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Chapitre 6. Décision séquentielle et timing des réductions

1. La question du timing des réductions La controverse sur le timing

1.3. Le risque de mauvaises nouvelles ⇒

multiples de 50 est pragmatiquement très justifié. La psychologie enseigne en effet6 que dans une situation en dégradation progressive, se fixer des limites fermes dès le début est nécessaire pour ne pas se laisser entraîner à enchaîner des ‘encore un petit peu et puis j’arrête’. C’est pourquoi la loi définit souvent des seuils de pollution a priori. Prenons un exemple : la quantité de nitrates dans un litre d'eau potable ne doit pas dépasser cinquante milligrammes. Ce seuil ne provient pas d’une non linéarité physique ou biologique, le litre d'eau contenant cinquante et un milligrammes de nitrates n'est pas beaucoup plus nocif qu’à quarante neuf. Mais pour agir, la gestion politique de l'environnement a besoin de se créer des repères clairs.

Il pourrait sembler que 550ppmv corresponde à la référence 2×CO2 qui sert de base à la majorité des études concernant les conséquences du changement climatique. Cette impression est fausse, car le 2×CO2 correspond à un doublement de la concentration en équivalent carbone, qui tient compte du forçage radiatif additionnel direct et indirect (positif ou négatif) des autres gaz à effet de serre. En conséquence, les effets de 2×CO2 correspondraient en réalité, en supposant que les autres gaz à effet de serre croissent aussi comme dans le scénario de référence, à un peu plus que 450 ppmv pour le CO2 seul.

Le plafond de 550 ppmv représentant le milieu de la fourchette, il a reçu une attention particulière à ce titre. Toutefois, c’est en fin de compte la prise en compte des impacts du changement climatique, c’est à dire de B(x), qui détermine la position du plafond judicieux. Compte tenu de l’ampleur des incertitudes, il ne nous a pas semblé convainquant d’accorder une probabilité subjective plus forte à ce plafond plutôt qu’à 450 ou 550 ppmv.

1.3. Le risque de mauvaises nouvelles

Climat

Rappelons en effet que la connaissance scientifique du système climatique est très incomplète. La fourchette d’évaluation de la sensibilité climatique, qui était chiffrée à 1.5°C - 4.5°C dans le premier rapport du GIEC, n’a pas diminuée au second. Malgré l’effort actuel de recherche en climatologie, on ne peut pas s’attendre à connaître dans un futur proche à quel niveau de concentration vont se produire des ‘interférences dangereuses’ avec le climat.

Toutefois, même si la sensibilité climatique globale s’avérait faible, il conviendrait néanmoins de se préoccuper du risque de ‘surprises climatiques’. Ayant défini et expliqué plus en détail au 1.2 du Chapitre 2 leur vraisemblance, nous nous contenterons ici de citer le GIEC :

Des variations inattendues, rapides et de grande ampleur du système climatique (comme il s'en est produit dans le passé) sont difficiles à prévoir par leur nature même. La future évolution du climat risque donc de nous réserver des surprises, dues notamment au caractère non linéaire du système climatique. En cas de forçage rapide, les systèmes non linéaires sont particulièrement susceptibles de comportement imprévisibles. Il est possible de réaliser des progrès en étudiant les processus et les sous-élements non linéaires du système climatique. Citons, parmi les exemples de phénomènes non linéaires, les bouleversements rapides de la circulation dans l'Atlantique Nord et les rétroactions liées aux changements dans les écosystèmes terrestres.7

Ce risque de catastrophe, pour employer le terme mathématique dont il est question, concerne la réponse dynamique du climat au forçage radiatif additionnel. A ces deux incertitudes, sur le niveau et sur la dynamique, s'ajoute un aléa toujours possible sur le rythme de progression de la science. L’exemple de l’ozone montre clairement que l'on peut découvrir des mécanismes scientifiques qui accroissent l’incertitude, ou qui rendent un problème environnemental plus grave qu’on ne le pensait.

Politique

Le même exemple de l’ozone illustre l’existence d’autres sources d’incertitude et de non-linéarité que la science, susceptible de produire des mauvaises nouvelles conduisant à une crise climatique plus ou

moins aiguë, à l’image d’autres crises environnementales, mais mondialisée. Ces autres sources sont celles qui ont conduit à la décision d’arrêt de la production de CFC à une période de grande incertitude scientifique8.

En effet, le fond du problème n’est pas tant le choix d’un niveau de concentration que la gravité du problème, et surtout la gravité et l’urgence perçue par les acteurs gouvernants. En ce sens, une mauvaise nouvelle concernant le problème du changement climatique, n’est pas seulement une information défavorable provenant de la science climatologique, mais plus généralement tout événement ou circonstance qui amène à allouer à l’effort de lutte contre cette pollution nettement plus de richesses que ce que l’on espérait.

Les décisions politiques sont aussi influencées par de nombreux facteurs dépassant l’aspect strictement scientifique du problème en jeu, comme les échéances électorales, ou les relations interpersonnelles ou simplement l’opinion publique. Ces aspects de la décision publique contribuent aussi à crédibiliser l’éventualité d’une crise climatique, qui pourrait aboutir à prendre des décisions spectaculaires dans l’urgence. Il est en effet historiquement montré, nous l’avons expliqué au chapitre 3 section 3, que la prise de décision sous controverse peut amener à des mesures coûteuses mais inefficaces, qui différent d’autant la résolution du véritable problème d’environnement9.

Scénario de référence

Enfin, le risque de mauvaise nouvelle peut aussi provenir d’autres facteurs, capturés dans l’écriture du scénario correspondant à la situation ‘de référence’. Rappelons d’abord que, compte tenu de l’échelle des investissements en jeu, on imagine dans tous les scénarios que l’état sera amené à jouer un rôle pour contrebalancer les avantages certains des énergies fossiles à court terme : disponibilité, technologies avancées, réseaux...

Pour dépasser les considérations d’efficacité économique et évoquer les conditions technologiques de la stabilisation, la pénétration importante d’une source d’énergie sans carbone est requise dans les prochaines décennies, s’il s’agit de fournir de l’énergie à deux fois plus d’hommes, chacun consommant deux fois plus de produits manufacturés, sans dépasser un doublement les émissions de CO2 . En particulier, la décarbonisation de l’énergie supposée dans IS92a ne pourrait pas être réalisée par la seule substitution du gaz au charbon pendant les prochaines décennies. Les scénarios IS92a et IS92b, illustrés Figure 6.2, décrivent une augmentation linéaire des émissions mondiales, l’accroissement correspondant à environ 2% des émissions de 1990.

Le GIEC rappelle cependant que ces scénarios centraux ne constituent en aucun cas des prédictions. Sans reprendre la dissection de l’identité dite de Kaya exposée au chapitre 2 paragraphe 3, rappelons que les scénarios centraux IS92a et b ne sont pas le signe de l’existence d’un équilibre stable entre d’une part la croissance démographique et économique, et de l’autre l’amélioration de l’efficacité énergétique et la décarbonisation de l’énergie.

Dans un contexte de pétrole bon marché, et suite à l’achèvement des transitions vers l’économie de marché à l’Est, les émissions de l’Annexe I qui se sont stabilisées entre 1990 et 1995 pourraient recommencer à croître, ce qui rendrait d’autant plus difficilement atteignables les objectifs fixés à Kyoto. Un scénario réciproque est possible, dans l’hypothèse par exemple d’une crise économique mondiale ou de progrès rapides sur une source d’énergie alternative.

En conclusion, de même que les incertitudes scientifiques conduisent ne pas accepter de privilégier le plafond de concentration à 550 ppmv plutôt qu’à 450 ou 650 , les incertitudes socio-économiques conduisent à envisager l’éventualité d’une tendance en émissions plus haute comme IS92f. Ceci traduit la possibilité d’une augmentation soudaine du degré de gravité ou d’urgence du problème du changement climatique, qui pourrait aussi provenir de facteurs extérieurs au problème lui même, propres au fonctionnement des mécanismes de régulation dans les sociétés.

Figure 6.2 : Émissions de CO2,

scénarios IS92.

Source: GIEC.

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