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du XXI ème siècle Le leadership authentique, proche, ajoute la dimension d’alignement des

FUTURS DIRIGEANTS

8.1 Les talents et hauts potentiels : la réserve organisationnelle des futurs dirigeants

8.1.2 La population des « hauts potentiels »

La notion de potentiel est apparue avec la recherche de prédictibilité dans les centres d’évaluation développés pour les applications militaires. Le potentiel sous-entend la capacité à se développer, qui n’est pas incluse dans toutes les définitions des talents, comme le montre Sylvie Roussillon dans son étude comparative des notions : le talent dans son acception initiale, n’a pas été formulé comme « développable » par Mc Kinsey, Michaels, ou encore Miralles, Dejoux et Thévenet.

Si les styles de management et le leadership font partie des sujets les plus populaires en recherche en science de gestion, la littérature sur la notion de potentiel et les moyens de sa détection est nettement plus frugale, renvoyant le lecteur à trois grands types de contenus : des

JUMELLE-PAULET Delphine | Thèse de doctorat | Décembre 2018

livres d’auteurs et « gourous » en management, des recherches internes aux organisations, et des contenus en provenance d’institution commercialisant des outils de détection.

Très peu d’études explorent les dimensions sous-jacentes du potentiel, études essentiellement centrées sur la validation de modèles de prédiction. La notion en elle-même est porteuse de confusion voire d’irrationalité :

- Certains acteurs de l’organisation associent le potentiel à la personne : « C’est un véritable potentiel ».

- D’autres l’utilisent sous une forme dynamique : « Elle a du potentiel », « il doit développer son potentiel ».

- Beaucoup de managers ou professionnels des ressources humaines leaders le conceptualisent comme quelque chose qui serait détenu, ou non, par les individus, comme une capacité individuelle inhérente, et non comme une projection de possible futur.

- Pourtant, le potentiel est un pari sur l’avenir, non seulement de l’individu et de sa capacité à se développer, en relation avec l’évolution contextuelle et organisationnelle. Les « potentiels », « high potentials », « hauts potentiels », ou « HiPos » sont classiquement les collaborateurs identifiés, au sein de l’entreprise, comme ayant le « potentiel » à endosser

des rôles futurs, en principe intégrant des responsabilités plus larges, et de plus haut niveau hiérarchique.

Les potentiels futurs dirigeants sont ceux dont on estime qu’ils ont le « potentiel » à occuper des postes exécutifs ; cette définition implique une hétérogénéité de fonctions, de

compétences, ou même de statut managérial, compliquant la création, la lecture et la mise en œuvre des processus de leur sélection.

La désignation des hauts potentiels peut revêtir différents critères, plus ou moins combinés selon les organisations, les entités, et les individus au sein même des organisations, variablement articulée avec la notion de talent, plus ou moins explicités et partagés.

L’appréciation du potentiel dans les organisations dont les pratiques de ressources humaines sont considérées comme matures (Church, Rotolo) est normée et partagée au sein de l’organisation. Mais les étapes de sa mise en œuvre dépendent de la rationalité limitée des

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acteurs qui l’identifient, qui ont souvent une perception façonnée par l’expérience, différenciée des propositions organisationnelles (Church & Waclawski, Gandossy & Effron, 2003). L’intégration de la détection, des flux d’importation et d’exportation de « potentiels » fait partie des critères d’évaluation des managers. Ce qui est en soi une démarche rationnelle et cohérente avec le besoin des organisations est une source additionnelle de risques et de biais dans les évaluations, les enjeux du sous-système (nommer chaque année un nombre n de potentiels) n’étant pas toujours parfaitement alignés avec ceux du système organisationnel (définir les meilleurs potentiels pour les rôles futurs).

Les approches récentes du potentiel dans les grandes entreprises ont évolué en lien avec la dynamique économique VUCA. Dans le contexte français, la nécessité de discriminer entre potentiel et performance a nécessité un temps d’adoption supérieur à celui de son application dans les entreprises nord-américaines, menant tardivement à l’adoption de la « 9 boxes grid », ou matrice performance-potentiel, permettant de « mesurer » le potentiel et la performance et nourrir les processus de sélection. Cette rationalité différentiant performance et potentiel, que nous avons souvent rencontrée dans nos interventions dans les grandes entreprises, souffre toutefois de la relative imprécision des définitions opérationnelles de la notion de potentiel. A titre d’illustration, Bournois et Roussillon mènent en 1992 une enquête auprès des grandes entreprises françaises, cherchant à comprendre la définition du « cadre à haut potentiel français », illustrant le paradoxe porté par le caractère « prédictif » de la notion de potentiel et sa relation avec la notion de performance. D’après les répondants à cette étude, les cadres à haut potentiel sont essentiellement définis par leurs capacités à endosser des fonctions aux niveaux

supérieurs (84% des réponses), les caractéristiques relatives à la performance ou à la

personnalité n’étant citées que dans 14% des cas.

Ce sont donc les « capacités » à endosser des responsabilités de plus grande ampleur qui déterminent la perception du potentiel. Le schéma se complique lorsque les auteurs explorent les motivations ou cognitions des managers permettant d’inférer cette capacité projetée : le premier critère est la performance dans le poste actuel (81,4%), le second étant la

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La mise en relation des notions potentiel et performance apparait alors particulièrement périlleuse : si le potentiel est évalué à partir de la performance actuelle ou passée, est-il avantageux de « définir » la notion de potentiel ? C’est d’ailleurs le premier sujet de

préoccupation de ces répondants qui se déclarent en difficulté face à l’absence de définition claire –c’est à dire rationnelle et mesurable- du potentiel et de ses critères d’évaluation. Les critiques des dynamiques individualistes induites par le « Stack-ranking » ont considérablement réduit les pratiques de type « Loi de Pareto », détectant les « top performers » dont GE était l’un des utilisateurs emblématiques, laissant les évaluateurs relativement démunis face à la détection du sacro-saint potentiel.

A ce jour, les modèles de hauts potentiels s’organisent autour de 4 grandes dimensions: le rôle (mobilité potentielle vers des rôles sénior dans l’organisation, environ 35% des organisations), le niveau (potentiel d’évolution vers le niveau n+2/3, 25 % des organisations), le scope (la capacité à endosser des responsabilités élargies, pour 25% des entreprises ), la

surperformance (10%) (Silzer, Church, 2009 – échantillon nord-américain).

Les modèles de référence pour le potentiel sont des spécificités organisationnelles, et ne peuvent s’appréhender que dans le cadre du contexte industriel de l’entreprise. La plupart des grandes entreprises réalisent une segmentation de leurs talents et potentiels, mêlant souvent les deux notions, par niveau, par fonction stratégique, par pays. Certaines, en ligne avec les recommandations majoritaires, créent un « global talent pool » pour lequel la mobilité est un critère constitutif du potentiel.

Une étude du Corporate Leadership Council réalisée en 2005 illustre cette forte dépendance de la définition du « potentiel » à sa perception organisationnelle43. Les définitions issues de

10 grandes entreprises internationales sont regroupées ci-après :

- A la capacité à passer au niveau n+1 sous 2 à 3 ans, au niveau n+2 sous 5 ans - A la capacité à passer deux à trois strates de niveau global en moins de 5 ans

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- Présente de « hauts niveaux de capacités » en résolution de problème, motivation intrinsèque, capacités relationnelles

- Performance notée 4 ou 5 sur une échelle 1-5 plusieurs années de suite - Potentiel défini autour de la notion de capacités, d’ambition, d’engagement - Performance exceptionnelle sur 2 ou 3 ans

Certaines entreprises adoptent des définitions comportementales ou mixtes, comme Microsoft : Smart, work hard, get things done : présente de « hauts niveaux de capacités » en résolution

de problème, motivation intrinsèque, capacités relationnelles, potentiel défini autour de la

notion de capacités + ambition + engagement.

Le consensus qui se dégage autour des critères du potentiel inclut un haut niveau de

performance, l’engagement, la volonté de se diriger vers une position de leadership et l’agilité dans l’apprentissage, associée à la détention de compétences dites « molles »

(Corporate Leadership Council).

La notion de haut potentiel apparaît souvent liée au terme de leadership, dans une relation plus ou moins explicitée, les définitions contemporaines des « très hauts potentiels » exprimant plutôt des attributs du leadership transformationnel.

8.1.3 Rationalités et irrationalités dans le groupe protégé des hauts-

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