• Aucun résultat trouvé

L’apogée du bocage : un aménagement parcellaire qui organise la fertilité de la polyculture-élevage

Introduction Partie 1 :

1.2. Une révolution agraire vers l’individualisme qui place l’arbre en pilier de la fertilité

1.2.2. L’apogée du bocage : un aménagement parcellaire qui organise la fertilité de la polyculture-élevage

Dans la France paysanne du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, une

seconde révolution agricole voit le jour, celle de la polyculture-élevage. Ce modèle trouve sa source au début du XVIIe siècle, parallèlement aux avancées agronomiques et au redéploiement de la forêt paysanne sur les terres arables et les landes.

Olivier de Serres (1539-1619) figure au premier rang des agronomes célèbres. Il est l’un des créateurs de la science agronomique française. La pièce maîtresse de son œuvre pratique est la suppression de la jachère, et de la vaine pâture. Elle consiste à laisser reposer une année sur deux ou trois la terre épuisée par les céréales, pour être notamment fertilisée par le bétail. L’idée d’Olivier de Serres est d’intercaler dans le cycle des cultures céréalières, les prairies fourragères artificielles, qui permettent de fertiliser les sols grâce notamment aux légumineuses fixatrices d’azote (trèfle, luzerne, féverole…). Les assolements modernes, fondements de la prospérité agricole et de l’expansion industrielle qui s’en suit, sont ainsi nés au Pradel où Olivier de Serres a expérimenté ces pratiques en climat méditerranéen. La succession méthodique sur la même terre, pendant plusieurs années, de cultures différentes assure la conservation de la fertilité des sols et l’obtention d’une meilleure productivité.

47 Ces expériences sont finement détaillées dans son livre : « Le théâtre d’agriculture et mesnage

des champs » (De Serres O. 1600). Avant d’inspirer les fondements de la seconde révolution

agricole, il est également le penseur de l’élevage de vers à soie nourris à partir de feuilles de mûriers blanc. Cette production de soie sous le règne d’Henri IV contribue à l’essor économique du royaume.

C’est avec l’affirmation de la polyculture-élevage que le bocage émaillé d’arbres champêtres colonise vraiment tout l’espace agricole. En effet, le bocage se densifie proportionnellement à la capacité nouvelle d’auto-fertiliser les sols en s’émancipant des longues périodes de jachères. À ce titre le « Journal d'agriculture pratique » rédigé en 1842 et 1843 par Jules Rieffel (Rieffel J. 1842) est instructif pour comprendre le rôle qu’a le bocage dans cette conquête des landes. En effet, l’expérience de Jules Rieffel sur des landes à Nozay, en Loire-Atlantique, illustre cette transition d’un grand espace de landes (400 ha) incultes, à un bocage productif orienté vers le système de polyculture-élevage intensifié.

Cette expérience de valorisation des terres et de rationalisation de l’espace marque la région dans une période où se développe la polyculture élevage. L’intérêt de présenter cette initiative est de souligner les traits d’une transition agricole lente.

Lorsqu’il débute l’expérience, le jeune agronome arrive sur un domaine de landes « classées

autrefois dans ces terres vaines et vagues de Bretagne supportant des usages communautaires ». Les premiers défrichements et plantations d’arbres de ce nouveau

parcellaire débutent en 1822. La tâche est immense puisque le domaine compte 400 ha de landes, 50 ha de terres labourables, et 40 ha qui sont plantés de pins.

La première étape du changement de destination de ces terres est le défrichage. Il compare deux techniques dans cette opération, l’écobuage traditionnel et la charrue qui devient un véritable outil de productivité. Rieffel dessine des parcelles d’environ 2 ha, ce qui est une grande surface, et classe cette ferme dans les « métayries » dont le parcellaire est supérieur aux « closeries ». Pour délimiter et permettre l’écoulement de l’eau et les clore efficacement, il fait creuser des fossés d’un mètre de profondeur. Sur le talus formé de la terre du fossé et des pierres de la parcelle, il plante des buissons épineux et des haut-jets pour former des haies. Le prix de revient de ces fossés est évalué par l’auteur à 13 centimes de francs par mètre linéaire. Ainsi, il constitue au-delà du parcellaire une réserve de bois, qui répond à un besoin d’énergie impérieux pour les paysans qu’il installe progressivement sur ses terres. J. Rieffel complète ce stock de bois d’une forêt de résineux à croissance rapide.

En plus de limiter les effets d’hydromorphies, l’autre avantage agronomique de ce parcellaire bocager est l’effet brise-vent. Il revient longuement sur ce qu’il considère comme un fléau plus grave que les périodes de sécheresse :

« On sait par quels vents impétueux nos contrées sont quelques fois assaillies. Sur ces terres nues de bruyères, les vents s’agitent avec une puissance dont les habitants de l’intérieur ne connaissent que de rares exemples. Pendant la saison d’hiver, le mal n’est pas aussi direct ; mais durant l’été les céréales s’égrènent et les prairies sont brûlées. La longue sécheresse de

48

l’année dernière a fait moins de torts aux fourrages que les vents, qui n’ont cessé de souffler sans interruption » (Rieffel J. 1842, in Antoine et al p 490).

Puis il compare la végétation d’une parcelle abritée d’arbres à celle d’une autre ouverte aux vents :

« Il suffit de parcourir nos campagnes et d’examiner les pièces de terres closes de haies et abritées par des arbres, en les comparant à des champs découverts. D’une part on verra une végétation luxuriante ; d’autre part des plantes brûlées, sèches, sans vigueur, qui demandent de l’humidité… Dans de semblables circonstances, les abris valent fumier et sont une importante amélioration foncière pour le propriétaire. » (Rieffel J. 1842, in Antoine et al p

490)

Il explique ce constat d’une plus grande fertilité par une température ambiante mieux régulée, ainsi que par une évapotranspiration maintenant des niveaux d’humidité essentiels aux développements des plantes :

« Peu d’années après le semis ou la plantation d’arbres, surtout si les champs intermédiaires ont été mis en culture, la température ambiante est plus douce, plus égale… J’ai maintes fois constaté ce fait sur le domaine du Grand-Jouan, en me rendant d’un point inculte à un autre point déjà en valeur, par une fraîche matinée de l’hiver ou du printemps » (Rieffel J. 1842, in

Antoine et al p 490)

La production d’herbe, enjeu déterminant du modèle de polyculture-élevage, est d’après ses treize premières années d’expériences, favorisées par le microclimat des arbres :

« Je regrette chaque jour de n’avoir pas assez planté au commencement de mes travaux… Je me suis contenté d’abord de quelques abris, de loin en loin pour couper les vents sur la plage nue de Grand-Jouan, mais aujourd’hui je plante pour obtenir de l’herbe. Puisque la chose essentielle en agriculture, la base de prospérité d’une exploitation rurale, ce sont les prairies et les fourrages. » (Rieffel J. 1842, in Antoine et al p 490)

Ces citations du journal de Jules Rieffel mettent en lumière l’esprit de la transition en cours au XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, vers une agriculture intensifiée de la polyculture-élevage dans laquelle le bocage prend une place déterminante. Ce dernier ne protège plus seulement les cultures du bétail, il devient un élément de fertilité ainsi qu’une substitution aux usages collectifs de la forêt paysanne.

Le bocage est donc né d’un double phénomène. Il émerge avec le mouvement d’enclosure, de l’exclusion du pacage en forêt aux cadres juridiques qui ont rapidement situé les usages communautaires en position d’infériorité vis-à-vis de la parcelle close, ayant permis l’émergence de la propriété privée. Le second élément d’affirmation du bocage est qu’il sert d’instrument structurant d’innovations agronomiques de la seconde révolution agricole de la polyculture-élevage.

La période 1850-1950, précédant l’arrivée de l’azote chimique et de la mécanisation, marque une période d’apogée pour l’arbre champêtre qui est présent partout et est central dans les

49 usages. En France, avec une surface de 4,5 millions d’hectares, il occupe en moyenne près de 15% de la surface agricole et représente 45 % de la superficie forestière (Pointereau P. 2004). L’exemple des prés vergers du bassin rennais démontre qu’au-delà des réseaux bocagers, il existe des pratiques traditionnelles d’agroforesterie intra-parcellaire comme le confirme ce chercheur :

« Je récuse complètement toute distinction en agroforesterie traditionnelle (bocage) et moderne

(intra-parcellaire), parce qu’entre les arbres en bord de parcelle et ceux dans la parcelle, il y en avait autant des deux systèmes il y a cent ans. Donc il n’y en a pas un qui est récent et l'autre traditionnel » - "Scientifique INRAE, entretien n°8"

Avant les années 1850, le cidre est la boisson traditionnelle des régions où le climat ne permet pas de production viticole et reste donc circonscrite à ces bassins originels. Les maladies successives du vignoble français (l'oïdium en 1848, le mildiou en 1870 et le phylloxéra en 1900) sont à l'origine de la démultiplication de la production nationale de cidre (Robin, P. 1988) ; elle quadruple en trente ans, passant de 4 millions d'hectolitres en 1870 à plus de 14 millions en 1900 (Rio B. 1997). De sorte que le recul des vins de table soutient momentanément cette production. Elle est permise en quelques décennies par une plantation massive de pommiers, avec des variétés de mieux en mieux sélectionnées pour les qualités agronomiques et gustatives. En plein âge d'or (1930), la production bretonne atteint 18 millions d'hectolitres (Rio B. 1997). Une vue aérienne d’Esse en Ille-et-Vilaine prise en 1949 donne une idée de l’ampleur de ces prés vergers dans le bassin Rennais.

Photographie 1 : Vue aérienne d’Essé en 1949 Source : (« Remonter le temps » 2018)

Seules quelques régions peuvent se passer d’une présence forte de l’arbre champêtre. C’est le cas des riches plaines de lœss comme le bassin parisien qui, avec des conditions climatiques exceptionnelles, n’a pas besoin de l’arbre pour maintenir sa fertilité et faire croître ses rendements.

50 À l’inverse, dans d’autres régions plus soumises aux intempéries comme le Pays de Caux, les paysans aménagent les « clos masures » avec des rideaux de hêtres plantés sur talus pour protéger les bâtiments et vergers. De même, les alpages d’altitude de l’Aubrac, des Pyrénées ou des Alpes, occupés seulement en été, offrent des conditions plus favorables à l’herbe qu’à l’arbre. Les régions fortement boisées pouvaient aussi entraîner une réduction de la voilure du bocage, les lisières supplantant les haies (Rio B. 1997). La main d’œuvre est suffisante pour entretenir cette forêt champêtre où les trognes et autres ragosses, selon la région, font l’objet d’un élagage régulier, annuel ou pluriannuel.

Pour finir, nous souhaitons souligner la place centrale dont l’arbre dispose dans l’agriculture européenne, avec d’abord l’importance du bocage (peut-être 4 à 5 millions de kilomètres de haies implantées), ainsi que d’autres formes champêtres arborées comme la dehesa espagnole (4 à 5 millions d’hectares) qui reste le système agroforestier le plus répandu d’Europe et plusieurs millions d’hectares d’oliveraies, de châtaigneraies et de pré-vergers (3 millions d’hectares) (Pointereau P. 2004). Enfin, un chiffre représente significativement cet équilibre : la forêt paysanne, composée de bocages, prés-vergers, noyeraies et autres prés-bois, constitue trente pourcent du revenu agricole à l’hectare en 1929 (Liagre F. et al 2008).

1.3. 1960 : La modernisation agricole, une ségrégation entre la société des arbres et l’agriculture

Jusqu’en 1950, la paysannerie française reste fidèle au système prudentiel de « polyculture-élevage » issu de la seconde révolution agricole. Ce modèle est en effet considéré comme robuste du point de vue de sa capacité d’auto-fertilisation, de sa résistance aux aléas climatiques, et de sa capacité enfin à s’inscrire dans des marchés diversifiés.

L’atteinte aux structures de la forêt paysanne commence dans l’entre-deux guerres avec les premiers tracteurs. Cette destruction s’industrialise pour après 1945 et transforme profondément les pratiques culturales. La nouvelle puissance de traction mécanique permet de labourer les sols à rebours de la pente, ce qui est impossible pour un attelage. Le génie civil restructure les champs qui s’agrandissent et les prairies naturelles réservées à l’élevage accueillent désormais les grandes cultures, dont la fertilisation est assurée artificiellement par une filière industrielle de l’azote, qui nait du recyclage des stocks d’explosifs.

Cette révolution dite « verte » a pour conséquence directe la destruction rapide du maillage bocager, très lié à l’élevage de plein air et donc au modèle de polyculture-élevage. Dès les années 1960, le remembrement foncier vise à lutter contre le morcellement excessif du terroir et à adapter le parcellaire agricole et sa topographie aux techniques et engins agricoles modernes. Il entraîne également l’intensification de l’arrachage et par conséquent l’abandon des usages paysans des arbres champêtres, qui depuis est totalement sorti de la culture professionnelle des agriculteurs. Il y a là une rupture avec le lien ancestral entre le paysan et l’arbre.

51 Ainsi, avec une volonté productive, l’agriculture française est parvenue en moins de deux décennies à l’autonomie alimentaire de la France et à imposer de cette façon le paradigme de la modernisation agricole. Toutefois, ces années glorieuses profitent pleinement de la fertilité des sols savamment accompagnée et valorisée par un savoir-faire paysan, étayé des avancées agronomiques du système de polyculture-élevage ayant permis au XIXe siècle d’étendre l’assolement triennal aux terres incultes en s’émancipant de la seule jachère. Nous avons montré la place centrale qu’avait l’arbre dans ce schéma pour accompagner cette rotation auto-fertile, mais également pour toutes les productions que l’on en retirait (fruits, fourrages, bois de chauffe, bois d’œuvre…).

15 millions d’hectares sont ainsi remembrés en France depuis 1945 (Pointereau P; et al 2006). Alors que l’arbre forestier vit sa période faste avec la création du Fonds Forestier National dès 194625, l’arbre champêtre perd radicalement sa place au sein du système de production agricole.

Perçu comme un obstacle, il disparaissait des champs et lentement de la culture paysanne, éliminé par la modernisation de l’agriculture.

La rupture est tout aussi radicale avec les prés-vergers bretons. En effet, un meilleur contrôle des maladies affectants la vigne permet à la viticulture après les années 1930 de reprendre son hégémonie sur le cidre fermier au sein du marché Français. Les excédents structurels et la réorientation du modèle agricole sont ensuite à la mesure de la détermination de l'État à débarrasser les prés et les cultures de leurs rangées de pommiers.

Les primes à l'arrachage octroyées dès 1953, couplées aux aménagements fonciers de table rase ont détruit, en un temps record, plus de 75% (Périchon S. 2012, 3) des pommiers à cidre en Bretagne. Cet abattage sans discernement est réalisé au mépris des sélections variétales, des connaissances sur la conduite des arbres fruitiers et des terroirs cidricoles. Le recul des haies et des arbres épars s’est opéré en même temps que celui des prairies naturelles dont les surfaces ont reculé de 4,4 millions d’hectares entre 1970 et 1999. Ce recul des haies est lié aussi au remembrement avec une estimation de 15 millions d’ha remembrés depuis 1945. L’Institut français de l'environnement (l'IFEN) estime que 45 000 km de haies ont disparu de 1975 à 1987 en France.

52 Deux vues aériennes illustrent ce bouleversement à Essé, l’une des premières communes d’Ille- et-Vilaine à mener cette politique de remembrement entre 1950 et 1960 :

1949 2015

Photographie 2 : Vues aériennes d’Essé : comparées 1949 / 2015. Source : (« Remonter le temps » 2018)

***

Cette période longue, à partir de laquelle nous avons souhaité mettre en lumière le processus de changement de relation entre l’arbre et l’agriculture, nous a semblée pertinente en ce qu’elle contient le basculement de paradigmes juridiques, sociaux et représentationnels :

Le changement juridique d’abord ; avec l’enclosure qui a marqué la transition d’un usage collectif vers l’appropriation des biens. De la monarchie à la démocratie, ce phénomène, ayant pourtant affamé les campagnes, s’appuyait paradoxalement en France sur une philosophie politique libérale. L’enclosure a donc été un processus radical mais long s’étalant du XVIe au XXe siècle. Elle ne s’est affirmée véritablement

en France qu’au XIXe siècle dans un conteste d’éclatement de l’Ancien Régime, de

révolution des moyens de production agricole et enfin d’exode rural.

Le changement des rapports sociaux ensuite ; ce n’est plus le lien transcendant de nature féodale entre le roi et ses sujets qui induisait l’inaliénation du domaine (nature et ses ressources), mais une représentation tout aussi abstraite : l’intérêt général. Cette valeur toujours centrale a accompagné et justifié les mutations sociétales dès le XVIe siècle. Ainsi les droits d’usages communautaires ont peu à peu été limités au profit de la propriété privée ; cela étant justifié par des questions nouvelles comme la préservation des ressources naturelles (en forêt) ou encore par les progrès agronomiques (polyculture-élevage).

Le changement des représentations enfin ; l’espace rural n’était plus le domaine, le bien du roi « père » de la nation. Il n’était plus non plus un espace organisé par les usages communautaires. Après des siècles d’offensives du mouvement d’enclosure, le

53 modèle agricole ayant connu une seconde révolution sous la Troisième République, les paysans ont accepté pour la première fois de remanier les usages agricoles de la forêt sur l’espace ouvert, en inventant le bocage. Ce dernier a permis de suppléer les ressources vitales auparavant acquises en forêt, tout en structurant de nouvelles méthodes de fertilisation et d’intensification des sols.

Les faits sociaux successifs que nous avons présentés ont profondément remanié l’usage et la répartition de l’espace. Ainsi, l’agriculture s’est progressivement amputée des espaces forestiers jusqu’à ce qu’ils deviennent deux mondes hermétiques26. Elle s’est en même temps

peu à peu éloignée de sa structure sociale holistique, pour engendrer de véritables entreprises familiales puis individuelles sur des marchés mondialisés.

De cette rétrospective centrée sur la restitution des grandes transitions sociales, on observe que le lien entre l’arbre et le paysan répondait à des équilibres sociaux structurants, lors de périodes où la population était dans son écrasante majorité rurale. L’arbre est pourtant tombé en désuétude au sein de la société agricole lors de la révolution verte et ses remembrements dès 1960. En effet, l’agrandissement du parcellaire au détriment des haies était devenu « un symbole

de modernisation et la promesse d’une reconnaissance sociale » (Pointereau P; et al 2006).

Comme dans la plupart des pays européens, le maillage bocager, très lié à l’élevage de plein air, a fortement diminué en France depuis les années 1960.

La rupture semble si forte entre les arbres et l’agriculture, que toutes tentatives de rapprochement paraissent hypothétiques. Pourtant, depuis les années 1970, un processus de réconciliation est à l'œuvre. L'ampleur des résistances face à cet éventuel rapprochement induit la profondeur du changement de pratiques, processus d’écologisation qu’il faut décrire au rythme des reconfigurations sociales de l’agriculture en France.

26 Le programme de recherche AIP INRA (Cemagref, Agrifor) a néanmoins montré que subsistaient des formes

de forêt paysanne en France, dont en particulier le sylvopastoralisme dans le massif central et dans les Pyrénées.

55

Chapitre 2 : L’écologisation, un « procès de civilisation » à l’aune des

interdépendances contemporaines

Dans le lien qu’il entretient avec l’agriculture, l’arbre dispose de caractéristiques sociales ou socio-naturelles dont nous avons dessiné les contours grâce à une perspective socio- historique. Dès lors, nous affirmons que l’arbre, aujourd’hui symbole de nature, n’était absolument pas perçu de la même manière lors des remembrements d’il y a soixante ans, pour ne prendre que cet exemple. Le Chapitre 1 a permis de présenter cette diversité d’usages et de représentations à travers l’histoire. Aux côtés de la variabilité des représentations de l’arbre en agriculture, les usages qui en dépendent ont par ailleurs considérablement évolué depuis les temps modernes, période à laquelle il était au centre de la polyculture-élevage.

Comment projeter cette observation sur l’agroforesterie contemporaine ?

Afin d’éclairer les tendances quant aux changements actuels de l’organisation de la société, ceci au travers de l’évolution des pratiques comme des politiques agricoles et alimentaires, il convient donc de basculer notre regard de la socio-histoire vers la sociologie, et en particulier vers les travaux de Norbert Elias. La théorie du « Procès de civilisation » (Elias N. 1939) mobilise les concepts d’interdépendance sociale et d’autocontrôle, analysés avec l’outil analytique maniable de configuration sociale. Cette théorie centrale de l’œuvre d’Elias peut se résumer ainsi : « penser ensemble, et dans le temps long de l’histoire, l’évolution des structures

Outline

Documents relatifs