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Sélectionner un dirigeant français opérant dans un environnement multiculturel

SELECTION DES DIRIGEANTS

5.2 Le dirigeant, agent et leader d’un système complexe

5.2.3 Sélectionner un dirigeant français opérant dans un environnement multiculturel

Fielder a très tôt signalé (1978) la relative faiblesse des relations leader-suiveur dans les contextes de collaboration interculturelle. A sa suite, de nombreux auteurs ont soulevé l’impact de la culture sur les caractéristiques du leader et les moyens de leur identification (Ayman, Chermers, Hanges, Lord et Dickson), appelant à l’intensification d’un champ de recherche riche d’applications.

La culture d’une région ou d’un pays construit « la programmation collective de l’esprit qui distingue les membres d’une catégorie de personnes à une autre » (Hofstede et Bond). Le contexte culturel s’exprime par les formes visibles des frontières ou les groupes, mais aussi par les indices implicites des valeurs et normes, influençant les comportements des acteurs (les cognitions et attentes), le système (la forme des règles et leur puissance d’imposition) et leur interaction (le comportements réciproques dirigeants-dirigés).

Premier niveau d’analyse, la culture organisationnelle définit des critères et normes, établissant les procédures et règles de l’interaction sociale. Là où le machiavélisme apparaitra comme un attribut transformationnel dans des structures mécanistes, la flexibilité et l’adaptabilité seront plus valorisées dans des structures organiques. L’échec de Bob Nardelli à la direction de Home Depot est un exemple des risques de l’inadéquation entre culture organisationnelle et culture du dirigeant. Connu comme dirigeant arrogant et autocratique mais performant, il a mené une carrière florissante au sein de GE. Les mêmes comportements au sein d’Home Depot ont échoué, notamment en raison de son incapacité à créer l’engagement des collaborateurs, son intégration se soldant par un débarquement retentissant et onéreux.

Dans une perspective élargie, la définition du dirigeant s’ancre dans le common knowledge sociétal, la culture locale, nationale ou régionale façonnant les attitudes, valeurs, et comportements au travail, dans une dimension multi générationnelle. Le style de management prédominant dans un environnement définit le portefeuille de caractéristiques comportementales distinguant l’approche locale du management (Pascale et Athos, 1981) et

induit indirectement les critères et processus de sélection les plus appropriés (Hofstede,

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

la variance interculturelle des prototypes du leadership sont expliqués par les différences culturelles.

La théorie de la divergence montre que ces croyances et valeurs partagées peuvent être inhibitrices ou au contraire contributives à un leadership efficace (Dorfman et al. 2004). Les recherches dans ce domaine ont illustré la formation de théories implicites du leadership29

(Ayman 1993, Liu 2009, Ayman -Nolley 2006, Ling, Chia et Fang 2000) et l’ancrage de figures symboliques durant le développement précoce : le leader se construit très tôt dans le regard, et à travers les filtres, de l’observateur, antécédent et résultats de rationalités « culturelles » limitées qui s’ajoutent ou s’opposent au style organisationnel.

Les promoteurs de la perspective de divergence soutiennent que les cultures nationales restent préséantes sur les injonctions globales et résistent à la globalisation des entreprises (Evans 1970 ; Lincoln et al. 1978 ; Ralston et al. 1997 ; Ricks et al. 1990). Pour les tenants du champ néo- institutionnel, l’environnement culturel façonne l’organisation, qui doit ajuster ses structures

et comportements pour maintenir sa légitimité sur un terrain global (Meyer et Rowan

1977 ; DiMaggio et Powell 1983), alors même que la complexité organisationnelle rend nécessaire la cohérence de cette légitimité dans les différentes géographies d’opération (Kostova et Zaheer 1999).

De multiples explorations comme les études Globe30 ont confirmé l’impact de l’incongruence

culturelle entre les stéréotypes sociétaux et organisationnels, appelant à examiner les

interactions entre caractéristiques du leadership et culture dans une dimension plus intégrative. Ces paradoxes peuvent questionner la rationalité d’une approche centralisatrice de la gestion des talents, pourtant considérée comme une pratique avancée en termes de gestion des talents. L’entreprise globale doit ajuster les processus d’identification et de développement des dirigeants en adoptant une perspective géocentrique, articulant un travail collaboratif entre headquarters et sous-systèmes.

29 ILT : Implicit Leadership Theory et Leadership categorization

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

En théorie, à défaut de sélectionner ou former des dirigeants « a-culturels », ce que certaines entreprises revendiquent comme objectif, l’adéquation des processus de sélection ne pourrait s’établir que dans le contexte de carrières culturellement homogènes, de futurs dirigeants possédant une parfaite agilité de styles culturels, et/ou un accompagnement des compétences vers la dimension interculturelle pour des régions ciblées.

C’est cette dernière pratique qui prévaut actuellement sur le terrain opérationnel, la préparation des dirigeants à la prise de fonction dans des environnements géographiques élargis s’effectuant par des formations, expositions, coachings ou nominations développementales. Nous avons d’ailleurs constaté que l’une des motivations principales des entreprises qui inscrivent leurs futurs dirigeants dans le Next MBA est la volonté d’accompagner les talents locaux vers un destin multinational ou global.

Les processus de sélection sont modestement matures sur cette dimension, et devraient s’outiller pour une meilleure prise en compte des aspects (inter)culturels. Une réponse rationnelle peut être de prioriser la détection de valeurs convergentes, au sens de Webber (1969). La capacité à accompagner le changement, la création et l’accompagnement des

relations, l’ingéniosité (resourcefulness) semblent être les compétences les plus convergentes,

quelle que soit l’origine culturelle (Gentry et Sparks31). Une autre priorité des processus de

sélection peut être celle de l’exposition et l’expérience au sein de milieux interculturels, et de la détection de leaders agiles dans leurs styles et attributs de leadership.

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