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Le roi est mort, vive la Nation !

Dans le document La République a-t-elle encore un sens? (Page 49-54)

« Dans un Etat despotique, le chef de la nation est tout, la nation n’est rien ; la volonté d’un seul fait la loi, la société n’est point représentée. », telle est l’affirmation que nous trouvons dans l’article de l’Encyclopédie intitulé « Représentants » et rédigé par D’Holbach173

.

Nous pouvons y voir l’annonce et la clef du bouleversement qu’opèrera la Révolution. Sous la monarchie absolue de droit divin, le roi est effectivement le détenteur exclusif de l’autorité politique. Pour le dire autrement, la souveraineté se trouve incluse tout entière dans la fonction royale. A partir de 1789, émerge en revanche le nouveau lieu d’où sont prises les décisions, à savoir la Nation174 :

« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément », stipule le troisième article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.175

Un tel déplacement176 constitue un fait majeur. De lui procèdent les autres bouleversements opérés par les révolutionnaires. L’Ancien Régime, puisque la nation n’était rien, ne reconnaissait que des devoirs aux sujets, voués à obéir au monarque et à Dieu. Devenue quelque chose, et représentée en tant que détentrice de l’autorité politique, la Nation permet, elle, l’attribution de droits aux individus qui la composent. Le sujet, soumis et obéissant, devient ainsi un citoyen entretenant une relation contractuelle avec un Etat chargé de garantir son statut. Si le principe de la souveraineté nationale, qui permet à une collectivité de sortir d’un état de tutelle et de s’affranchir, peut être admis comme un dénominateur commun à toutes les républiques, la mise en avant de libertés individuelles liées à la reconnaissance de droits civiques et politiques relève cependant d’une spécificité républicaine non seulement française, mais plus largement occidentale177.

173 Paris, Flammarion, 1986, vol. II, p. 294 (déjà cité note 48, p. 16).

Sur l’Encyclopédie :

Darnton (Robert). L’Aventure de l’Encyclopédie. Paris, Perrin, 1982.

Lough (J.). Essays on the Encyclopédie of Diderot and D’Alembert. Oxford, 1968. Venturi (F.). Le Origini dell’ Enciclopedia. Firenze, 1946.

174 La nation (avec une minuscule) se rapproche du mot « peuple » dans son acception courante, et renvoie à

une conception ethniciste de l’identité : un groupe humain dont l’unité repose sur une communauté de langue et de culture. La Nation (avec une majuscule) désigne en revanche l’association politique qui détient légitimement l’autorité dans une république. La perspective, cette fois, est universaliste, car le citoyen ne se définit pas par son origine ou par ses mœurs, mais par sa participation à un projet collectif. La première regarde vers le passé, la seconde est tournée vers l’avenir. Même si les textes conservent parfois « nation », nous préfèrerons dans ce dernier cas écrire « Nation ».

175 In Dominique Schnapper, Qu’est-ce que la citoyenneté ?, Paris, Gallimard, 2000, pp. 112-114.

176 C’est cette idée même de déplacement qui permet d’identifier le processus qui conduit à l’instauration

d’une république. Certes, la monarchie n’est pas encore abolie en 1789, mais le principe républicain est déjà en œuvre, puisqu’il s’agit de s’affranchir de l’absolutisme et que la souveraineté, attribuée à cet être collectif qu’est la Nation, n’est plus tributaire ni de l’héréditaire dynastique ni de l’arbitraire royal. Aussi le déplacement procède-t-il ici à l’affranchissement qui définit les républiques et qui a précédemment été examiné.

177 Nous montrerons dans la deuxième partie de ce travail dans quelle mesure la République dans sa version

La référence à la poursuite d’une res publica rompant avec un système de gouvernement hiérarchisé, vertical, et privatisé de type féodal est évidente dans cette réponse de Bonaparte au Directoire178 :

« Citoyens Directeurs, le peuple français, pour être libre, avait les rois à combattre. Pour obtenir une constitution fondée sur la raison, il y avait dix-huit siècles de préjugés à vaincre179. La Constitution de l’an III180 et vous, avez triomphé de tous ces obstacles. La religion, la féodalité et le royalisme ont successivement, depuis vingt siècles, gouverné l’Europe ; mais de la paix que vous venez de conclure181

date l’ère des gouvernements représentatifs. […] »182

Le corollaire de l’affirmation de la Nation comme lieu exclusif de la souveraineté est le problème de la représentation. Cette dernière constitue effectivement un enjeu essentiel, puisque sans elle la souveraineté n’est point assurée, et la république est perdue. Il s’agirait dès lors de la contrôler de manière à ce que le représentant s’exprime bien au nom du représenté. Si tel n’était pas le cas, les gouvernés ne participeraient pas aux choix des gouvernants et la collectivité se verrait de fait soumise à une sorte d’oligarchie. Mais ce qui est vrai de la délégation du gouvernement de la base au sommet de l’Etat l’est également dans l’autre sens : une fois la loi promulguée par le décideur, encore faut-il garantir son application du début à la fin de la chaîne institutionnelle183. Ce qui suppose qu’elle soit prise en compte et fidèlement observée par chaque agent chargé de mettre en œuvre les textes officiels. Car si l’un d’eux profitait de sa position pour déroger à l’injonction écrite émanant de l’autorité souveraine, alors là aussi la res publica serait dissoute et la porte ouverte à l’arbitraire.

Il nous faut ici relever un certain scepticisme des Lumières à l’égard de la possibilité même de la représentation et de la délégation.

Pour Rousseau, toute désignation d’un mandataire ne peut qu’être illusoire et signifie l’abandon de la souveraineté184

. Il dénonce du reste le système représentatif comme foncièrement antirépublicain, puisque relevant d’une forme de féodalité, par opposition à une continuité démocratique héritée des Anciens :

178 Au retour de la Première Campagne d’Italie, le 10 décembre 1797. 179

Toujours la filiation par la raison.

180 Les Républiques cispadane et transpadane, créées par Bonaparte pendant la campagne, s’en inspirent. 181 Le traité de Campo-Formio, signé avec l’Autriche le 17 octobre 1797.

182 Cité par Georges Bordonove dans son Napoléon (Paris, Pygmalion, 1978, p. 70.).

Le républicanisme du jeune Bonaparte, et même plus tard celui de l’empereur Napoléon, doit se comprendre par rapport à Rousseau, dont il était lecteur, et à Paoli, dont il avait tenté de se rapprocher à la veille de la Révolution.

La république consacre le règne la raison et suppose la force du droit contre le droit du plus fort. A cet égard, Bonaparte devenu Napoléon, c’est-à-dire empereur des Français et maître d’un continent, fait davantage figure de despote éclairé que de tyran, et ne saurait être considéré comme un précurseur de Hitler. Le second, en effet, propage le nazisme et les camps d’extermination dans toute l’Europe, alors que le premier impose le Code civil (en d’autres termes l’égalité devant la loi) sur des territoires où se pratique encore le servage. Nous renvoyons aux ouvrages suivants :

Becat (Pierre). Napoléon et le destin de l’Europe. Paris, Dargaud-Meyer, 1969. Bessand-Massenet (Pierre). De Robespierre à Bonaparte. Paris, Fayard, 1970.

Bonaparte (Charles-Napoléon). Bonaparte et Paoli : aux sources de la question corse. Paris, Perrin, 2000. Castelot (André). Bonaparte, Napoléon. Paris, Perrin, 1968.

Tulard (Jean). Napoléon. Paris, Fayard, 1977.

183 La question de la reproduction du même tout au long d’un processus peut rappeler celle qui est soulevée

par Platon avec les trois lits (République X, 596a-598c).

184

« L’idée des représentants est moderne : elle nous vient du gouvernement féodal, de cet inique et absurde gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée, et où le nom d’homme est en déshonneur185

. Dans les anciennes républiques et même dans les monarchies, jamais le peuple n’eut de représentants ; on ne connaissait pas ce mot-là. […] »186

Dans l’Encyclopédie, D’Holbach ne méconnaît pas le risque de voir le représentant trahir les intérêts du représenté ; aussi la fidélité du premier au second apparaît- elle comme une condition de la légitimité du processus :

« […] un représentant ne peut s’arroger le droit de faire parler à ses constituants un langage opposé à leurs intérêts ; les droits des constituants sont les droits de la nation, ils sont imprescriptibles et inaliénables ; pour peu que l’on consulte la raison, elle prouvera que les constituants peuvent en tout temps démentir, désavouer et révoquer les représentants qui les trahissent, qui abusent de leurs pleins pouvoirs contre eux-mêmes, ou qui renoncent pour eux à des droits inhérents à leur essence ; en un mot, les représentants d’un peuple libre ne peuvent point lui imposer un joug qui détruirait sa félicité ; nul homme n’acquiert le droit d’en représenter un autre malgré lui. »187

Quant à De Jaucourt, il ne conçoit pas la préservation du bien commun dans les grands Etats (ceux-là mêmes qui nécessitent un recours abondant au système représentatif parce que l’usage régulier de la démocratie directe s’y avère matériellement impossible) :

« Il est de la nature d’une république qu’elle n’ait qu’un petit territoire ; sans cela elle ne peut guère subsister. Dans une grande république il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits : il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d’un citoyen ; les intérêts se particularisent […]. Dans une grande république le bien commun est sacrifié à mille considérations : il est subordonné à des exceptions ; il dépend des accidents. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen : les abus y sont moins étendus, et par conséquent moins protégés. »188

En France, cependant, le vent de l’Histoire semble avoir dépassé le temps des philosophes, et en 1792 la République se voit proclamée dans un grand Etat. D’où une spécificité française qui suppose l’examen des conditions d’émergence et de fonctionnement de la matrice républicaine et de ses effets sur le statut et le rôle du citoyen dans un cadre politique et historique inédit. Avant la Révolution, que ce soit chez les Anciens ou chez les Modernes, seuls de petits territoires se dotent effectivement d’un régime républicain ; l’Angleterre, elle, réalise sa transition démocratique et libérale sans rompre avec la monarchie ; les Etats-Unis, enfin, se distinguent précisément par l’élaboration d’un modèle fédéral reposant sur « un échelonnement de républiques »189.

185

Le rapport entre l’électeur et l’élu s’apparenterait à une relation de dépendance du vassal au seigneur. Il se traduirait non pas par le souci de la conservation du bien commun, mais par le risque d’une dérive claniste ou clientéliste dissimulant une hiérarchie et l’asservissement d’un individu à un autre.

186 Du contrat social, Paris, Flammarion, 1992, p. 123.

187 Article « Représentants », Paris, Flammarion, 1986, vol. II, p. 304.

Remarquons qu’au travers notamment des termes « raison », « peuple libre » et « félicité » nous retrouvons dans ce passage le champ lexical de la république telle que nous l’avons précédemment définie.

188 Article « République », Paris, Flammarion, 1986, vol. II, p. 305.

189 C’est l’un des points clefs de la doctrine jeffersonienne, élaborée à partir d’arguments qui ne sont pas sans

Dans une telle perspective, la rupture avec l’Ancien Régime initiée en 1789 puis consacrée lors de l’exécution de Louis XVI en 1793 signifie-t-elle la réussite de l’instauration d’une grande république, ou bien en réalité la survivance des féodalités sous une forme républicaine ? Et dans quelle mesure le système représentatif indispensable à la gestion d’un vaste territoire n’impliquerait-il pas, comme le craignaient les Encyclopédistes, le maintien de relations de dépendance entre les individus ?

La représentation, nous dit Claude Nicolet190, demanderait seulement à être contrôlée. Une telle exigence impliquerait toutefois le développement de relations claires, transparentes, dépourvues d’ambiguïté entre les gouvernants et les gouvernés, afin que les premiers rendent compte aux seconds du bien-fondé de leur action191. Toutefois, il arriverait que cette dernière porte sur des problèmes difficiles, techniques, sollicitant le regard du spécialiste et échappant à celui du simple citoyen. Juger une politique supposerait par conséquent que les représentés eux-mêmes disposent d’un certain savoir. Ils devraient être éclairés et, sans pour autant devenir des experts, posséder la compétence suffisante pour évaluer les orientations fixées par leurs représentants. Nous retrouvons ainsi, par le biais des modalités permettant au système représentatif de devenir opératoire, l’importance cruciale de l’éducation dans le cadre du gouvernement par la raison192

.

La fonction essentielle de l’école dans une république, notamment sur un vaste territoire nécessitant le contrôle d’une représentation, serait la formation du citoyen, qui devrait se montrer capable de soumettre à son jugement toute décision intéressant la vie de la collectivité. Il ne serait plus alors le sujet d’une autorité supérieure à laquelle il se remettrait aveuglément, mais un acteur participant à l’élaboration du bien commun dans la Cité. Ce sera l’une des justifications que Condorcet donnera à « l’égalité d’instruction que l’on peut espérer d’atteindre »193

. Mais à ce stade, nous ne prétendons nullement nous livrer à une étude

190 Voir p. 28. 191 Voir p. 27. 192

Voir p. 45.

193 « […] pour ne point dépendre aveuglément de ceux à qui il [chaque homme] est obligé de confier le soin

de ses affaires ou l’exercice de ses droits ; pour être en état de les choisir et de les surveiller […]. » (Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain X, Paris, Flammarion, 1988, pp. 274-275.)

Sur l’éducation comme condition de la démocratie, nous pouvons observer une similitude avec Jefferson, qui voit également dans le citoyen éclairé l’acteur en mesure de contrôler le gouvernement :

« Je ne connais nul autre gardien sûr des pouvoirs suprêmes de la société que le peuple lui-même ; si on ne le croit pas suffisamment éclairé pour exercer son contrôle avec une sagesse salutaire, le remède est, non pas de lui retirer ce contrôle, mais d’informer son jugement par l’éducation. » (A William C. Jarvis, Monticello, le 28 septembre 1820, in La Liberté et l’Etat, Paris, Seghers, 1970, p. 158.)

Et :

« Je considère comme un axiome que notre liberté ne peut jamais être en sûreté qu’entre les mains du peuple lui-même, et seulement si le peuple a un certain niveau d’instruction ; il incombe à l’Etat de lui faire atteindre ce niveau en mettant sur pied un plan d’ensemble. » (A George Washington, Paris, le 4 janvier 1786, in La Liberté et l’Etat, Paris, Seghers, 1970, p. 158.)

Il met en outre une telle exigence d’instruction en relation avec la liberté de la presse, qui suppose non seulement d’être garantie mais encore la capacité intellectuelle du citoyen d’en jouir pour s’informer :

« Si une nation compte pouvoir être ignorante et libre dans un état de civilisation, elle compte sur ce qui jamais ne fut et jamais ne sera. Dans tout gouvernement, les fonctionnaires ont tendance à disposer à leur gré de la liberté et des biens de leurs mandants. Ceux-ci n’ont pas d’autre garant sûr que le peuple lui-même, et cette sûreté même dépend de l’information du peuple. Là où la presse est libre et où chacun est capable de lire, tout est en sûreté. » (A Charles Yancey, Monticello, le 16 janvier 1816, in La Liberté et l’Etat, Paris, Seghers, 1970, p. 158.)

Et :

« […] L’opinion du peuple étant le fondement de nos gouvernements, le tout premier objectif doit être d’assurer sa justesse ; si l’on me donnait à choisir entre un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n’hésiterais pas un moment à préférer cette dernière formule ; mais je veillerais à ce que chaque citoyen reçoive ces journaux et soit capable de les lire. » (A Edward Carrington, Paris, le 16 janvier 1787, in La Liberté et l’Etat, Paris, Seghers, 1970, p. 159.)

exhaustive des conditions de viabilité du régime représentatif. Il nous semble en revanche judicieux de nous intéresser à son socle, c’est-à-dire la Nation. Clef de voûte de l’édifice républicain dans sa version française, le terme lui-même demeure effectivement ambigu.

Certes, en tant que principe détenteur de la souveraineté, la Nation permet de produire un mode de gouvernement de la Cité. Cependant, elle n’implique rien quant à l’identification du peuple concerné. Comment fixer les limites à l’intérieur desquelles une population pourrait être dite « souveraine » ? Bien sûr, nous pourrions nous référer aux frontières déjà existantes : l’être collectif dont émanerait l’autorité politique ne serait pas autre chose que l’ensemble des citoyens d’un Etat donné, en l’occurrence la France. Pourtant, nous pourrions envisager qu’un peuple perde sa liberté après avoir été conquis par une puissance étrangère qui serait elle-même dotée d’un régime républicain. Au nom de l’« unité nationale » invoquée par l’Etat dans lequel il se trouverait désormais inclus, il ne se verrait plus reconnu comme peuple, et sa souveraineté serait confisquée. Il ferait au bout du compte figure de simple faction dans la collectivité, et il ne saurait ni être représenté ni jouer un rôle public. Mais il s’agirait alors en réalité d’un état de fait, résultant d’une conquête, fondé sur l’emploi de la force et de la contrainte, et nullement sur un contrat social librement consenti. En d’autres termes, le peuple en question subirait une aliénation contraire à l’affranchissement qui définit la république, puisque sa situation consisterait précisément dans une dépendance à une puissance l’empêchant de se gouverner lui-même194

.

Dans une telle perspective, nous ne pourrions pas admettre la Nation ainsi constituée comme la détentrice légitime de la souveraineté. Aussi les seules frontières des Etats existants ne suffisent-elles pas à son identification. Afin que la Nation en tant que socle de la représentation devienne opératoire, il s’avèrerait par conséquent nécessaire d’interroger davantage la nature de la population qui lui servirait de « support ».

Nous pourrions au demeurant objecter qu’il n’y aurait pas lieu de poser le problème de cette façon-là dans le cas de la France. En effet, la nation française195, entendue comme communauté humaine liée non seulement par le partage d’une même identité historique et culturelle mais encore par l’unité linguistique, serait le « support » à partir duquel nous pourrions penser la Nation politique et souveraine. Nous nous heurterions néanmoins à un premier écueil : nous pratiquerions le retour à des éléments ethniques fondateurs afin de légitimer une association d’ordre contractuel, alors que cette dernière réunirait précisément les contractants autour d’un bien commun sans qu’il soit question de faire appel à de tels éléments pour les lier entre eux. C’est une contradiction dans les termes qui émergerait de cette tradition républicaine française mettant en avant l’universalisme196, puisqu’elle renverrait implicitement à l’ethnie.

194 Le problème se pose notamment concernant la Corse, annexée par la France en 1769 alors qu’elle s’était

dotée d’institutions démocratiques.

195 Au sens ethnique du terme cette fois.

196 Dans une note de bas de page, Claude Nicolet insiste sur cette spécificité française :

« Nous touchons là à une des données fondamentales de la conscience historique française. Etymologiquement, il est certain que nation, comme le latin natio, a une lointaine connotation génétique - charnelle, organique, raciste éventuellement, ce que note Littré dans son Dictionnaire. Mais il constate aussi que depuis très longtemps, sous l’Ancien Régime même, le mot avait dépassé cette origine ethnique, puisque l’Université de Paris appelait “nations” ce qui était devenu des “provinces” du royaume. La définition de Littré - “réunion d’hommes habitant un même territoire, soumis ou non à un même gouvernement, ayant depuis longtemps des intérêts assez communs pour qu’on les regarde comme appartenant à la même race” - a le mérite de rejeter le génétique dans l’apparent, l’imaginaire, pour privilégier les “intérêts” communs. […] Puisque la Nation est l’union de plusieurs nations, le mot n’aura jamais tout à fait en France la même connotation raciale que le mot allemand Volk. » (L’Idée républicaine en France (1789-1924), Paris, Gallimard, 1994, pp. 400-401.)

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