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Le problème de la forme de la fonction de dommages

Atmosphère Océan Biosphère

Chapitre 6. Décision séquentielle et timing des réductions

3. Approche coût (certain)-bénéfice (aléatoire)

3.3. Le problème de la forme de la fonction de dommages

Pour défendre notre résultat contre cette remise en cause dans le cadre coût-bénéfice, plus général que le cadre coût-efficacité qui nous a servi à l’établir, nous ne pouvons plus en appeler au fait que les modèles utilisés dans l'étude EMF sous-estimaient peut être l'inertie du système énergétique mondial, puisque le résultat persiste avec DIAM.

Nous pouvons alors nous tourner vers la différence essentielle entre nos résultats et l'étude du sous groupe Incertitude de l'EMF, qui est la façon dont est représentée une crise climatique. Dans l’étude EMF, comme nous l’avons vu plus haut, l’aléa portait sur un facteur multiplicatif de la fonction de dommages fonction climatique. Dans les résultats de la section précédente, il s’agissait d’un seuil de concentration aléatoire, que l’on pourrait représenter comme une fonction de dommage valant zéro jusqu’à ce que la concentration atteigne ce seuil, puis sautant à l’infini au delà.

Il s’agit donc de la différence entre une représentation plutôt linéaire des dommages, et une représentation très non linéaire.

Au premier abord, on pourrait être tenté d’aller plus loin. Les fonctions de dommage climatique usuelles sont définies en général comme une puissance du réchauffement global. On pourrait les remettre en question au motif que cela implique des dommage marginal des émissions décroissant à long terme. En effet, si on suppose que le forçage radiatif additionnel F est relié à la concentration C

de CO2 par :

F = 6.3 Log(C/C0)

où C0 est la concentration préindustrielle, environ 278ppmv, que l’augmentation de température ∆T

est proportionnelle à l’augmentation du forçage radiatif, et que le dommage D est proportionnel à Tn, alors :

le dommage climatique est en [Log(C/C0)]n

Le dommage marginal de la concentration est en [Log(C/C0)]n-1 / C , il décroît puisque « le C

l’emporte sur le Log à l’infini». Il en est de même du dommage marginal des émissions, en supposant une relation linéaire entre émissions et concentrations.

Toutefois, pour les ordres de grandeurs usuels, le rapport de concentration C/C0 n’augmente pas trop,

on envisage guère plus qu’un triplement de la concentration préindustrielle. Dans ces conditions, comme on le voit sur la Figure 6.11, la décroissance du dommage marginal est négligeable. Les courbes de dommages ne tournent pas de forte concavité vers le bas, il apparaît plutôt que la dérivée par rapport à la concentration des fonctions de dommage usuelles est à peu près constante.

La question de la décroissance à long terme ne se pose donc pas vraiment, mais il reste que les fonctions de dommage sont plutôt linéaires. Or, on peut penser que cette forme n’est pas cohérente avec ce qu’on sait sur la dynamique du système climatique : dommages climatiques sensibles pourraient être interprétés comme l’entrée du système climatique dans un régime de transition instable. Les décisions seraient alors prises au regard d’un dommage marginal de la pollution fortement croissant. Cette incohérence est illustrée par un détail qui pose problème dans la méthodologie utilisée dans l’étude EMF 14 et qui devrait choquer dans la Figure 6.11 : Dans la configuration où le dommage est vraiment catastrophique, il atteint déjà plusieurs dizaines de pour- cent du PIB mondial au niveau de concentration actuel.

Considérant la relative linéarité des fonctions de dommage climatique utilisées, on peut penser que la méthodologie employée jusqu’alors ne représente donc pas tous les aspects du risque d'irréversibilité associé au problème du changement climatique. Le problème n'est pas l'analyse coût-bénéfice en elle- même, mais plutôt la façon dont est représenté l’événement de petite probabilité et grande conséquence.

Les représentations possibles sont illustrées sur la Figure 6.12, et on peut les rapporter aux classiques différences d’interprétation de la forme d’une courbe en S. Considéré dans son début, elle peut être approchée par une parabole ou même une droite. Mais vu de loin, elle peut être approchée par un saut (fonction de Heaviside) entre une valeur «négligeable» et une valeur «catastrophique», ce qui revient dans un contexte d’optimisation à imposer une contrainte.

Pour clore ce chapitre en retrouvant les résultats de la section précédente dans le cadre coût-bénéfice de cette section, il ne nous reste plus qu’à remplacer la fonction de dommage climatique linéaire par une fonction à seuil.

Figure 6.11 : Représentations des dommages climatiques, EMF 14 study

Ces trois figures montrent comment la fonction de dommage est modifiée pour l’étude sur l’incertitude de l’EMF 14, pour trois formes de fonction de dommage : linéaire en concentration (comme dans DIAM), linéaire en température (proportionnelle au logarithme de la concentration) et quadratique en température (comme dans DICE).

Si on note T2x la sensibilité du climat, c'est à dire l'augmentation de la température moyenne à l'équilibre après

un doublement de la concentration de CO2 , alors dans le scénario ‘Hclimate’, il est recommandé d'adopter

pour T2x une valeur 2.3° C au dessus du scénario de base. Si on appelle D la fonction décrivant les dommages

de réchauffement en fonction du réchauffement, alors dans le scénario ‘Hdamage’, il est recommandé de multiplier D par 7.8. Le scénario catastrophique ‘High’ combine ces deux modifications. Ces valeurs se rapportent à la moyenne du dodécile supérieur de la distribution de probabilités subjectives obtenues par sondage auprès des experts. Il convenait donc de leur affecter une probabilité 5%, les deux étant indépendants.

280 360 450 550 650 750 850

0% 10% 20% 30%

A. Climate Damage in Log@€€€€€€€€CC

0 D² P W G s s o l @C02D 280 360 450 550 650 750 850 0% 10% 20%

30% Climate Damage Linear in Temperature

P W G s s o l @C02D 280 360 450 550 650 750 850 0% 10% 20%

30%Climate Damage Linear in Concentration

P W G s s o l @C02D Average High Hdamage Hclimate Base

280 360 450 550 650 750 850 0% 10% 20% 30% Dommages climatiques P W G s s o l @C02D Avec seuil High Hdamage Hclimate Base

Figure 6.12 : Fonction de dommage climatique avec et sans seuil.

Cette figure compare deux façons de représenter l’incertitude sur l’impact du changement climatique. La courbe en pointillés, « en forme de S » , est fortement non linéaire. Elle est caractérisée par deux valeurs, un seuil en dessous duquel les dommages sont négligeables, et un plafond qui correspond à une bifurcation catastrophique du système climatique. L’incertitude peut être représentée en jouant sur le niveau du seuil et du plafond.

La seconde courbe correspond à une fonction de dommage quadratique en température, qui atteint 3% du PIB pour un T = 3% , comme dans DICE. Celle ci n’atteint en aucun cas des valeurs catastrophiques. Pour étudier les configurations désastreuses, la courbe est multipliée homothétiquement. Toutefois, cela ne fait pas apparaître de non linéarité.

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