• Aucun résultat trouvé

Introduction Partie 1 :

2.1. L’interdépendance sociale dans la sociologie de Norbert Elias

L’éclairage sociologique de Norbert Elias nous semble incontournable pour cette thèse. Ses propositions conceptuelles comme ses objets d’études sont au cœur d’une sociologie processuelle qui inscrit l’analyse de la vie sociale dans un temps long. L’appropriation de la démarche analytique de Norbert Elias est permise par son livre « Qu’est-ce que la sociologie ? » (Elias N. 2003 [1981]), dans lequel il apporte, à la fin de sa carrière, une réflexion méthodologique et épistémologique importante.

56 L’opposition individu/société renvoie pour l’auteur au dualisme entre deux écoles, l’individualisme et l’holisme. Il y a dans cette alternative tranchée les fondements des sciences humaines et en particulier de la sociologie, qu’il a souhaité interroger et réorienter. Pour lui, seules les relations sont premières, personne n’est totalement libre ni déterminé par une force sociale ni par une volonté rationnelle guidée par des intérêts. Ainsi, pour la compréhension des phénomènes sociaux, seules les configurations relationnelles et les situations d’interdépendances comptent. Ce n’est que par la place qu’un sujet ou qu’un groupe occupe dans une situation relationnelle que peut s’interpréter l’autonomie dont il dispose pour influer sur cette configuration et en orienter le cheminement.

Notre étude, située en sociologie de l’environnement, ne peut pas plus se satisfaire des théories centrées sur l’individu ou sur la société, car elles ne permettent pas d’appréhender la relation à la nature inhérente au processus d’écologisation. Cette normalisation tend en effet à reconsidérer les logiques anthropocentrées au profit des perspectives écocentrées. Les courants de sociologie « pragmatique » (Latour B. 2006), (Callon M. 1986) et « pragmatiste »(Cefaï et Terzi 2012a), (Chateauraynaud F. et al 1999) permettent de comprendre cette distinction. Pour les premiers, en référence à la « sociologie des épreuves » (Barthe Y. et al 2013), l’animal, le végétal, la matérialité étendue aux objets, sont des « actants » à partir desquels il faut représenter les intérêts au nom du principe de symétrie27, dans l’explication écocentrée du social. En revanche, pour les pragmatistes, attachés à la filiation de Mead et Deverre (Ginelli, L. 2015, 81) l’intentionnalité reste le propre des humains et par conséquent les relations sociales sont centrales, ce qui n’écarte pour autant l’influence de la matérialité dans l’analyse sociologique. D’autres sociologues ont donc remis en question la dichotomie holisme/individualisme tout en traitant d’environnement, en plaçant l’humain et le non-humain sur des plans réinterrogés. A cet égard, notre sensibilité est celle du courant pragmatiste. L’œuvre de Norbert Elias est également pertinente car ses analyses sur la société de Cour s’appliquent à notre objet. En effet, il est intéressant d’observer que les réseaux d’interdépendances à l’œuvre dans la société de Cour sous Louis XIV avaient des prolongements dans l’espace rural. Derrière l’ordonnance de Colbert, nous avons tenu à décrire l’équilibre des tensions, les moments de ruptures ou encore les renversements d’alliances entre les populations laborieuses, les seigneuries et enfin le pouvoir absolu, quant aux transformations sociales de l’usage de l’espace agraire depuis l’époque moderne. Au-delà des faits historiques, il était important pour nous de montrer que les transformations de l’espace rural et des ressources ligneuses ont été révélatrices de l’évolution des configurations sociales, si l’on analyse l’émergence des réseaux bocagers comme la transformation lente mais radicale des usages collectifs au profit de la propriété privée.

La sociologie des configurations sociales demande l’étude des interdépendances à la fois contraignantes et habilitantes. Ce qu’à l’usage nous appelons "pouvoir" est majoritairement une relation d’interdépendance particulière entre deux personnes ou deux groupes, dans laquelle

27 Le principe de symétrie, suppose que les humains positionnent les non humains et qu’ils interprètent leurs

57 l’influence de l’un est plus étendue que celle de l’autre, ce qui en réalité est le fondement de toute relation sociale. L’équilibre des forces est ce thermomètre fragile et imprévisible du social, il fluctue d’une configuration à l’autre. Avec l’apparition de la modernité, nous avons par exemple observé la vigueur de ce jeu d’alliances et la force de reconfigurations qui font jouer en permanence les positions sociales entre les trois catégories d’acteurs évoqués plus haut. La vie sociale est donc soumise à ces instabilités, elle se module au gré des rapports de domination. Cette perspective du temps long est pour Elias en même temps indéterminée et structurée, son étude doit adopter plusieurs angles de vue dans lesquels les individus sont reliés. L’étude de leurs choix rationnels n’a de sens que lorsqu’elle interprète ces orientations individuelles depuis ces configurations qui, en quelque sorte, installent le paysage en arrière- plan. Ainsi, la politique de remembrement aurait probablement eu un sens différent pour les paysans si elle n’avait pas été l’incarnation de la modernisation agricole.

Si le leitmotiv d’Elias est l’évolution des configurations réticulaires à travers la genèse de l’Etat- nation, il transparait de cette approche une sociologie des réseaux qui renoue avec la perspective du temps long. La vie sociale comporte trois niveaux d’intégration, avec d’abord celui des humains entre eux, puis celui de l’individu avec sa psychologie ou cohérence interne. Intervient ensuite le troisième niveau, celui des humains en contact avec la nature qui peut être l’environnement comme le fonctionnement biologique du corps humain. Enfin, il est important de rappeler que ces niveaux sont eux-mêmes intrinsèquement imbriqués.

« Il ne s’agit toutefois pas de défendre l’idée d’un mur ontogénétique qui se dresserait entre les phénomènes de la nature inanimée et ceux de la nature animée, et au sein de ces derniers entre les phénomènes humains et extrahumains. Cela signifie simplement qu’en s’efforçant de saisir mentalement l’univers, on est parvenu à l’idée qu’il s’ordonne d’une manière spécifique selon différents niveaux d’intégration » (Elias N. 2003a, 125).

Ainsi, l’individu prend conscience de son existence et il développe un rapport au corps et à la nature qui est construit socialement selon une perspective historique.

Pour Elias, il est impossible d’interpréter l’un des niveaux relationnels sans interpréter également les autres. L’interdépendance entre les hommes est soumise à la conscience de soi, aux représentations corporelles ou encore celles, constamment remaniées, que nous avons de la nature. Ces niveaux d’intégration sont toujours socialement construits, mais également historiquement caractérisés. L’espace agraire communautarisé dans la configuration féodale du Moyen Age se morcelle à l’époque Moderne dans un parcellaire mis en évidence avec les réseaux bocagers bretons ou encore les champs laniérés de Bourgogne. La formation de l’individu s’est donc accompagnée d’une mise en forme de la nature. Ces trois niveaux relationnels agrègent donc dans l’histoire les dynamiques sociales. Ces dernières sont façonnées par des réseaux d’interdépendances, des configurations dans lesquels l’équilibre des forces donne lieu à l’édification transgénérationnelle d’institutions, d’organisations, de fonctions sociales, comme autant de cristallisations temporaires qui témoignent des orientations sociétales.

58

« À la place de ces représentations traditionnelles apparaît ainsi l’image de nombreux individus, qui de par leur dépendance réciproque, sont liés entre eux de multiples façons, formant ainsi des associations interdépendantes ou des configurations dans lesquelles l’équilibre des forces est plus ou moins instable. (Par exemple les familles, les écoles, les villes, les couches sociales ou les Etats). Chacun de ces Hommes constitue si on veut l’objectiver, un Ego, ou un moi et nous sommes l’un d’entre eux. » (Elias N. 2003a, 10)

La sociologie d’Elias procède d’une double ambition qui articule la notion de configuration sociale avec le mouvement du processus. Pour Elias, les configurations sont le récit d’une réalité qui chemine, dont le processus est compris par sa connexion aux sociétés passées. À la manière de Marc Bloch (1886-1944) auquel nous nous sommes intéressés dans notre perspective historique, ou encore de celle de Fernand Braudel (1902-1985). Elias s’intéresse en effet à l’évolution sociale globale. Son projet sociologique a pour ambition d’éclairer la compréhension du changement social en mettant à distance l’idéologie et les déterminismes. Ainsi, il est possible de caractériser cette sociologie comme une science historique de la réalité sociale.

« Comment expliquer que, malgré des phases régressives, les sociétés humaines s’orientent constamment vers une plus grande différenciation des fonctions, vers une intégration à plusieurs étages, et mettent sur pied des organisations offensives et défensives de plus grande taille ? Il est vain de croire qu’on pourra porter un diagnostic sur les problèmes sociologiques que soulèvent les sociétés contemporaines et les résoudre, sans se référer à une théorie globale de l’évolution qui, seule, permet de comprendre et d’expliquer comment les formes contemporaines des sociétés dérivent de formes antérieures, et pourquoi elles présentent précisément cette forme spécifique. On ne peut, par exemple, se faire une idée claire des particularités structurelles d’un État national, si on ne possède pas un modèle théorique de l’évolution des États dynastiques en Etats nationaux et du lent processus de formation des Etats. » (Elias N. 2003a, 192)

En arrière-plan de cette théorie, nous comprenons le regard critique posé par Elias sur la spécialisation de la discipline, ainsi que son enfermement dans le temps présent. Il invite donc à la reconnexion d’une sociologie générale avec le temps long :

« Ils voyaient la forêt mieux qu’ils n’en distinguaient les arbres ; quant à nous, les arbres nous cachent la forêt » (Elias N. 2003a, 184)

Elias ne pouvait donc pas défendre légitimement une sociologie spécialisée et synchronique, alors que sa méthode porte sur l’analyse du processus configurationnel et ses institutionnalisations. C’est bien « l’ordre immanent du changement » (Elias N. 2003a, 1983) qu’Elias veut sauver de l’héritage des fondateurs de la sociologie. Énoncé d’une autre façon, les structures sociales ont une histoire qui ne peut être niée par le sociologue et l’histoire a des structures dont l’historien doit tout autant prendre conscience. L’étude du changement social réside dans l’analyse des transitions de la société sans pour autant figer ses caractéristiques. Par exemple, le terme de « société industrielle » est régulièrement avancé, or, il est bien évident que durant le processus d’industrialisation sur plusieurs siècles, la société n’était pas

59 simplement industrielle. Elle était encore largement soumise aux résurgences de l’organisation féodale ; nous l’avons décrit. Elias propose avec sa sociologie plus qu’une description d’une société après l’autre, mais une analyse de la structure relationnelle qui génère le changement social et la représentation du monde à laquelle chaque génération apporte sa contribution. Chaque génération codifie sa réalité. Ces cryptages sont à la fois hérités et actualisés. Pour Elias, tout l’intérêt de la sociologie est les déchiffrer, en considérant à la fois ce qui est l’imprégnation des sociétés passées et sa reformulation dans les trois niveaux d’intégration28.

Le regard sociologique déconstruit, comprend et tente d’expliquer la réalité, par des mots qui donnent une réalité aux mondes. La culture est parfois pensée comme une distinction de l’espèce humaine, puisqu’en l’absence de toute évolution biologique et en l’espace d’une génération, et parfois moins, elle en vient à exercer différemment des actions pourtant devenues naturelles pour ses aînés. Là encore, la politique de remembrement que nous avons présentée est l’illustration de ce phénomène. L’arbre naturalisé dans la polyculture-élevage, source d’abondance (fruits, fourrage, combustible, matériaux, médecine…) et de vertus agronomiques, est en l’espace de quelques décennies recomposé dans le référentiel métier des agriculteurs et parfois totalement éradiqué des campagnes qui ont connu les remembrements les plus intensifs. C’est que le rapport à la nature, à soi et aux autres, doit être mis en relation avec les modes de socialisation, qui par définition sont des configurations qui évoluent dans le temps et l’espace.

« Oui, en un certain sens, les configurations humaines « survivent » aux hommes reliés qui pourtant leur donnent ou plutôt leur prêtent vie, les incarnent. Mais elles ne leur survivent jamais « à l’identique ». Et ce, pour une raison bien simple, rien moins que mystérieuse, et qui n’implique aucune réification du social : les Hommes en tant qu’êtres non seulement socialisés, mais socialisants, en portent l’histoire et la transmettent. Sans qu’il soit besoin de postuler en eux la volonté ni même la conscience de le faire : simplement parce que chacun d’entre nous traverse l’existence avec un bagage en partie commun à bien d’autres et pourtant pour chacun singulier, un bagage lourd d’une longue histoire sociale, celle de l’humanité à l’échelle la plus grande, celle des sous sociétés particulières dans lesquelles il grandit, dont celle de la famille dans laquelle il est né : un bagage ou un habitus qu’il n’aura de cesse de refaire au contact des autres et qui ne disparaitra jamais complètement avec lui au sens où, qu’il le veuille ou non, il en laissera forcément quelque chose à ceux qui lui survivent et lui succèdent » (Delmotte F.

2007, 145).

D’après Françoise Delmotte, politiste spécialiste de la sociologie de Norbert Elias, toutes les relations sont des histoires en train de se faire, elles ne peuvent être envisagées comme des récits qui ont un début et une fin, ceci à l’instar de la grande histoire qu’Elias envisage sous l’angle de la « grande évolution ».

Pour autant, peut-on aujourd’hui mobiliser le concept d’évolution sociale, lorsque l’on connaît l’accumulation de préjugés racistes et la promotion d’une vision ethnocentrique que promouvait

60 le courant évolutionniste ? Si nous n’avons pas de réponse immédiate à cette question, nous proposons de mettre en débat le positionnement de Norbert Elias à cet égard :

« C’est un retour à l’ancienne conception, selon laquelle les changements doivent être ramenés à quelque chose d’immuable, qui seul apparaît comme véritablement ordonné et structuré. C’est une régression par rapport à l’immense progrès qui conduisit la sociologie classique du XIXe siècle à reconnaitre un ordre et une structure propres au changement, étant entendu – nous l’avons déjà souligné – qu’ordre n’est pas ici synonyme d’harmonie. Ce terme signifie simplement que le cours du changement n’est pas désordonné, chaotique et qu’on peut expliquer et définir comment chaque formation sociale nait de la précédente. C’est là précisément la tâche impartie à la sociologie de l’évolution » (Elias N. 2003a, 187).

Pourtant, certaines de ces formulations sur les « niveaux de développement », « les étapes » (Elias N. 2003a, 192) ont été critiquées en imputant à l’auteur une volonté de hiérarchiser les civilisations. Dunning sur ce point a tenu à clarifier la position véritable de Norbert Elias :

« Norbert Elias a reconnu explicitement le fait que le terme de "civilisation" est dans l’usage commun un terme chargé en valeur. À l’inverse, dans son usage sociologique, et plus particulièrement sous la forme du concept "processus civilisationnel", c’est un mot technique, différent, utilisé sans aucune connotation en termes de valeur » (Dunning E. et al, 1997, 133).

Cette clarification faite, il nous semble primordial de préciser que notre intérêt porte sur la structuration du changement social. En revanche, nous ferons preuve d’une vigilance particulière pour ne pas susciter de confusions ou suggérer une construction qui hiérarchiserait les sociétés sur le plan des valeurs. Face aux critiques, Elias a lui-même insisté sur ces précautions :

« On doit ce revirement moins à la critique des modèles classiques d’évolution qu’à l’imprégnation des théories sociologiques du XXe siècle par des idéaux sociaux et politiques qui conféraient à certaines sociétés existantes la plus haute valeur. En quelque sorte, on rejeta le bon grain de l’ivraie. On éprouvait une telle hostilité envers les idéaux des sociologies classiques, tels qu’ils apparaissaient dans les modèles d’évolution sociale, qu’on rejeta en même temps les résultats souvent féconds de leurs recherches, entre autres ceux qui concernaient l’étude du changement social en tant que changement structuré » (Elias N. 2003a,

186).

Ainsi, lorsque nous employons le terme « évolution », il est à comprendre comme l’analyse d’un changement social structuré et en aucun cas sous l’angle idéologique des pages sombres des théories évolutionnistes. Pour investir cette sociologie, nous allons mobiliser le concept de configuration sociale pour comprendre l’équilibre des forces au jeu ou des tensions qui animent les mutations sociales dans une impression d’immuabilité.

Malgré l’apparence de permanence de l’organisation de la vie sociale entretenue par les institutions sur des périodes longues, il est évident que n’importe quelle civilisation peut connaitre un moment de rupture dans une mise en cause des valeurs fondamentales, sans pour autant à plus long terme être empêchée de les régénérer. Toutes les sociétés sont ainsi traversées

61 par des révolutions sociales, politiques ou encore techniques. Pour Norbert Elias, si le changement social est imprévisible dans ses formes d’une configuration à l’autre, son processus ne peut être aléatoire, aveugle. Ainsi, lorsque les régimes seigneuriaux ont muté vers l’État- nation, c’est bien le degré d’interdépendance entre les individus et la spécialisation des fonctions sociales qui se sont exprimées. En effet, Elias analyse les tendances lourdes des transformations sociales à travers la cohérence qui résulte de la filiation des configurations sociales :

« Toute configuration humaine qui est relativement plus complexe, plus différenciée et plus intégrée a pour condition préalable et nécessaire des configurations moins intégrées, moins complexes et moins différenciées dont elle provient. » (Elias N. 2003a, 199)

Ainsi, lorsque le sociologue remonte dans le temps, il tente de dénaturaliser ce qu’à tort nous n’interrogeons plus par l’effet de la banalisation. Nous tenons pour acquis et figés nos régimes juridiques et politiques, notre société de la surabondance, ce qui en réalité est l’expression sans cesse actualisée des interdépendances. Pour chaque phénomène social, il est indispensable de cadrer l’échelle temporelle adéquate, de manière à prendre conscience des logiques internes de l’objet étudié.

Dans la perspective historique que nous avons proposée pour ouvrir cette thèse, nous avons par exemple souhaité comprendre quels étaient les usages anciens de l’arbre en agriculture et comment ces derniers avaient évolué. Dans cette démarche, tout nous intéressait y compris les temps les plus lointains des Hauts Moyen-Age. Or, nous avons finalement circonscrit cette perspective aux grands bouleversements de l’époque Moderne depuis le XVIe siècle jusqu’à la

révolution verte du XXe siècle. Cette période est marquée par de fortes ruptures sur le plan juridique, avec l’affirmation de la propriété privée issue du mouvement d’enclosure.

Cet exemple joue en effet un rôle déterminant pour dénaturaliser cette question que nous avons tendance à ne plus poser. La propriété privée nous apparaît aujourd’hui comme une notion familière et nous n’envisageons pas qu’elle a une influence sur la manière dont les arbres sont agencés en agriculture. Nous avons donc analysé les transformations de ce long processus juridique où l’agriculture passe d’une organisation collective dans laquelle il était par exemple interdit de clore une parcelle, à l’individualisme agraire. En effet, avec l’enclosure des forêts, cette agriculture très extensive s’est intensifiée avec la polyculture-élevage et le bocage en fut l’un des principaux éléments structurants, en divisant l’espace agraire en autant de propriétés au fil des siècles.

Au détour de ce point, nous proposons une réflexion. Il semble que l’individualisme agraire, processus de deux à trois siècles inhérent à la configuration de la polyculture-élevage, est suivi d’une accélération du rythme des changements sociaux avec la modernisation agricole institutionnalisée en quelques décennies. La perspective historique montre qu’il est possible de dégager de ces rythmes une lecture du degré d’interdépendance sociale au sein des configurations sociales de l’agriculture française.

62 L’interdépendance sociale « structure des rapports de dépendance, assimilable à un équilibre

des tensions entre les parties d’un ensemble » (Déchaux J.-H. 1995, 5). Il y a donc dans ce

processus l’injonction accrue de tenir compte d'autrui dans l’élaboration des conduites et,

Outline

Documents relatifs