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Atmosphère Océan Biosphère

2. Modèles d'optimisation

2.1. DICE Nordhaus

Il s’agit d’un modèle en coût-bénéfice, qui maximise l'utilité intertemporelle actualisée dans un contexte d'équilibre général entre l’investissement et la consommation, tous deux agrégés au niveau le plus global. Une des grandes forces de ce modèle est que tous les paramètres sont discutés dans en détail dans le livre, ce qui assure une transparence relativement élevée. Dans cet ouvrage, l’auteur accorde la majorité de son attention au risque et à l'incertitude.

Dans le changement climatique, beaucoup de paramètres sont incertains. La multiplication combinatoire fait que les modèles rencontrent rapidement des limites de maniabilité. Si par exemple il y a 8 paramètres incertains, et que la distribution de chacun est représentée à l'aide de 5 valeurs, on obtient 58 soir 390 625 scénarios en les combinant tous. Pour contourner les difficultés en temps de calcul, exploitation et représentation des résultats, Nordhaus se ramène à un petit nombre de scenarii, judicieusement construits pour représenter la distribution d'incertitude des paramètres. Il procède pour cela en trois étapes.

1. La première est une analyse systématique de la sensibilité des résultats par rapport aux 24 paramètres du modèle. Elle permet de sélectionner les huit paramètres dont les variations influencent le plus le résultat. Les paramètres correspondant correspondent au lignes du Tableau 4.3.

sur les études d'experts lorsque cela est possible, la distribution de probabilité associée à chacun de ces paramètres. Ces distributions sont supposées indépendantes entre elles, et chacune est représentée par ses quintiles, soit 5 valeurs. Ensuite, un échantillon de 500 octuplets est tiré parmi les 58 possibles. Le modèle est résolu pour les 500 scenarii correspondant. Cela produit les distributions pour les différents résultats du modèle comme le niveau de taxe sur le carbone ou le niveau de réduction des émissions.

3. La troisième étape consiste à définir effectivement les scénarios représentatifs. Un index de sévérité du changement climatique, le produit de la taxe optimale par la réduction optimale, est défini et calculé pour chaque solution. Les scenarii sont ensuite rangés selon cet index et stratifiés en 5 classes (Figure 4.2). Pour chaque classe, le scénario définissant l'état du monde correspondant est obtenu en moyennant tous les octuplets de la classe.

Paramètre Valeur de

référence

SOW1 SOW5

Déclin du taux de croissance de la population (vitesse à laquelle la population se stabilise)

0,195 0,027 0,204

Déclin du taux de croissance de la productivité (vitesse à laquelle la productivité technique A dans Q = A K0.25 L0.75 se stabilise)

0,110 0,074 0,106

0.123 Taux social de préférence pure pour le présent

(taux d'actualisation de l'utilité)

3% 1,2% 3,3%

Taux de décroissance du ratio émissions/production (progrès technique autonome dans le secteur polluant)

-0,117 -0,117 -0,110

-0,124 -0,128 Intercept de la fonction de dommage

θ1 dans D = θ1 Q T²

1,3% 1,7%

2,4%

0,6% Sensibilité de la température au forçage radiatif

T(2×CO2)

2,908 3,808 2,656

Intercept de la fonction de coût de réduction b1 dans TC = b1 Q µ2.887

6,9% 6,7%

7.2%

6,7% 6.4% Taux de rétention atmosphérique du CO2 à court terme

β dans M' = β E + ...

64% 67,7% 63,5%

Tableau 4.3 : DICE, paramètres incertains influant le plus sur la sévérité.

D'après Nordhaus, 1994, p. 166. Tableau dans l'ordre de sensibilité décroissante. SOW1 représente l'état du monde dans lequel la réponse optimale au changement climatique est forte, et SOW5 celui dans lequel elle est faible. Les valeurs en italiques correspondent aux valeurs extrêmes des paramètres lorsqu'elles occurrent dans SOW2, 3 ou 4.

0 100 200 300 400 500 Scenario # 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Index de sévérité • • Ž • Œ

Figure 4.2 : DICE, Distribution stochastique de l'indice de sévérité.

Stratification de l'échantillon en 5 classes servant à déterminer les 5 scenarii représentatifs. La largeur des classes est : 50%, 25%, 15%, 8%, 2%. La classe 1, par exemple, comprend les 10 scenarii qui impliquent les politiques climatiques les plus fortes, et comme le modèle est relativement linéaire, le scénario correspondant à la moyenne des paramètres ces 10 scenarii est bien représentatif de cette classe. Le Tableau 4.3 donne les valeurs des paramètres pour les états du monde 1 et 5, ainsi que les valeurs extrêmes obtenues sur les 5 états du monde.

1995 2005

2015

SOW1 SOW5 SOW1 SOW5 SOW1 SOW5 SOW1 SOW5 CE

0% 20% 40% 60% 80% 1995 2005 2015

SOW1 SOW5 SOW1 SOW5 SOW1 SOW5 SOW1 SOW5 CE

Figure 4.3 : DICE, Impact de l'incertitude sur les niveaux de réduction optimaux.

Niveau de réduction optimal pour l’année 1995, 2005 et 2015. Comparaison du cas favorable SOW5 et de cas calamiteux SOW1, pour cinq dates d'arrivée de l'information. D'après Nordhaus, 1994, p. 181.

Une fois ces cinq états du monde définis, DICE est résolu en programmation dynamique stochastique pour différentes dates d'arrivée de l'information : 1990, 2000, 2010, 2020, jamais. Nous discuterons ici en particulier trois résultats concernant les niveaux optimal de réduction d’émission représentés Figure 4.3, étant entendu que le modèle fournit aussi des informations sur la taxe optimale et le taux d’épargne optimal que nous n’examinerons pas ici.

• Le profil de réduction le plus à droite, noté « CE », correspond au scénario Équivalent Certain, c'est à dire que les paramètres sont la moyenne des paramètres des 5 états du monde. Le sentier optimal est alors de réduire les émissions de 8,8% à la première période, puis reste quasiment stable à ce niveau pendant les deux périodes suivantes.

Information présente Information en 2020 Information en 2010 Information en 2000 Information jamais

• La présence d'incertitude accroît le niveau de réduction optimal d'environ la moitié. Cela apparaît en comparant le bloc "CE" avec ses voisins : la réduction à court terme atteint 8,8% des émissions, contre 12,7% quand l'information arrive en 2000.

• Les niveaux de réduction optimaux après résolution de l'incertitude sont indépendants de la date de résolution de l'incertitude. Cela apparaît en comparant par exemple la hauteur des trois blocs les plus élevés à gauche, qui correspond uniformément à un niveau de réduction de 72% pour la période 2010-2020 dans le cas calamiteux.

Le premier et le troisième résultats peuvent surprendre. Il semble en effet que les coûts d’ajustement devraient conduire à étaler davantage les efforts de réduction dans le temps à l’optimum, plutôt que d’avoir des sauts rapides importants. Cela pourrait provenir du fait que DICE ne représente qu’une forme de capital, qui se déprécie au taux élevé de 5% l’an.

Le troisième résultat pose la question de la régularité de la fonction de dommages climatiques. Dans DICE, l’avantage marginal des réductions d’émission ne dépend quasiment pas des efforts passésa, et donc le niveau optimal de réduction non plus.

Ces deux effets nous conduisent à penser que les deux irréversibilités caractéristiques et opposées du problème (environnement et investissement) sont donc sous estimées, ce qui diminue la force de conviction du second résultat.

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