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Le leadership du dirigeant, miroir des enjeux organisationnels et sociétau

SELECTION DES DIRIGEANTS

5.1 Le leadership, attribut implicite du dirigeant

5.1.1 Le leadership du dirigeant, miroir des enjeux organisationnels et sociétau

La théorie de l’agence positionne le dirigeant comme agent au service du fonctionnement d’un système organisationnel optimisé. Mais le dirigeant est aussi dirigeant-acteur. Dans son rôle d’acteur, il définit et transmet les valeurs organisationnelles, initie et soutient le changement, accompagne l’identification, l’analyse et la résolution de problèmes collectifs complexes, façonne la culture d’entreprise, combine et engage les ressources de l’entreprise autour de la stratégie définie. Nous postulons donc qu’un dirigeant est amené à agir comme « leader » pour le compte d’au moins une entité et que sa sélection devrait par conséquent inclure la détection des attributs du leadership. Nous choisissons ainsi de nous affranchir du débat portant sur les rôles respectifs des leaders et managers, en rejoignant la position d’Henri Mintzberg qui aimait à rappeler que « (…) les managers qui ne sont pas leaders sont décourageants, et les leaders qui ne managent pas sont dangereux ».

La définition du leadership per se reste un débat actif. En 1974, Stogdill identifie 72 définitions différentes (1902-1967). En 1990, Bass identifie autant de définitions du concept de leadership que de personnes ayant cherché à le définir. La notion de leadership reste un construit aux contours flous, relevant plus d’une myriade d’idéaux-types plus ou moins convergents que de

22 Enquête annuelle Boston Consulting Group, 3507 répondants exécutifs en 2015 – Leadership development positionné chaque année en première urgence depuis 2012

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

la définition rationnelle. Ce malgré le - ou en raison du - fait que le leadership est l’un des sujets ayant mobilisé le plus de chercheurs et de recherches, à la croisée d’une grande diversité de niveaux d’analyse (processus, comportements, individus, groupes, organisations). Depuis le début des années 90, on recense plusieurs milliers de publications, dont, comme le constate Kets de Vries avec cynisme, la pertinence est loin de concurrencer le nombre.

Les définitions originelles du concept articulaient des « caractéristiques » individuelles, d’hommes providentiels (Great man theory). Les théories des traits (trait theories) séminales esquissées au milieu du 19° siècle par Carlyle (1849) et Galton (Hereditary Genius, 1869) décrivent les qualités d’hommes extraordinaires aux qualités considérées comme constitutives, par hérédité et/ou génétique, de l’individu. Ces théories mettent en avant les leaders « visionnaires », en relation avec les facteurs de réussite environnant la révolution industrielle: les organisations qui émergent et croissent au début du vingtième siècle devront leur développement au génie de leurs dirigeants, souvent perçus comme des rêveurs irrationnels, ceux-là même qui combineront ambition, prise de risque, vision et perception intuitive - intégrative- de la donne industrielle émergeante pour transcender le destin d’une société familiale vers une entreprise « des temps modernes ».

Au milieu du vingtième siècle, la théorie de l’homme génie est critiquée de façon massive dans le monde occidental, parallèlement au rejet d’après-guerre des figures dominantes, charismatiques et dangereuses (Drucker, 1954), et en lien avec les résultats d’études d’ampleur comme celles de Stogdill ou Mann. L’étude du leadership prend alors la perspective des comportements et processus et non plus celle de « qualités » individuelles, à l’image de la position de Stogdill (1948) : « L’évidence suggère que le leadership est une relation qui existe entre les personnes dans une situation sociale donnée, et que les personnes qui sont leaders dans une situation ne le seront pas nécessairement dans une autre ».

Dans le prolongement des études de Lewin ou Likert qui examinent notamment les « styles de commandement », la nécessité de définir différents styles de leadership par les comportements exprimés gagne peu à peu en notoriété sur le terrain académique. Les chercheurs s’écartent de ce que les leaders sont, pour examiner ce qu’ils font, dans les théories dites « behavioristes »

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

(Baron & Byrne, 1987; Blum & Naylor 1956; Ghiselli & Brown 1955; Muchinsky 1983; Secord & Backman 1974). Parallèlement la recherche s’intéresse de plus en plus à l’impact des paramètres de contexte et de situation, sa plus célèbre illustration restant l’étude controversée de Stanley Milgram (1963).

Les rationalisations organisationnelles plus ou moins dérivées des principes de l’OST23

évoluent progressivement vers une vision bipolaire des processus du leadership, l’orientation d’un leader s’inscrivant souvent alors vers « la tâche » ou « les hommes », dans un cadre bipolaire « structure » / « relations »24, dichotomie qui donnera naissance à de nombreux

référentiels comme la grille emblématique de Blake et Mouton (1964).

L’émergence des théories contingentes et situationnelles comme les travaux de Fiedler ou Hersey & Blanchard accompagne le rapprochement, voire la réconciliation, des approches

opposant gestion des tâches et des hommes. Ces deux catégories resteront durablement au

cœur des théories comportementales du leadership (Bass ; Judge, Piccolo et Ilies), même si des propositions nouvelles contribuent à articuler une vision plus holistique, contextuelle et

intégrative, du leadership. Les cadres conceptuels intègrent progressivement les théories de

la motivation et des relations humaines (Mayo, Herzberg, Mc Gregor, Maslow) en s’enrichissant des apports du courant des relations humaines et de ses exégèses, dont les concepts issus de la psychologie peinaient initialement à s’imposer dans la rationalité du monde managérial.

Plus tard, alors que les travaux de psychologie et de sociologie des organisations (Crozier, Friedberg) examinent les schémas de pouvoir et d’influence entre les acteurs, les théories du leadership réintègrent certains paramètres ou traits de personnalité des leaders, prenant en considération l’importance des schémas cognitifs conscients ou inconscients dans

l’émergence et l’efficacité du leadership.

23 Organisation Scientifique du Travail

24 « Initiating structure » et « Consideration » différencient les comportements de 1000 leaders dans les publications de l’Ohio State university, 1940- 50

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Avec la troisième révolution industrielle, les théories du leader transformationnel donnent un souffle nouveau au champ disciplinaire. Décrivant des leaders charismatiques, capables de générer la surperformance chez leurs « suiveurs », elles proposent une perspective complémentaire au leadership transactionnel (House, Bass, Burns). Day et Antonakis adoptent une définition mixte, replaçant le leader comme un acteur dans le système leader-suiveur, focalisant l’efficacité du leadership sur les processus d’influence et ses conséquences, tout en reliant ses caractéristiques aux comportements et caractéristiques des protagonistes de la relation.

Deux pôles restent en opposition relative : ceux qui considèrent que le leadership relève des attributs de personnalité (L’homme de Bass, Yulk, House et Aditya), et ceux qui réfutent l’impact des préférences et caractéristiques individuelles au profil des aspects situationnels, à l’image de la révélation contextuelle de leaders comme Rudolph Giuliani transformé en « Churchill in a baseball cap ». Certains, comme Wilson25, réunissent les deux notions autour

de la dualité des comportements « individualiste » et « altruiste », considérant le leadership comme la résultante contextuelle de la quête d’appartenance à un groupe. Pour ces auteurs, la collaboration durable dans l’entreprise dépend de la capacité à engager les comportements altruistes, positionnant le dirigeant au cœur de la régulation d’un système de coopération. Cette dimension était préfigurée par Steve Jobs promouvant la « deep collaboration » (proche de la boundaryless organisation de Welch) et le « concurrent engineering », transformant une séquence de processus indépendants en intégration de contributions, c’est-à-dire en favorisant les comportements altruistes.

5.1.2 La renaissance des théories des traits : le paradigme des

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