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Les mesures de personnalité dans les processus de sélection du dirigeant

du XXI ème siècle Le leadership authentique, proche, ajoute la dimension d’alignement des

FUTURS DIRIGEANTS

8.3 Les outils des processus de sélection des futurs dirigeants

8.3.1 Les outils des processus de sélection du futur dirigeant

8.3.1.3 Les mesures de personnalité dans les processus de sélection du dirigeant

Considéré comme dévoilant une lecture « objective » des traits, valeurs, motivations, et autres aspects de la personnalité du futur dirigeant, le test de personnalité est une étape incontournable de la plupart des processus de sélection français.

La pratique de tests de personnalité pour les activités de sélection remonterait à 4000 ans en Chine, dans le cadre de la sélection des « fonctionnaires ». A la fin du 19ème siècle, la naissance

des premiers instituts de psychologie (Wundt en Allemagne, Cattell aux US), suivis par les travaux fondateurs de Sir Francis Galton et Binet (1905), vont susciter en France puis aux USA un intérêt massif. Le focus initial cognitif va progressivement créer de nouveaux champs d’examen. C’est ainsi que se succédèrent, de façon non exhaustive, le test de Woodworth (1919) sur lequel se basera la création du Thurstone Personality Schedule (1930), le Minnesota Multiphasic inventory (MMPI 1940), le California Psychological inventory (CPI, 1987).

Aujourd’hui les tests les plus communément utilisés sont les instruments multidimensionnels comme le MBTI, le CPI, le Sixteen Personality Factor (16PF), le Eysenck Factor Questionnaire (EPQ-R) et le NEO Personnality Inventory (NEO-PI-R). La version révisée du MMPI (Minnesota Multiphasic Personality Inventory) est encore largement utilisée bien que sa validité soit remise en question par de nombreux chercheurs.

Le domaine des tests de personnalité est un archipel complexe de méthodologies, concepts, et attributs, intégrant différents types de tests explorant les traits de personnalité (9 à 16 traits, souvent présentés en binômes d’extrêmes), les motivations et valeurs, et des tests examinant

les comportements ou les modes de fonctionnement, combinant richesse et confusion dans

la définition des traits centraux, secondaires, proximaux ou distaux à la performance ou l’émergence du leadership, générant une course à la détection du « silver bullet » qui permettrait à coup sûr d’identifier « le » potentiel.

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

La recherche a historiquement été dominée par des auto-évaluations. L’utilisation des analyses factorielles et l’avènement du 16PF puis du FFM (Five Factors Model), ou « Big five » de Cattell ont permis d’apporter une « norme » partagée. La généralisation des méta-analyses a permis de réévaluer les sources de variabilité et les tendances centrales, mais apportent des réponses différentes selon les dimensions considérées, induisant une certaine confusion dans l’utilisation opérationnelle des modèles (Chartrand, Rose, Elliott, Marmarosh & Caldwell, Barrick & Mount, Tett, Jackson & Rothstein). Un certain nombre d’études ont relié les variables et attributs de personnalités à l’efficacité des leaders, proposant des fondements empiriques solides à l’argument que la personnalité peut constituer un élément prédicteur

dans l’efficacité du leadership (Judge, Bono, Ilies, & Gerhardt, (Cf. Zaccaro, Kemp, & Bader,

2004, pour une revue). On a observé une corrélation modérée entre la mesure de certains traits personnels et les performances organisationnelles (Schmidt, Gooding, Noe et Hirsch, Barrick & Mount). Peterson, Smith, Martorana et Owens montrent notamment que les caractéristiques de la personnalité du CEO affectent la dynamique de fonctionnement de la top management team. Judge, Bono, Ilies, et Gerhardt identifient via une meta-analyse (73 échantillons) une corrélation multiple pour quatre des cinq facteurs de personnalité pour l’émergence et l’efficacité du leadership, les coefficients de corrélation restant plus modérés pour l’efficacité du leadership que pour son émergence.

L’intégrité et l’extraversion sont les plus régulièrement corrélées à la performance des senior

exécutifs et managers. (Hough, Ones, Viswesvaran, Dilchert), ainsi que la stabilité

émotionnelle.

Les tests de personnalité sont classiquement inclus dans les méthodes d’évaluation incluant des outils multiples et sont utilisés dans environ 80% des sélections outre-Atlantique, toutes catégories confondues (Salgado et al. 2001, Thornton et al. 2009), leur utilisation étant moins systématique bien que répandue en France. L’aspect intrusif dans l’espace personnel, l’éloignement de la mesure des compétences business, font partie des reproches formulés à leur encontre (Burke et Noumair, 2002, Cappelli, 2008, Effron et Ort, 2010).

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

A l’échelle organisationnelle, est souvent opérée la mise en place d’un instrument de mesure

commun au groupe pour l’évaluation de la réserve de talents, démarche logique et rationnelle.

Cependant, de multiples biais de concept, de méthode, ou d’items peuvent impacter l’administration des tests dans les environnements multiculturels. Pour prendre un exemple trivial, peut-on comparer les scores d’introversion, ou de conformité, de natifs chinois et américains ? Dans une perspective plus spirituelle, l’empathie française peut-elle être « traduite » par l’omoiyari japonaise ? Comment intégrer fidèlement les notions d’ubuntu49

africaine, ou le construit grec de philotimo50?

Si des questionnaires comme le NEO-PI-R et le questionnaire de personnalité d’Eysenck, ont démontré leur équivalence fonctionnelle, catégorielle et conceptuelle interculturelle, à l’exception de la dimension extraversion (Rolland, Blaylock & Rees, Mc Crae et al, Van Hemert, Van de Vijver), leur utilisation sur le terrain par des populations non expertes ne garantit pas les conditions optimales de leur exploitation.

Les tests de psychométrie, bénéficiant de plus de six décennies de progrès méthodologique,

constituent une mesure valide des traits ou attributs mesurés.

En contraste, l’utilisation qui en est faite peut ajouter une dimension irrationnelle :

- L’utilisation de ces tests se fait parfois en dehors de toute autre outil pour l’évaluation. - Pratiquée par des professionnels non formés, elle sera génératrice de biais d’autant plus

prononcés.

- La recherche de simplification a conduit à la commercialisation de « variantes » de tests dont la validité n’est pas démontrée.

- Aucun « Silver bullet » n’est identifiable, et les traits valorisés dans les profils actuels ne sont pas nécessairement les traits du leader de demain.

49 Notion des langues bantoues, conception humaniste de l’identité individuelle intégrant respect, serviabilité, appartenance à une communauté

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

De façon générale, l’utilisation de tests de personnalité dans le contexte professionnel appelle à une grande prudence, et une approche professionnelle avertie et précautionneuse.

L’utilisation d’outils comme le test Belbin, ou le test Papi, explorant les rôles et préférences

individuels positionnés dans une perspective collective, répondent mieux aux enjeux du

leadership partagé ou de la complémentarité des style cognitifs.

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