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La détection et l’attribution du changement climatique

Chapitre 2. Les conditions du problème du changement climatique

1. Aspects géophysiques: Un système susceptible de surprendre

1.1. La détection et l’attribution du changement climatique

La majorité de la communauté scientifique étudiant les sciences du climat est préoccupée depuis de nombreuses années par l’existence d’une perturbation d’origine anthropique du système climatique. Mais jusqu’à une date récente, on ne disposait pas de preuves statistiques montrant que le changement climatique observé ne peut pas être expliqué totalement par la variabilité naturelle. Pour expliquer ce qui a permis aux experts du GIEC de renverser leur conclusion réservée de 1990 sur la détection et l’attribution, commençons par examiner la cause, l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre, puis l’effet, le changement climatique.

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La concentration de gaz à effet de serre continue d'augmenter.

En moins de 200 ans les concentrations des gaz à effet de serrea se sont élevées à des niveaux jamais atteints depuis que l'humanité existe.

a Le Protocole de Kyoto définit comme gaz à effet de serre le dioxyde de carbone CO

2 , le méthane CH4 , l’oxyde

nitreux N2O, ainsi que les hydrofluorocarbones HFCs, les hydrocarbures perfluorés PFCs et l’hexafluorure de

soufre SF6. Il ne recouvre pas la vapeur d’eau, l’ozone ni les substances controlées par le protocole de Montréal, notamment les CFS. Ces dernières substances jouent aussi un rôle dans l’effet de serre mais sont moins cruciales politiquement.

La Figure 2.7 montre que la concentration de CO2 était en équilibre avant la révolution industrielle

(aux environs de 280 ppmv). Or, comme le grossissement sur la partie finale de la courbe le montre, la concentration et les émissions suivent aujourd’hui une croissance exponentielle. Ces perturbations du cycle du CO2 , illustrées Figure 2.10, proviennent des activités de l'homme. La Figure 2.11 illustre ces

effets: en brûlant des combustibles fossiles et en défrichant, l'humanité augmente le niveau de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

D’après le GIEC, il suffirait que les émissions de CO2 se maintiennent à leur niveau actuel pour que la

concentration augmente de façon constante pendant au moins 200 ans. Or il ne fait guère de doutes que les émissions tendent plutôt à la hausse, sous l’impulsion de la croissance démographique et économique mondiale. Les modèles du cycle du carbone du GIEC indiquent que la teneur de l'at- mosphère en CO2 ne pourrait se stabiliser autour de 450 ppmv, respectivement 650 ppmv que si les

émissions de CO2 d'origine humaine revenaient au niveau de 1990 d'ici 40, respectivement 140 ans, et

si elles diminuaient nettement par la suite.

Les autres gaz à effet de serre s’accumulent aussi de façon irréversible à court terme, puisque comme le CO2 la plupart restent dans l’atmosphère plusieurs dizaines ou plusieurs centaines d’années. L'agri-

culture intensive, l'extraction du charbon et les fuites dans les réseaux de distribution sont les princi- pales sources de méthane. Les oxydes d'azote et l'ozone à basse altitude sont aussi en augmentation. La stabilisation des concentrations aux niveaux actuels exigerait une réduction des émissions an- thropiques de 8% pour le CH4 et 50% pour N2O.

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Le climat a évolué depuis le siècle dernier.

En ce qui concerne le climat, les données laissent apparaître d'importantes variations temporelles et géographiques. Toutefois, comme on le voit sur la Figure 2.3, en moyenne globale la température de surface a augmenté de 0,3 à 0,6°C environ depuis la fin du XIXe siècle. Les années récentes ont été les plus chaudes depuis 1860 (début de la période d'instrumentation), et ce malgré l'effet de refroidisse- ment dû à l’éruption du mont Pinatubo en 1991. Toujours en moyenne globale, le niveau de la mer s'est élevé de 10 à 25 cm au cours des 100 dernières années (Figure 2.4). Ce phénomène est imputable en grande partie à l'augmentation de température du globe. On observe aussi un recul généralisé des glaciers.

La Figure 2.8 montre que des modifications sont également observées à l'échelle régionale. Par ex- emple, c'est dans les régions continentales des latitudes moyennes, en hiver et au printemps, que le réchauffement climatique récemment observé a été le plus prononcé, avec un refroidissement dans certaines zones telles que l'Atlantique Nord.

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On comprend mieux le climat.

La Figure 2.2 montre que les changements de concentration des gaz à effet de serre ont été associés à des changements climatiques spectaculaires dans le passé. Toutefois, observer une corrélation ne permet pas de déduire la causalité. Voyons pourquoi aujourd’hui, la majorité des scientifiques pensent que le réchauffement observé ne peut plus être expliqué par la variabilité naturelle1.

Plusieurs types d’observations suggèrent une influence humaine discernable sur le climat global. Les indices vont des changements de la température moyenne en surface de l'air aux changements dans les variations géographiques, saisonnières et verticales de la température atmosphérique. Sur le plan théorique, les seules variations des paramètres astronomiques ne suffisent pas à expliquer totalement les glaciations : il y a des indices forts qui montrent que les gaz à effet de serre ont joué un rôle sig- nificatif dans le réchauffement qui a suivi le dernier âge glaciaire, il y a 20 000 ans. Enfin, sur le plan empirique, le réchauffement mesuré est en accord avec les résultats des modèles climatiques qui tien- nent compte des émissions passées.

La détection et l’attribution du changement climatique constitue résultat le plus spectaculaire obtenu par la science du climat entre 1990 et 1995. Pour Hasselmann2, deux facteurs expliquent ce progrès outre les avancées des méthodes et des moyens de modélisation évoqués au chapitre précédent :

• La qualité du signal s’est améliorée. Comme nous l’avons vu, les émissions ont continué à aug- menter. De plus, les analyses se sont concentrées sur les données récentes, les tendances sur les 30 dernières années ayant un meilleur rapport signal-bruit que les séries sur 100 ans utilisées pré- cédemment.

• Les modèles récents prennent en compte l'effet refroidissant direct et indirect des aérosols tro- posphériquesa. Cet effet, illustré Figure 2.9, peut être localement plus important que le réchauffe- ment global. Il peut donc expliquer, par exemple, l’existence de zones de refroidissement qui étaient visibles Figure 2.8. Notons toutefois que contrairement aux gaz à effet de serre, les aérosols d'origine humaine ont une durée de vie très courte dans l'atmosphère. C'est pourquoi le forçage ra- diatif qui leur est imputable suit rapidement l'augmentation ou la diminution des émissions. Leur effet risque donc de disparaître avec la diminution des pluies acides et des brûlis.

Des indicateurs de nature statistique qui s’appuient sur la distribution spatiale et temporelle des changements, comme ceux représentés Figure 2.5 et Figure 2.6, permettent de séparer le signal (représenté par le changement climatique) du bruit de fond (la variabilité naturelle du climat). La majorité de ces indicateurs sont positifs, ce qui a permis à la seconde évaluation du GIEC de conclure dans son rapport de synthèse :

Un faisceau d'éléments suggère qu'il y a une influence perceptible de l'homme sur le climat global.

On peut donc dire que l'augmentation de la concentration de gaz à effet de serre depuis l'époque pré- industrielle (1750 environ) a conduit à un forçage radiatifb supplémentaire tendant à réchauffer la surface du globe et à produire d'autres changements climatiques.

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