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Incidences de l'évolution du climat et mesures d'adaptation

Atmosphère Océan

2. Incidences de l'évolution du climat et mesures d'adaptation

Le paragraphe précédent a décrit l'existence d'une perturbation anthropique du système climatique. Mais l'augmentation de la température et de la hausse du niveau des mers ne sont que des causes premières des incidences de l'évolution du climat sur les sociétés. En ce qui concerne les effets finaux, les conséquences néfastes éventuelles sur le bien-être des individus, nous allons voir maintenant qu’il subsiste une controverse réelle.

Avant de commenter celle ci, nous allons d’abord examiner premièrement la sensibilitéa des systèmes naturels et sociaux, puis deuxièmement les possibilités d'adaptationb et d’atténuationc (en anglais « mitigation ») du changement climatique.

2.1. Des effets potentiellement importants mais difficiles à cerner.

Les incidences possibles de l'évolution du climat sur les écosystèmes sont nombreuses. Ceux ci con- servent encore la quasi totalité du patrimoine génétique. Ils sont aussi à l'origine d'un grand nombre de biens et services offerts à la société, comme 1) la production de la nourriture, des fibres, des médica- ments et de l'énergie; 2) la transformation et le stockage du carbone et d'autres éléments nutritifs; 3) l'assimilation des déchets, l'épuration des eaux, la régularisation du ruissellement et la lutte contre les inondations, la dégradation des sols et des plages; 4) des possibilités récréatives et touristiques. La composition et la répartition géographique de nombreux écosystèmes vont se modifier, et il faudra sans doute plusieurs centaines d'années après la stabilisation du climat pour que certains écosystèmes parviennent à un nouvel équilibre. Par exemple, on s'attend à ce que le climat évolue à une allure rapide par rapport au rythme de croissance, de reproduction et de régénération des essences fores- tières, et à ce qu'une proportion importante des zones actuellement boisées subisse une vaste mutation des grands types de végétation.

Les petites îles et les deltas sont particulièrement exposées aux inondations dues à des tempêtes, et le nombre de personnes menacées pourrait s'accroître plus vite. Cela pourrait obliger des populations entières à des migrations internes ou internationales.

Concernant l'agriculture, les prévisions à l'échelle globale ne sont pas pessimistes. Ces prévisions sont toutefois difficiles car, en plus de la température et du cycle hydrologique, il faut tenir compte de nombreux facteurs comme l'effet fertilisant du CO2 , les parasites, la variabilité climatique et les

modes de production. Cependant, des conséquences sensibles pourraient se produire à l'échelle locale et régionale.

Selon les résultats scientifiques actuels, l'évolution du climat va conduire à une intensification du cycle hydrologique global. Cela peut avoir des conséquences importantes sur les ressources régionales en eau, mais ces effets sont actuellement mal connus. Toutefois, ces effets additionnels se superpos- eront aux sérieux problèmes qui se posent d'ores et déjà dans de nombreuses régions.

Sur la santé, la diminution de la mortalité due au froid s'opposera aux conséquences de l'augmentation de l'intensité et de la durée des vagues de chaleur. Mais les conséquences indirectes devraient être prédominantes, il s'agit du risque de recrudescence des maladies infectieuses à transmission par vec- teur, comme par exemple le paludisme, la fièvre dengue, la fièvre jaune et certaines encéphalites

a Selon la définition du GIEC, il s’agit la capacité d'un système à réagir à une transformation des conditions cli-

matiques. Il s'agit par exemple du degré de modification de la composition, de la structure et du fonctionnement d'un écosystème, et notamment de sa productivité primaire, par rapport à une variation de température ou de précipitation donnée.

b La capacité d'un système à ajuster ses mécanismes, ses processus et sa structure à des changements climatiques

hypothétiques ou réels. L'adaptation peut être spontanée ou planifiée; elle peut se produire en réponse à ou en prévision d'une évolution des conditions.

d'origine virale. En effet, l'aire de répartition et la durée de reproduction des vecteurs pourraient s’accroître. Mais là encore, il est difficile de quantifier les incidences en raison de nombreux facteurs concomitants et interdépendants comme l'état nutritionnel, la densité et l'accessibilité des services de soins par exemple.

Il ressort de cette section qu’il reste difficile de quantifier les effets du changement climatique sur les écosystèmes et les sociétés. Ces effets ne se produisent pas dans un cadre fixé et à l’équilibre, mais au contraire dans une société qui change constamment. Là encore, l’analyse est profondément marquée par l’irréversibilité et l’incertitude.

2.2. Il existe des possibilités techniques d’adaptation et d’atténuation.

La question du changement dans une société en mouvement se pose aussi en ce qui concerne les techniques et mesures d’adaptation et d’atténuation. Le groupe de travail II du GIEC souligne l’existence de larges possibilités d’actions efficaces fondées sur les technologies actuelles (Encadré 2.1). Un message essentiel est que le développement de nouvelles technologies, n’est pas une condi- tion préalable à la mise en oeuvre de politiques d’adaptation et d’atténuation économiquement effi- cace. LE GIEC montre qu’il s’agit aussi de prendre des initiatives visant à remédier à la pénurie d'in- formation et à surmonter les obstacles culturels, institutionnels, juridiques, financiers et économiques qui peuvent s'opposer à la diffusion des techniques et à l'évolution des comportement.

A partir de ce point et dans toute la suite de ce travail, nous nous intéresserons plus particulièrement aux mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette restriction limite toutefois relativement peu la portée de l’analyse :

• L’ingénierie planétaire, comme la fertilisation océanique par exemple, pourrait permettre d’augmenter les puits de gaz à effet de serre. Mais en ce qui concerne les décisions pour les 20 prochaines années, elle peut être laissée de côté car ses modalités d’application pratique sont en- core très difficiles à cerner.

• Si les émissions et les puits de gaz à effet de serre provenant des changements dans l'usage des sols

De façon générale, les progrès techniques ont élargi les possibilités d'adaptation des systèmes gérés par l'homme. En ce qui concerne les ressources en eau douce, les mesures d'adaptation envisageables comprennent une gestion plus efficace des ressources et de l'infrastructure actuelles, des dispositions institutionnelles visant à limiter la demande future et à promouvoir la conservation de ces ressources, l'amélioration des mécanismes de prévision et de suivi des inondations et des sécheresses, la remise en état des bassins versants, surtout dans les régions tropi- cales, et la construction de nouvelles retenues. En matière d'agriculture, ces mesures d'adaptation consistant, par exemple, à modifier les cultures ou les variétés culturales, à améliorer les techniques de gestion des eaux et d'irri- gation et à modifier le calendrier des plantations et les techniques agricoles, joueront un rôle important pour limiter les effets négatifs de l'évolution du climat et pour bénéficier de ses effets positifs. Une gestion efficace des zones côtières et une réglementation de l'aménagement du territoire pourraient contribuer à éloigner les popula- tions des secteurs vulnérables tels que zones d'inondation, collines escarpées ou zones côtières de basse altitude. Les mesures d'adaptation permettant de réduire les incidences de l'évolution du climat sur la santé sont les dis- positifs de protection (logement, climatisation, épuration des eaux et vaccinations), la préparation à des catastro- phes et les soins de santé appropriés.

Cependant, l'accès de nombreuses régions du monde à ces techniques et aux informations appropriées est ac- tuellement limité. Pour certains Etats insulaires, le prix de la protection est pratiquement prohibitif, en raison essentiellement de la faiblesse des capitaux susceptibles d'être investis. L'efficacité et l'utilisation à bon compte des stratégies d'adaptation va dépendre de la disponibilité de ressources financières, des transferts de technolo- gies et des pratiques culturelles, pédagogiques, administratives, institutionnelles, juridiques et réglementaires sur le plan national et international. La prise en compte des problèmes posés par l'évolution du climat dans les déci- sions concernant l'utilisation des ressources et le développement et dans les plans ordinaires d'investissements d'infrastructure va faciliter l'adaptation à cette évolution.

sont aujourd’hui tout à fait significatifs, environ un cinquième des émissions totales de CO2 en

1990, leur importance devant les émissions provenant de l'utilisation de l'énergie fossile devrait aller en diminuant au siècle prochain.

• Les aspects liés à l’usage des sols et forestiers dépendent également d’autres questions comme la biodiversité ou le développement qu’il ne nous est pas donné d’aborder ici.

Plus spécialement, nous examinerons dans cette thèse le contrôle des émissions de dioxyde de car- bone provenant de l'utilisation des combustibles fossiles. Parmi les multiples gaz à effet de serre, le CO2 est le plus préoccupant car il est émis en grandes quantités et reste très longtemps dans l'at-

mosphère. Bien qu’il ne soit pas possible de définir une durée de vie, le GIEC suggère l’ordre de grandeur de 120 ans pour ce phénomène. De plus, contrôler les émissions de CO2 dépendant de

l’utilisation de l’énergie fossile a aussi pour effet de contrôler les émissions des nombreux autres gaz qui en dépendent aussi.

L'effet des autres gaz peut être mesuré au moyen de l'équivalent CO2x a

. On peut donc parler de l'effet de serre en fonction de la concentration de CO2 de deux façons:

• L'effet de serre dépend de la concentration atmosphérique de CO2 et aussi de la concentration des

autres gaz.

• L'effet de serre dépendant de la concentration de CO2 équivalent. En fait, c'est un abus de langage,

car la concentration de CO2 équivalent est une mesure de l'effet de serre, et non pas une cause.

La réduction des émissions de CO2 provenant de l'utilisation de l'énergie fossile est donc une question

centrale du problème de l'effet de serre. D'ici 2100, le système mondial de fourniture commerciale d'énergie aura été remplacé au moins deux fois. Cela permettra de modifier le système énergétique sans réforme prématurée des équipements. D'importantes immobilisations corporelles vont également être remplacées dans les secteurs industriels, commercial, résidentiel et agricole/forestier, qui con- somment de l'énergie. Ces cycles de remplacement des investissement donnent la possibilité d'exploi- ter des techniques nouvelles, plus performantes.

2.3. La controverse sur les dommages

A la section précédente, nous avons vu que la controverse sur la détection du changement climatique d’origine humaine était éteinte. Mais à ce jour, les scientifiques sont encore très prudents pour quan- tifier les effets sur les sociétés humaines. Par exemple, il n’est pas encore question d’attribuer des événements météorologiques autrefois exceptionnels mais aujourd’hui récurrents comme El Niño au changement climatique. Cette prudence ouvre le champ à des prises de positions radicales et oppo- sées. D’un côté une association comme Greenpeace21, par exemple considère le changement clima- tique comme un « Clear and Present Danger ». De l’autre, des sceptiques comme Yves Lenoir22 soulignent « les avantages désormais tangibles de l’enrichissement en gaz carbonique » et qui rappelle en somme que les gens préfèrent en général avoir chaud que froid.

Un autre sceptique français, Pierre Naslin23, explique en commentant une partie du dernier rapport du groupe I du GIEC que, concernant l'évolution du système climatique, 'Pour l'avenir, tous les scénarios

sont possibles'. Juste après cet exposé, il recommande de considérer l'effet de serre comme un facteur

secondaire pour la gestion des combustibles fossiles. Une tel mouvement de la pensée, qui part d'une absence de visibilité du futur pour arriver à une absence d'importance ne fait il pas irrésistiblement penser à l'histoire du réverbèreb ?

a L’équivalent CO

2 est l'augmentation de la concentration de dioxyde de carbone qui produirait un forçage ra-

diatif équivalent à l'augmentation de la concentration des autres gaz.

b

Un ivrogne cherche quelque chose sous un réverbère, la nuit. Un passant lui demande « Vous avez perdu quelque chose ? » Il répond « Oui, j’ai laissé tombé ma clé sur le trottoir d’en face ». « Mais alors, pourquoi vous la cherchez ici ? ». « Parce qu’ici, c’est éclairé ! ».

Le caractère diffus et retardé des impacts du changement climatique pose un véritable problème de gestion politique. La concentration de gaz à effet de serre est imperceptible, et dans certains cas, il n'y a pas non plus de perception directe des conséquences. Le manque d'eau, par exemple, peut se tradu- ire par une augmentation des prix au lieu d'un rationnement. Les groupes humains concernés n'ont pas d'observation sensible des impacts. La médiatisation par les scientifiques est donc nécessaire, ce qui implique de nombreuses difficultés.

Le point de vue des producteurs d’énergies fossiles comme la Global Carbon Coalition force large- ment le trait sur l’incertitude contre un prétendu ‘unanimisme climatique’. Dans son livre24 , Yves Lenoir prétend que ce qui est donné publiquement comme les résultats d’une expertise internationale n’est qu’une imposture scientifique. Il prétend que le GIEC est partie prenante dans une coalition d’intérêts comprenant notamment les grandes organisations écologistes, les mouvements et organisa- tions pour la maîtrise de l’énergie, ainsi que la haute technocratie. Cette coalition serait porteuse d’un projet totalisant visant à faire du CO2 et des énergies fossiles les boucs émissaires d’une catastrophe

annoncée. Ainsi, le lobby climatique reprendrait le relais du lobby nucléaire pour étouffer la démoc- ratie.

Il convient d’apporter quelques commentaires à cette critique des travaux du GIEC. Ce que la com- munauté scientifique reconnaît avoir détecté statistiquement aujourd’hui, c’est la perturbation d’origine humaine sur le climat, et non sur le bien être des individus. Les experts reconnaissent ex- plicitement que l’évaluation des conséquences de l’évolution du climat conduit à une fourchette large, comme nous venons de le voir plus haut. Dans certaines régions, on estime que les dommages seront élevés, alors que dans d’autres :

...l’évolution du climat augmentera la production économique et offrira des opportunités de développe- ment...25

Ce qui intrigue dans la position d’Yves Lenoir, c’est son optimisme: ceux qui ont froid aujourd’hui auront chaud demain, on pourra faire du vin en Suède et en Ecosse, le Sahara refleurira... Pourquoi pas, mais l’ensemble des éléments patiemment réunis sur l’évolution du climat indique plutôt des hypothèses inverses. L’évolution de la pluviométrie sur le sud de l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Afrique Sub-Saharienne semble plutôt orientée à la sécheresse que vers l’augmentation de la plu- viosité. Les observations et les modèles montrent qu’un réchauffement global, modifiant les courants marins, provoque un affaiblissement du Gulf Stream qui refroidit gravement le climat européen26. Imaginons abstraitement qu’un réchauffement global de 2°C soit favorable à l’espèce humaine. Deux problèmes se posent. Premièrement, c’est surtout la transition à partir du climat actuel qui concerne nos générations. L’espèce humaine s’est développée et adaptée à des conditions climatiques qui sont relativement stables : la variabilité naturelle de la température pendant le dernier millénaire est de l’ordre de 1°C27. Cette adaptation s’est d’abord traduite par une répartition du peuplement mondial, par l’édification de villes, de ports et autres infrastructures, par la structuration de sociétés autour de techniques agricoles, et aussi par l’accoutumance aux insectes, parasites et pathologies diverses qui accompagnent les conditions climatiques. L’adaptation à de nouvelles conditions ne sera pas néces- sairement un exercice gratuit et facile, il peut au contraire s’avérer coûteux et tragique, d’autant que ces conditions ne seront pas stabilisées.

Deuxièmement, si nous ne mettons pas en place les économies d’énergie et le passage aux ressources renouvelables, conditions pour contrôler l’évolution du climat, nous risquons de dépasser largement tout ‘optimum climatique’. En effet, consommer tout le potentiel techniquement réalisable de pétrole et de gaz classique, soit 300 GtC, ainsi que le quart des réserves de charbon, soit 800 GtC, conduirait dans l’hypothèse haute à un réchauffement global de 6.4 °C.

2.4. Conclusion

Le risque du changement climatique est réel et sérieux, mais ce n'est pas probablement pas le bouleversement le plus important qui va affecter la façon dont nos descendants vivront. On peut rai- sonnablement penser que les changements sociaux, à l'échelle de plusieurs décennies, seront au moins

aussi important que les changements climatiques. Tant pour l'atténuation que pour l'adaptation, les possibilités techniques ne semblent pas limitantes. Il semble par contre primordial de se préoccuper de la façon dont le changement du climat interagit avec le changement de la société. Cette position est illustrée dans la déclaration de Jorgenson28 :

How large are the damages associated with climate change? They are equivalent to the loss of about one year of world economic growth. Obviously, this is sizable, but not overwhelming. In the view of the signa- tories of the Economists' Statement on Climate change, this is sufficient to justify preventive steps to re- duce greenhouse gas emissions.

Le vrai enjeu n’est pas de savoir si un léger réchauffement, inévitable compte tenu des tendances économiques actuelles, est néfaste ou non, mais de prévenir une perturbation dangereuse du système climatique. C’est ce risque qui impose de limiter au maximum le réchauffement. On ne saurait pren- dre prétexte des manque d’explications relatifs aux épisodes climatiques passés pour éluder notre responsabilité dans l’ajout d’une perturbation importante du système climatique.

N’envisager que des hypothèses favorables, c’est se fier à la Providence plutôt qu’à l’action humaine raisonné. Cette position, idéologique, conduit à voir le travail du GIEC comme un complot, alors qu’il s’agit d’un processus ouvert et relativement démocratique, inspiré du meilleur de la collaboration internationale en météorologie. Ces conceptions oublient le caractère profondément corporatiste de tous les défenseurs des énergies fossiles. Elles font l’impasse sur tous les coûts sociaux déjà élevés des perturbations climatiques et des usages des énergies fossiles.

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