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Enquête auprès de collectifs d’agriculteurs investis dans la transition agroécologique

Introduction Partie 1 :

3.2. Terrains d’étude

3.2.2. Enquête auprès de collectifs d’agriculteurs investis dans la transition agroécologique

L’observation des collectifs d’agriculteurs engagés dans ce processus de transformation des pratiques était indispensable pour comprendre leur positionnement dans les chaînes d’interdépendances qui caractérisent l’actuelle configuration de l’agriculture française. Au-delà des dimensions techniques de la transformation des pratiques agricoles, l’enjeu était de percevoir le degré d’interdépendance qu’ils entretiennent avec les fonctions d’encadrement de l’agriculture50. Cela permet de préciser la force au jeu qu’ils détiennent, c’est-à-dire leur pouvoir

d’influence sur les pratiques autant que sur les réglementations et politiques agricoles. En observant la façon dont ces collectifs font bloc, ce second terrain permet d’analyser les valeurs et normes sociotechniques que mobilisent ces agriculteurs en transition dans la configuration actuelle de l’agriculture française.

Pour cette enquête, des observations participantes ont été menées auprès de deux groupes d’agriculteurs (Annexe 2a), complétée d’entretiens-semi-directifs (Annexe 2b) auprès d’agroforestiers et de non agroforestiers investis dans ces deux collectifs. Cette double approche méthodologique est encore une fois complémentaire, puisqu’elle permet d’observer et de

50 Ensemble des métiers de conseil (techniciens d’organismes public et privés) et de conception (recherche

101 comparer le fonctionnement de collectifs d’agriculteurs inscrits dans deux contextes régionaux à des échelles différentes, puis de saisir les trajectoires professionnelles et l’évolution sur quatre ans du regard de ces agriculteurs sur l’agroforesterie via des entretiens.

Le premier groupe, « Sols vivants 35 », expérimente l’Agriculture de conservation des sols (ACS). Il s’agit d’un Groupe d'études et de développement agricole (GEDA 35) reconnu Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Ce collectif se réunit lors de temps de formation organisés tous les mois et demi. La démarche de ce groupe d’agriculteurs majoritairement conventionnels est de sécuriser grâce à sa cohésion les étapes de transition vers l’alternative de l’agriculture de conservation des sols. Il est également intéressant pour notre sujet, car ces agriculteurs n’ont pas une sensibilité initiale pour l’agroforesterie, voire même plutôt des représentations modernes du parcellaire où l’arbre est fréquemment écarté. Depuis quatre ans que nous suivons ce collectif, il est marquant de constater que plusieurs d’entre eux ont planté des haies ainsi qu’une trentaine d’hectares en agroforesterie intra-parcellaire et au moins trois autres sont en projet pour l’hiver prochain. La visite de ces fermes nous a permis d’approfondir les motivations de ces agriculteurs vis-à-vis de l’agroforesterie, en dehors des rencontres classiques du groupe GEDA 35. L’échange de deux jours organisé avec des agriculteurs du collectif GEDA 35 dans les fermes du programme Agr’eau à l’hiver 2016-2017, auquel nous avons participé, a semble-t-il fait germer les premières graines agroforestières dans l’identité de ces agriculteurs bretons pratiquant l’agriculture de conservation. Aussi, il est intéressant de noter qu’au planning des formations du GIEE « Sols vivants 35 », deux journées ont été consacrées à l’agroforesterie avec l’intervention d’Aubin Lafon (ex-animateur du programme Agr’eau) et d’Alain Canet (ex-président de l’AFAF). Ces journées ont été organisées à la demande de ces membres du groupe intéressés par l’agroforesterie.

Par ailleurs, notre rôle au côté du groupe et de son animatrice a été de les suivre dans une démarche de reconnaissance politique auprès de députés, du Conseil Régional et enfin vis-à-vis de la DRAAF. L’objectif du groupe est de sensibiliser les institutions politiques et administratives à leur démarche d’agriculture de conservation et ainsi communiquer leurs résultats et adapter la réglementation à ces pratiques alternatives. Cette partie du terrain d’enquête au contact des groupes d’agriculteurs est donc très riche, la confiance se nouant, notre posture initiale d’observation participante a pris une dimension de recherche-action. La régularité des rencontres, mon adhésion au groupe, ma participation aux voyages d’études et aux actions du collectif m’ont en effet permis une forme d’immersion avec une compréhension fine des logiques d’action individuelles et collectives. La relation de confiance nouée avec ce groupe nous a permis de réaliser sept semi-directifs, en plus des nombreux échanges informels lors des formations et journées d’échanges de pratiques auxquelles j’ai participé pendant ces quatre ans.

Le second collectif, « Agr’eau », est un réseau de fermes pilotes qui associe l’agroforesterie (AF) à l’Agriculture de conservation des sols (ACS). Il regroupe des agriculteurs indépendants et des collectifs, dont certains sont labellisés GIEE. Il est animé par une agronome de l’Association française d’agroforesterie (AFAF). Le programme insiste sur la résilience de ces fermes pilotes dont les caractéristiques sociotechniques d’une partie de celles visitées sont

102 présentées dans les « Fiches fermes » (Annexe 2d). Ces fermes pilotes parviennent à reconstituer leurs marges dans un contexte de crise agricole, grâce à un mode de production moins énergivore et plus résistant face aux aléas climatiques. En visitant plusieurs des fermes de ce programme tout au long de la thèse, l’occasion s’est présentée d’échanger longuement avec ces agriculteurs qui intègrent l’agroforesterie à l’agriculture de conservation des sols. Nos participations aux temps forts du programme « Agr’eau » étaient autant d’occasions pour multiplier les échanges et affiner nos observations sur les motivations de ces agriculteurs dans la voie de l’agroécologie. A ces échanges informels, nous avons aussi réalisé huit entretiens semi-directifs avec des agriculteurs mobilisés dans ce programme. Enfin, nous pouvons souligner que notre terrain gersois, du fait de l’éloignement, n’a pas permis la même imprégnation qu’au sein du collectif breton. Néanmoins, nous avons veillé à équilibrer le nombre d’entretiens recueillis sur les deux terrains, afin d’homogénéiser le recueil des données. Les caractéristiques sociotechniques des fermes des quinze agriculteurs interviewés sont présentées (Annexe 2b) en plus des fiches fermes du programme Agr’eau. Lors des entretiens réalisés, nous avons abordé les thèmes suivants (cf guide d’entretien agriculteurs en Annexe 2c) :

- Identification de l’agriculteur et de son système d’exploitation et description des surfaces arborées.

- Perception des systèmes agroforestiers (atouts et limites),

- Échelle de motivation pour l’adoption de l’agroforesterie sur l’exploitation, - Perception de l’agriculture de conservation des sols (atouts et limites), - Positionnement au regard des techniques agroécologiques,

- Liens potentiels entre agroforesterie et agriculture de conservation, - Engagement dans un collectif,

- Implication dans une démarche expérimentale d’essais agronomiques, - Vision et projection de l’agriculture,

- Cohérence / dissonance ressentie vis-à-vis des attentes sociétales en matière d’agriculture, - Niveau de satisfaction et sentiment de reconnaissance à l’exercice du métier.

Ces entretiens semi-directifs et informels, lors de nos participations aux regroupements, sont le complément indispensable d’observations participantes. Ils permettent notamment de questionner les motivations individuelles pas toujours exprimées ouvertement au sein du groupe. L’observation participante permet de développer un regard synoptique sur les configurations interindividuelles et les entretiens permettent de vérifier et éventuellement approfondir la problématisation et les hypothèses développées dans la première approche d’observation. Si la profusion des données de l’immersion doit être circonscrite pour l’analyse, le nombre relativement limité d’entretiens représente une limite classique de la démarche qualitative, notamment pour la généralisation des résultats, c’est pourquoi nous avons tenu à les confronter dans le cadre théorique que nous avons présenté.

103 3.3. Synthèse de l’approche méthodologique

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