les variables à prendre en compte prolifèrent à mesure que le regard s’affine sur l’objet. Norbert Elias combine donc les points de vue, synoptique et analytique pour problématiser ses objets d’études.

L’enjeu méthodologique pour ces travaux empiriques, est bien de dégager des « modèles de

configurations » (Elias N. et Scotson J.L. 1997, 80) montrant « comment les individus font bloc, comment et pourquoi ils forment ensemble cette configuration particulière, ou comment et pourquoi les configurations ainsi formées changent et, dans certains cas, se développent »

(Elias N. et Scotson J.L. 1997, 79‑80).

Pour illustrer ce regard synthétique et général du problème public agroforestier, nous proposons ici la description schématique des configurations sociales caractéristiques de transformations de l’agriculture française qui ont une influence sur la transformation des cadrages de l’arbre en agriculture. Les quatre configurations sociales, numérotés de (1) à (4) sur la figure ci-dessous, seront analysées lors des chapitres de la seconde partie de la thèse qui met en lumière la constitution du problème public agroforestier. Dans chacune de ces configurations, nous synthétiserons les enjeux majeurs face auxquels les acteurs forment un bloc.

Pour cette approche synoptique, nous croiserons la variable du degré d’inclusion de l’arbre au système productif, avec celle de l’interdépendance sociale entre les acteurs ayant une « force au jeu » agricole. Notre démarche sera centrée sur les groupes socio-professionnels majeurs (Organisations professionnelles agricoles (OPA), Ministère de l’agriculture, associations) impliqués dans l’élaboration des politiques agricoles, ainsi que sur trois métiers du développement agricole : l’agriculteur, le conseiller et l’agronome. Cette analyse a vocation à comprendre le lien entre le degré d’interdépendance sociale de ce secteur d’activité et l’évolution des cadrages de l’arbre en agriculture.

En effet, pour appréhender les trajectoires de l’arbre en agriculture depuis les années 1960, il est nécessaire de décrire l’emboîtement des configurations sociales (CS) caractéristiques de transformations majeures de l’agriculture française : « modernisation agricole » (Mendras H. 1967), « agriculture spécialisée » (Pétry 1974), « agriculture multifonctionnelle » (Laurent 2001, 25) et « agro-écologie » (Deverre, et al., 2014). Leurs définitions s’appuient sur la manière dont un secteur d’activité assimile les transformations globales de la société lorsque les politiques publiques tentent de se réformer, pour répondre au décalage entre les normes instituées et les réalités vécues par les acteurs. La disposition des CS n’est pas linéaire afin de souligner leur chevauchement au cours du temps. Ces dernières ont une influence sur la

95 constitution du problème public agroforestier, puisque chacune est structurée par une organisation sociopolitique spécifique et reflète parallèlement une représentation de l’arbre en agriculture. En conséquence, cette lecture diachronique de la superposition des CS agricoles caractérise le degré d’interdépendance sociale entre les métiers et les organisations du secteur. Elle informe aussi sur le degré d’association de l’arbre au système productif.

Figure 1 : Cadrage de l’arbre en agriculture selon les configurations agricoles. (Source : Auteur)

Ces configurations sociales sont donc positionnées en abscisse sur l’axe du degré d’inclusion de l’arbre au système productif48 et en ordonnée le degré d’interdépendance sociale du secteur

d’activité. Chacune est alimentée par un cadre interprétatif dominant de l’arbre en agriculture. Ils sont représentés par des flèches horizontales. Elles sont également influencées selon les formes organisationnelles de la profession, significatives depuis les années 1960, caractérisées par les idéaux types suivants : « corporatisme sectoriel » (Muller P. 2000, 35) et « gouvernance

multilatérale » (Petrella et Richez-Battesti 2012, sect. 8).

Une configuration sociale, nous l’avons présentée, est avant tout un équilibre de tensions qui n'englobe pas nécessairement l'ensemble des acteurs et des institutions présentes à un moment donné et laisse la possibilité que des configurations différentes puissent coexister, se superposer ou encore s’alimenter. Tout l’enjeu de ce regard synoptique est donc de parvenir à identifier les valeurs et normes qui font évoluer l’organisation socio-professionnelle et politique de l’agriculture, interdépendance sociale qui transforme les cadrages de notre objet.

48 Il peut être mesuré par le temps de travail consacré aux arbres, ainsi que par le revenu ou les économies

permis par la récolte (bois d’œuvre, combustible…) ou la présence des arbres (effets agronomiques et lutte biologique intégrée).

96 Notre démarche sociohistorique nous a permis de circonscrire l’échelle temporelle pertinente pour l’analyse de notre sujet. La politique de remembrement initiée par la modernisation agricole est lue comme une rupture historique quant à la place des arbres en agriculture. A partir de cette rupture, quatre configurations sociales sont repérées. Elles témoignent du processus normatif qui traverse l’agriculture. La difficulté avec ce type d’analyse processuelle est qu’il faut d’un côté inscrire ces configurations sociales sur une échelle chronologique, tout en rendant perceptible l’influence toujours actuelle d’une configuration révolue. Notre analyse est donc inscrite dans la chronologie des configurations sociales caractéristiques de l’agriculture française, car elles donnent une tendance générale de la perception de l’arbre et des modes organisationnels de l’agriculture selon les périodes. Ceci, tout en soulignant que des cadrages alternatifs initient des transformations dont le rythme semble dépendre des caractéristiques de la configuration sociale.

L’enjeu de l’analyse empirique sera de mettre en évidence les superpositions et dilutions des normes et valeurs de la configuration 1 sur les suivantes. Par exemple, dans la configuration agro-écologique émergeante, il est indéniable que les valeurs de progrès associées à la modernisation agricole, comme la mécanisation et l’automatisation des tâches ou encore les normes du « propre »49 dont celles liées aux grands parcellaires remembrés, sont en passe

seulement d’être remises en cause par les agriculteurs. Par exemple, pour le piquetage et le travail du sol qui préparent la plantation des arbres, de nombreux agroforestiers utilisent l’efficacité d’un tracteur équipé d’un GPS pour que les lignes d’arbres soient parfaitement parallèles. Ainsi, les configurations sociales se succèdent, mais les valeurs qui leurs donnent une réalité coexistent dans des proportions fluctuantes.

De fait, un problème public doit, nous semble-t-il, être abordé par le synopsis qui relate l’intrigue selon un déroulement chronologique qui met en scène les acteurs principaux et la transformation des enjeux. Le synopsis permet de déterminer les configurations sociales significatives de l’agriculture française dans le pas de temps déterminé grâce à l’approche sociohistorique. Une fois ces points d’appui déterminés, le traitement analytique du problème est réalisé en posant cette série de questions opérationnelles :

 Qui fait bloc sur la question de l’arbre champêtre ?

 Qu’est-ce qui fonde cette mobilisation ?

 Qui coopère ?

 Y a-t-il confrontation ?

 Comment, quand et où les actions des acteurs mobilisés sont mises en œuvre ?

 Quels sont les droits que les acteurs avancent, les intérêts qu’ils portent

 Quelles sont conséquences des mobilisations ?

Ainsi, le regard synoptique permet de ne pas enfermer l’analyse des situations empiriques dans l’effet de position d’une microsociologie. L’analyse des configurations permet de ne pas se

97 limiter à l’analyse conversationnelle, ni même à celle de la situation immédiate. Nos matériaux issus des entretiens semi-directifs et nos analyses des observations participantes seront donc contextualisés à plus grande échelle (nationale, voire internationale) et mis en perspective sociohistorique (Chapitre 1). En variant les méthodes d’enquête, l’observation des acteurs et des objets est inscrite dans plusieurs cours d’action :

« Pour être en mesure de décrire ce qui s’impose aux personnes dès lors où celles-ci doivent traverser des scènes successives, il convient, d’un point de vue méthodologique, de suivre des personnes singulières. D’où le slogan « suivre les acteurs », qui ne signifie pas tant les suivre dans leurs points de vue (…) mais trouver les méthodes permettant de suivre les contraintes pragmatiques qu’ils rencontrent en agissant. Cette stratégie d’entrée dans l’action ne signifie pas un désintérêt pour les entités agrégées. Mais elle implique d’étudier en tant que tels les procédés d’agrégation (statistiques, monographiques, politiques…) qui permettent de faire parler, penser, ressentir et décider des entités collectives. » (Dodier N. 1993, 68).

C’est par l’attention particulière aux dynamiques de concurrence et de coopération présentes dans les pratiques, ou encore au sein des opérations qui concourent à la définition des problèmes publiques, que les systèmes normatifs seront analysés. L’observation participante permet d’observer les individus qui font bloc, mais elle est aussi une ressource considérable pour l’enquêteur. Elle est un point d’appui qui permet d’enrichir les interactions par rapport à une relation d’enquêté-enquêteur, habituellement décontextualisée. L’enquêteur et la personne interviewée peuvent se saisir de la multiplication des échanges sur un temps long pour détailler un questionnement, ou l’incarner en situation. C’est par exemple la vision d’une haie abattue chez un voisin qui permet à un agriculteur de soulever, avec une charge émotionnelle particulière, la pression normative locale à laquelle les agriculteurs en transition font face. L’observation est un atout par rapport à l’usage exclusif d’entretiens semi-directifs, parce que ces derniers incarnent moins le cours d’action. Par notre positionnement, nous nous appuyons sur les capacités réflexives et les compétences des acteurs sociaux, sans pour autant nous aligner

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