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Introduction Partie

7.1. Configuration sociale de l’agroécologie (2000 / 2010)

La configuration « agroécologique », dans laquelle les individus entrent en coopération pour reconnecter l’agriculture avec les équilibres naturels et les attentes sociétales, opère une transformation du cadrage de la précédente configuration sociale, où le développement sectoriel était mis en tension avec celui territorial, notamment sur les questions d’environnement. Il semble que la configuration agroécologique soit animée par des relations d’interdépendances équilibrées basées sur la coopération d’acteurs autonomes plutôt que sur une hiérarchisation de fonctions sociales dépendantes. Cette CSP repose sur une diversification des métiers, des formes d’engagement et des représentations au sein de l’agriculture. L’agriculteur, dans cette configuration, est soucieux de reconstituer ses marges d’autonomie. Les caractéristiques organisationnelles de la configuration agroécologique évoquent la définition d’un « réseau

168 d’action publique » que nous présenterons. Depuis cette évolution, le paradigme politique de l’agroécologie permet la représentation des diversités agricoles, autour de rôles redistribués pour définir les perspectives des agricultures. Au sein de collectifs, agriculteurs conventionnels et alternatifs, animateurs et scientifiques coopèrent pour trouver des « Solutions fondées sur la

nature » (SFN)91 et ouvrir des espaces de médiation pour repositionner l’agriculture face aux attentes sociétales.

« Les Solutions fondées sur la nature (SFN) sont des actions de protection, de gestion durable et de création ou restauration d’écosystèmes naturels ou modifiés pour répondre aux défis de société. Elles assurent une utilisation optimale et adaptative des ressources tout en permettant des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux. » (AFD 2019)

L’émergence des politiques d’écologisation, influencées par une mise en tension de l’agriculture autour des enjeux sanitaires et environnementaux, souligne en effet la structuration sociopolitique de mouvements et réseaux des agricultures alternatives. Si l’on observe la constitution du problème public agroforestier à travers sa mise en politique, en 2007 dans une mesure spécifique du second pilier de la PAC, puis en 2014 dans le « Projet agro-écologique

pour la France », on comprend qu’un rôle nouveau est donné aux agriculteurs comme à cette

diversité de réseaux qui portent une agriculture alternative.

Il semble ainsi possible de dire que la définition des orientations et la mise en œuvre des politiques agricoles françaises se soient européanisées, par le fait que ces groupes d’intérêts s’organisent désormais pour assurer leur propre représentation au sein de l’arène des politiques agricoles. En effet, l’effritement de la configuration monopolistique initiée avec l’agriculture multifonctionnelle devient avec l’agroécologie une configuration de pluralisme modéré. Cette configuration se façonne autour d’un repositionnement de l’Etat, moins dans la cogestion, avec un acteur majoritaire, que dans l’animation des dynamiques et la régulation des groupes d’intérêt qui émergent du terrain.

Ceci étant dit, cela ne veut pas dire que le pouvoir d’influence de la FNSEA, par exemple, soit atteint. Pourtant, deux situations politiques semblent avoir obligé cet acteur collectif à se repositionner sur l’échiquier politique. L’ouverture au pluralisme du syndicalisme agricole en 1981 a obligé la FNSEA à se repenser pour mieux intégrer la diversité des agricultures auparavant ignorées dans les CSM de la modernisation, puis de l’agriculture spécialisée. Or, il nous semble qu’un phénomène similaire s’est produit sous la mandature du ministre Stéphane Le Foll, avec la reconnaissance des réseaux de l’agriculture alternative dans la constitution des priorités publiques.

91 Apparu dans les années 2000, le concept a émergé sous l’impulsion de l’International Union for Conservation

of Nature (UICN) dès 2009 pour répondre aux enjeux d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques ainsi que de gestion des risques naturels.

169 Ce point sera l’objet de ce dernier chapitre qui abordera les tensions socio-politiques dans l’analyse de la mise en politique de l’agroforesterie au sein du PAEF. Cependant, trois ans après cette mandature, il apparait que les politiques interventionnistes défendues par la FNSEA pour soutenir le revenu des agriculteurs sont replacées dans les priorités du ministère de l’Agriculture sous le président Macron. C’est pourquoi la dimension pluraliste de la configuration agroécologique reste fragile et modérée dans ce secteur structuré par la cogestion. Pour autant, les déclinaisons du PAEF sur le terrain, l’adaptation des pratiques et les innovations semblent bien soutenues par ces réseaux pluriprofessionnels.

En effet, c’est dans cette configuration agroécologique de l’agroforesterie que son cadrage s’étoffe vers une complexification des systèmes de production, cheminement qui avance parallèlement à la recherche d’autonomie des agriculteurs. L’arbre devient une source de diversification et d’intensification écologique. Ses services écosystémiques sont expérimentés et quantifiés pour améliorer la résilience des systèmes agricoles face aux cadrages forts de l’effondrement de la biodiversité et du réchauffement climatique, pour ne prendre que ces exemples. L’approche systémique de l’agro-écologie permet par exemple à l’agroforesterie de se lier avec des techniques de conservation des sols autour d’initiatives comme le « 4 pour

1000 »92 (Meersmans J. et al. 2016) pendant la COP21, dont l’objectif était de mettre en évidence la capacité de stockage du carbone dans les sols agricoles.

Au-delà des productions directes de l’arbre (bois, fruits…) l’arbre est maintenant positionné en tant qu’élément structurant de l’agrosystème. Cette grille de lecture systémique de l’agroécologie est au centre du processus de transition écologique porté par la loi d’avenir de l’agriculture de 2014 portant sur l’écologisation des pratiques agricoles. Lorsque l’agriculteur s’intéresse à l’une des pratiques agroécologiques, il découvre en réalité des associations naturelles qui fondent les équilibres écosystémiques. La grille de lecture systémique de l’agroécologie inscrite dans des dynamiques collectives (GIEE) permet la prise de consciences que ces équilibres naturels sont indispensables pour produire. La PAC chemine également en ce sens avec son verdissement93, notamment pour que les revenus surfaciques directs soient non

plus déduits, mais bonifiés par la présence des surfaces d’intérêts écologiques (SIE) dont 5% des terres arables soit très bas.

Nous aborderons plus en détails dans la troisième partie de la thèse cette grille de lecture systémique de l’agroécologie pour comprendre son influence sur le processus d’écologisation des pratiques agricoles. Avant d’y parvenir, ce septième chapitre analyse l’évolution récente de la configuration sociale de l’agriculture en France qui impulse aujourd’hui la fabrication des politiques agricoles.

92 Objectif d’améliorer les stocks de matière organique des sols de 4 pour 1000 par an.

93 Depuis la campagne 2015, le versement des aides directes découplées est conditionné au respect de trois

règles environnementales, c'est ce que l'on appelle le "verdissement" de la PAC, notamment traduite par le dispositif (SIE).

170 7.2. Les programmes locaux de plantations des haies bocagères (1970s / 2000s) L’évolution des cadrages de l’arbre en agriculture présentés lors de la constitution de l’agroforesterie en problème public a parfois aussi été accompagnée de politiques locales de plantations qui sont initiées dès les années 1970. Elles sont donc antérieures à la configuration agroécologique dans laquelle nous situons une véritable mise en politique de l’agroforesterie dans les arènes nationales et européennes.

Cette sous-section reprend en grande partie des éléments de l'article « Des talus arborés aux

haies bocagères : des dynamiques de pensées du paysage inspiratrices de politiques publiques. » de Monique Toublanc et Yves Luginbühl (Toublanc et Luginbühl 2007, 4). Pour

préciser le retour de l’arbre dans les politiques agricoles qui commencera réellement dans les années 2000, il semble indispensable de présenter la trajectoire et le positionnement de ces programmes depuis les années 1970.

Au début des années 1970 on voit s’amorcer, dans la conception et la conduite de la politique de remembrement, des adaptations visant à prendre en compte les impacts sur l’environnement en les réduisant. Pour autant, la priorité reste celle de la modernisation. L’environnement ne constitue pas un projet en soi : on se contente de limiter les dégâts ou à défaut de les corriger. Dès 1970, le ministère de l’Agriculture a engagé des études d’environnement préalables aux opérations de remembrement, mais celles-ci étaient orientées vers une approche essentiellement écologique. La loi de 1976 sur la protection de la nature va rendre obligatoires les études d’impact dans le cadre du remembrement (Toublanc et Luginbühl 2007, 4).

Cette période initiatrice de la reconstitution du bocage s’inscrit sous l’angle de l’aménagement rural symbolisé par les Plans d’aménagement rural (PAR) lancés en 1970 avec beaucoup de succès, et complétés en 1975 par les contrats de pays. Dans ce contexte, toujours en 1975, une loi va ériger le remembrement en outil d’aménagement rural (Toublanc et Luginbühl 2007, 4). Ce nouveau cadre législatif et réglementaire signe une nouvelle sensibilité sociale à l’environnement et va influencer la mise en œuvre des remembrements et contribuer à faire advenir la politique de reconstitution du bocage, basée avant tout sur le traumatisme que représentent, pour la population rurale, les transformations sans précédent des espaces ruraux soumis à la brutalité des premiers remembrements des années 1960.

Pour la mise en œuvre de ces premiers programmes, les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) procèdent par le biais de subventions à des replantations qui convergent avec la politique forestière, sans aucune autre sensibilité paysagère ou écologique. Les premières replantations, au début des années 1970, réalisées dans les départements les plus touchés par les effets du remembrement comme les Côtes d’Armor, sont ainsi des plantations linéaires de résineux (thuyas, cyprès de Leiland et de Lawson et épicéas Sitka), essences subventionnées par le Fonds forestier national (FFN). Les termes utilisés, « bandes boisées », « rideaux boisés », « plantation en plein » (Toublanc et Luginbühl 2007, 4), traduisent aussi cette proximité entre la politique de replantation et la politique forestière dont l’objectif est de produire du bois ou encore de couper les vents dominants, puis assez vite de lutter contre les

171 phénomènes d’érosion. Ceci à la suite d’événements météorologique de la baie de Saint-Brieuc en 1973, où, lors d’un orage, un lotissement situé dans le bas de la pente du coteau de Langueux est inondé et envahi par la boue entraînée par les eaux de ruissellement (Toublanc et Luginbühl 2007, 4). Sans véritable approche paysagère, ces plantations sont déconnectées du réseau existant et tranchent par leur composition et leur morphologie avec les haies (émondées ou non) de feuillus.

Cette première approche s’estompe à partir de 1979, lorsque le ministère de l’agriculture et l’Institut pour le développement forestier (IDF) convergent vers une nouvelle forme de replantation. Elle inaugure la haie plantée sur un film plastique, faite de plusieurs strates arbustives et arborées et d’une grande diversité d’essences ornementales et champêtres. A l’origine de l’adaptation de ces programmes, on retrouve l’influence des travaux de D. Soltner, qui a notamment défendu l’intérêt de planter des feuillus dans le paysage de bocage. Le paysage bocager mais également la diversité paysagère, était alors atteinte par les plantations quasi systématiques de résineux. S’ajoute aux motivations paysagères, l’intérêt des haies pour le gibier ou la faune sauvage qui va aussi être soutenu par les fédérations de chasse. La loi de 1976 sur la protection de la nature et celle de 1975 inscrivant le remembrement dans l’aménagement rural, évoquée plus haut, ont complété l’argumentaire paysager des acteurs de la replantation.

La loi de décentralisation de 1982 souligne une nouvelle période. Les opérations de replantation sont désormais instruites par des institutions locales, dont en particulier les conseils généraux, puisqu’ils obtiennent la compétence des aménagements fonciers. Principaux financeurs avec l’Etat, les départements contribuaient à hauteur de 39% au budget de ces programmes entre 1986 et 1996 et encore de plus de 20% après 1996 (Pointereau P. 2002, 73). Cette politique était forcément hétérogène d’un territoire à l’autre, mais elle avait l’objectif d’atténuer l’impact des remembrements. A travers cette politique, les institutions vont aussi tenter de revaloriser l’image de l’agriculture. Aux opposants de l’agriculture moderne et productiviste qui se mobilisent contre les remembrements, il faut tenter de répondre en améliorant l’image de cette dernière, en agrémentant les abords des fermes et en dissimulant les bâtiments. Dans cette démarche, les chambres d’agriculture se chargent de la promotion de ces replantations « d’embellissement des fermes » (Toublanc et Luginbühl 2007, 6), politique qui souligne peut- être artificiellement la volonté des agriculteurs d’intégrer les fermes dans le paysage et ainsi s’impliquer dans l’amélioration des campagnes. Cette politique de plantation d’agrément coïncide avec une forte promotion du tourisme rural, des gîtes ruraux et des chambres d’hôte, dans une démarche de diversification des revenus.

A partir des années 1990, on constate le ralentissement des arrachages, processus lié selon Philippe Pointereau (Pointereau P. 2002, 72) aux différentes politiques publiques initiées pour contribuer au financement des plantations de haies bocagères. Cette décennie est d’abord marquée par une volonté quantitative qui cherche à équilibrer le ratio des arrachages avec celui des plantations. A partir de 1995, l’argumentaire paysager de la politique de reconstitution du

172 bocage s’inscrit désormais dans le « planter local » (Toublanc et Luginbühl 2007, 172) qui émerge avec la renaissance des identités régionales. Les essences éligibles aux subventions sont locales, au moins pour les haies plantées sur l’espace agraire. Cette nouvelle orientation révèle la volonté des services instructeurs et des opérateurs d’inscrire ces plantations dans l’écologie du paysage existant, ce qui est un changement d’orientation réel par rapport aux précédents programmes. Toutefois, cette promotion de la haie bocagère spécifique aux années 1990 ne promeut absolument pas les usages traditionnels, comme par exemple l’émondage de la ragosse, qui était probablement encore trop marqué du stigmate de l’archaïsme paysan. L’inscription paysagère de ces haies bocagères se veut donc plus d’une sensibilité qui met en avant l’écologie des espèces, plutôt que les formes paysagères sculptés par la main du paysan.

« L’enseignement que l’on peut tirer de cette période mérite cependant d’être souligné : jusqu’au moment où commence une nouvelle conception de la reconstitution du bocage, le paysage n’a été conçu que comme un agencement d’éléments formels, sans que son « fonctionnement » ni social, ni écologique, ne soit pris en compte. Ce qui semble uniquement important pour les institutions qui mettent en œuvre cette politique, c’est que l’on plante annuellement un kilométrage de haies qui paraisse, aux yeux du milieu politique ou du public, un chiffre important (même s’il est largement inférieur aux kilomètres de talus et haies arasés, ce qui est le cas). Que l’on plante sans souci des conséquences sur le ruissellement des eaux superficielles, sans préoccupation du fonctionnement écologique du paysage n’a finalement que très peu d’importance, au regard des objectifs de l’agriculture elle-même. » (Toublanc et

Luginbühl 2007, 173)

Sur les années 1994 et 1995, vingt-cinq départements soit un quart du territoire national, se sont engagés, par divers outils, dans des inventaires, diagnostics, chartes de développement rural, stratégie de valorisation, formation, plantation et entretien (Pointereau P. 2002, 73). Le ministère de l'Agriculture met en place le « fonds de gestion de l'espace rural » (Pointereau P. 2002, 73) en 1996. Ce fonds a représenté 34% de l'ensemble des aides dédiées à l'entretien, la plantation et la restauration des haies et des prés-vergers (Solagro 1997). Ces deux programmes ont permis d’augmenter l’enveloppe budgétaire dédiée aux arbres champêtres de 300 000 en 1992 à environ 1 million d'euros en 1996 (Pointereau P. 2002, 73).

Ces programmes ont ensuite été succédés par lescontrats territoriaux d'exploitation (CTE) que nous évoquerons plus bas avec les contrats d’agriculture durable (CAD). Pour les CTE, nous pouvons souligner la mobilisation par les agriculteurs des aides nationales au boisement en situation de déprise agricole, dont la philosophie était clairement dans la lignée d’une séparation entre agriculture et sylviculture, puisque dans le même temps les agriculteurs ont peu mobilisé les programmes d’installation de haies, malgré les politiques publiques dont nous venons de parler. En effet, le mouvement majoritaire des années 1990 et 2000 est resté marqué par la plantation de forêts dont le déploiement est significatif avec un accroissement de 78 000 ha par an au milieu des années 1990 (Pointereau P. 2002, 73). Si l’effort public a permis de contenir les destructions de haies, cet effet ne s’est pas appliqué aux arbres épars et aux fruitiers de haute tige dont les surfaces ont décru rapidement sur la période.

173 Parmi les facteurs du désintérêt des agriculteurs pour les plantations de haies sur ces deux décennies, nous pouvons avancer que le cadrage à l’origine de ces politiques favorables aux haies est marqué par l’opposition entre production d’un côté et préservation de l’environnement de l’autre, chacun porté par deux mondes sociaux hermétiques. De fait, les agriculteurs, au cours de la période, sont plutôt réceptifs pour réaliser des boisements en plein milieu de terres agricoles peu productives (coteaux, zone humide), mais ils sont étrangers au prisme environnementaliste des plantations de haies bocagères. Le manque d’engouement est d’autant plus réel pour cette majorité d’agriculteurs qu’ils ont la charge des travaux de plantation, d’entretien et que les surfaces concernées sont déduites des paiements directs « productifs » jusqu’en 2006. Dans le même temps, les mesures agri-environnementales qui émergent avec le second pilier de la PAC en 1999 sont particulièrement complexes à mobiliser et peu intégrées au référentiel métier des agriculteurs.

Autre facteur dissuasif, le marché du bois de chauffe permet à peine de couvrir les frais liés à son exploitation, effet qui trouvera une impulsion nouvelle à partir du Grenelle de l’environnement et la multiplication des chaudières à copeaux de bois, ceci dans une vision productive des haies.

La politique de replantations, complétée d'un appui sur le développement d'une énergie nouvelle, semble donc favoriser le retour des arbres sur les bords de champs et affirmer une orientation vers la multifonctionnalité de l’agriculture. (Pointereau P. 2002, 73)

Un dernier frein puissant pour l’adoption de ces pratiques est rencontré par les exploitants locataires des terres qu’ils cultivent. Les arbres étant liés au fond, les agriculteurs sont peu enclins de planter des arbres qu'ils vont « perdre » à la fin du bail.

L’hermétisme social et culturel entre ces deux mondes sociaux a eu l’effet de ralentir la reconnaissance des différents produits (bois de chauffage, fruits, BRF, fourrage, paillage) et services (lutte biologique intégrée, protection contre l'érosion, contribution à la qualité de l'eau, protection des cultures et du bétail, biodiversité et paysage) que procurent les haies et arbres épars. L’absence de reconnaissance apportée aux référentiels des agriculteurs est un facteur explicatif central de l’échec des programmes de plantations de haies.

C’est seulement à la fin de la décennie 1990 que ces politiques de reconstitution du bocage s’intéressent et promeuvent les fonctionnalités de l’ensemble du réseau bocager. Déjà, la loi « paysage » de 1993 et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « SRU », de 2000, qui instaure les PLU, signalent la nécessité dans certaines situations paysagères de «

protéger des haies ou réseaux de haies » (Toublanc et Luginbühl 2007, 173).

« Les objectifs de la politique sont alors, plus que jamais pluriels : écologiques (maintenir la faune et la flore, exprimé dorénavant par le terme de « biodiversité »), hydrologiques (agir sur le ruissellement de l’eau), climatiques (protéger des cultures et des habitats contre les vents), économiques (produire du bois de chauffage, notamment sous la forme de plaquettes), cynégétiques (maintenir du gibier), paysagers (améliorer la qualité du paysage), etc. Cette pluralité est aujourd’hui affirmée avec force. Les fonctions de la haie sont à la fois plus large,

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plus précise et plus intégrée, comme en témoignent, l’emploi du maître-mot « multifonctionnalité » attaché dès son apparition à la haie. » (Toublanc et Luginbühl 2007, 173)

La grande évolution de ces politiques institutionnelles est le passage d’une distribution quantitative de kilomètres de haies à des plans de gestion du territoire selon des enjeux diagnostiqués. Cette approche s’impose dans les années 2000 sous l’influence des expérimentations de terrain, initiés par le milieu associatif ou la communauté scientifique. Il reste que, malgré cette évolution, les liens de ces politiques restent distendus avec le monde agricole encore peu sensible aux intérêts écologiques et agronomiques du bocage, d’autant que les questions d’entretien des haies réalisées et celles des filières de valorisation de ces bois ne sont pas résolues.

Dans cette trajectoire des politiques de replantation, l’enchainement, la superposition des configurations sociales est traduite par l’évolution du paysage. La configuration des relations entre les acteurs chemine du monopole d’Etat qui met en œuvre le transfert de références

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