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Atmosphère Océan

Chapitre 3. Du changement climatique au problème de décision

2. Aspects socio-économiques: le sans regret et au delà.

2.1. Les coûts de réduction

Le but ultime des travaux du groupe de travail III est l’aide à la décision publique. Une modalité de l’aide à la décision est l’analyse des coûts et des bénéfices (CBA en anglais). Le GIEC29 prend ce terme dans un sens moderne, large : la CBA donne un cadre analytique qui cherche à évaluer les conséquences des diverses actions quantitativement plutôt que qualitativement. Cette définition inclus en particulier l’analyse coût-bénéfice traditionnellea, mais elle recouvre aussi d’autres méthodologies comme l’analyse coût-efficacitéb, l’analyse à critères multiplesc ou l’analyse de la décisiond.

Quelle que soit la méthodologie choisie in fine , on ne peut se dispenser d’évaluer les coûts des diverses actions. L’évaluation des bénéfices est aussi importante, mais nous suivrons la tendance observée dans les débats passés et analyserons davantage les coûts de réduction des émissions. Notons que les phénomènes étant assez distincts (les impacts concernent davantage le secteur agricole, les réductions le secteur énergétique de l’économie), accorder moins d’attention aux bénéfices ne gène pas excessivement dans l’analyse des coûts.

Les différents contextes du coût

Afin de préciser les notions, il est important de noter que ‘les coûts’30, 31 peut désigner au moins quatre réalités différentes, énumérées ici de la plus stricte à la plus large :

• Les coûts technico-financiers de mesures concrètes spécifiques. Dans une optique d'ingénieur, on peut calculer le coût du remplacement d’une centrale au charbon par une centrale à gaz, ou le coût de plantation d'un programme de reforestation. Ils dépendent de données technico-économiques et sont usuellement présentés en valeur présente actualisée.

• Les coûts sectoriels. Il se calculent à l'aide d'un modèle sectoriel en comparant différents scénarios décrivant de façon cohérente l'équilibre partiel dans ce secteur.

• Les coûts macro-économiques. Ils sont calculés par rapport au Produit Intérieur Brut (PIB), en utilisant des modèles d'équilibre général. Ces coûts incluent les effets sur la consommation et l'investissement dans toute l'économie.

• Les coûts en bien-êtrebien-être. Bien qu'ils soient exprimés en unités monétaires, et parfois en fraction de PIB, les coûts en bien-être s'en distinguent théoriquement pour de nombreuses raisons, la première étant qu’il n’y a pas proportionnalité entre richesse et utilité. Le PIB ne prend pas en compte la façon dont les richesses sont réparties dans la société, ni l’épuisement ou la dégradation

a

L’analyse coût-bénéfices traditionnelle implique de convertir toutes les conséquences dans une unité monétaire commune pour effectuer la comparaison

b

Dans l’analyse coût-efficacité, on cherche à minimiser le coût d’une mesure prise pour atteindre un objectif défini au moyen d’autres critères.

c

L’analyse multicritère est conçue pour le cas où certains bénéfices et/ou certains coûts se mesurent en terme non financiers.

d

des ressources naturelles. Enfin, examiner seulement le PIB ne permet pas d'évaluer l'effet de mesures qui, par exemple, diminueraient la consommation au profit de l'investissement tout en conservant la production constante (augmentation du taux d'épargne liée à une diminution de la productivité du capital).

La disparité des notions de coûts pose problème. En effet, si les coûts financiers sont directement mesurables, les coûts en bien-être sont les plus importants pour le choix social, et il sont difficiles à calculer à partir des coûts en PIB. Là où des distorsions du marché sont importantes, les prix observés ne reflètent pas la rareté sociale relative des ressources, ce qui pose des problèmes empiriques. Théoriquement, on devrait également tenir compte des composantes informelles et non marchandes de l'utilité, ainsi que de son évolution dans le temps.

Théorie du bien-être

Dans l'état actuel de la science économique, on peut dire que les coûts en bien-être restent mal mesurés, mais on dispose néanmoins d’éléments théoriques comme ceux rappelés Figure 3.2. Ces éléments ont permis de fonder les premières analyses, comme la fonction de coût de DICE32 . En approfondissant, plusieurs questions se posent toutefois :

• La théorie s’applique pour des petites variations de la demande, alors que la modération du changement climatique appelle des changements importants des marchés de l’énergie.

• C’est une démonstration en équilibre partiel. Or les effets d’équilibre général semblent a priori non négligeables : si on envisage une taxe, le recyclage de son produit dans le reste de l’économie peut ajouter ou retrancher au coûts sociaux directs.

• Elle suppose que le marché est initialement en situation d’équilibre, ce qui est loin d’être le cas en pratique. Si on prend en compte l’existence de taxes ou de subventions préexistantes, alors

prix quantité E q* p* P (1-x) q* A B C F Offre Demande O

Figure 3.2 : Perte de surplus engendré par la réduction.

Cette figure montre que le coût augmente quadratiquement avec x, la réduction des émissions. La quantité d'énergie est en abscisse, le prix est en ordonnée, et le coût est identifié à la perte de surplus du consommateur. Au premier ordre c’est l’aire du triangle ABC. Ce triangle est l’image de APF par l’homothétie de centre A et de rapport x, donc A(ABC) = x² A(APF). Source GIEC (1995, WG III, ch. 8, box 1).

diminuer la quantité peut améliorer ou bien détériorer davantage la situation.

Cette première approche ne fournit finalement qu'un éclairage très partiel et statique du problème du coût de réduction des émissions, appelée à être dépassée par les travaux ultérieurs.

Coûts d'ajustement

Nous disposons déjà d’un premier élément dynamique avec la notion de coûts d’ajustement. Celle ci, introduite au premier chapitre de cette thèse dans un cadre microéconomique, reste pertinente au niveau agrégé pour le problème de la réforme des conditions de production et de consommation d’énergie qui nous intéresse. Pour utiliser une image physique, le système socio-économique fait preuve d’une grande inertie, dans le sens où réaliser une déviation par rapport au scénario de référence demande des efforts qui dépendent de la vitesse à laquelle on s’écarte de cette référence. La Figure 3.3 représente une situation dans laquelle ces coûts constitueraient une part majoritaire des coûts de réduction pendant les prochaines décennies.

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