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Avant de préciser le problème spécifique de recherche de cette étude et de choisir une sous-question spécifique, examinons d’abord l’état de la littérature. Nous sommes, en effet, parti de notre thème central relatif à la sécurité au sein du collectif de l’aéronautique civile, lequel a orienté le choix de nos lectures en nous permettant de dénicher des sous thèmes en rapport avec ce qui insécurise le transport aérien et conduit aux accidents et aux catastrophes dans ce domaine au point de jeter le doute sur ce mode de transport le plus sûr. Par conséquent, nous avons regroupé nos lectures en plusieurs parties dont :

- Les publications de l’OACI ;

- Les différents ouvrages sur les incidents, les accidents et les catastrophes d’aviation ; - Les ouvrages des acteurs du système ;

- Les publications du CETCOPRA ;

- La série documentaire « Danger dans le ciel » ;

- Les publications de l’Institut Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA) ; - Les publications à caractère théorique et épistémologique.

A propos des publications de l’OACI, nous avons observé et parcouru une abondante littérature scientifique et technique nécessaire relative à la sécurité de l’aviation civile commerciale, c’est-à-dire une montagne d’archives traitant des incidents et accidents d’avion et des moyens de les prévenir. Comme il nous est difficile de nous livrer à l’exercice reproductif d’une liste complète de ces ouvrages, nous nous limiterons à indiquer quelques- unes que nous avons consultées. Leur exploitation nous a permis de bien comprendre le problème que nous traitons dans cette étude: ils constituent une mine d’informations inépuisable à ce sujet.

Tel est le cas du Manuel d’instruction sur les facteurs humains (Doc. 9683-

AN/950)81, qui reste, sans conteste, l’un des premiers ouvrages de référence en matière aéronautique.

En effet, dans l’avant propos de cette publication, il est fait état que de longue date, trois accidents sur quatre en aviation sont le résultat de performances humaines non optimales et qu’il y espoir que toute avancée dans ce domaine jouera un rôle important dans l’amélioration de la sécurité des vols avant que l’OACI se fonde sur la remarque faite en 1986 par l’Amiral Donald Engen, ancien administrateur de la FAA, selon laquelle « nous avons passé plus de cinquante ans à nous occuper du matériel, qui est assez fiable, il est temps de nous occuper des gens »82 pour montrer la nécessité de la

prise en compte du facteur humain en aviation.

81 OACI, Manuel d’instruction sur les facteurs humains Doc 9683-AN/950, Montréal, Première édition, 1998, 2-4-45 p. 82 Idem, p. 1-1-5.

Il met à l’avant plan l’importance d’assurer l’interopérabilité mondiale basée sur des objectifs de sécurité élevés visant le développement de l’aviation civile international ou commerciale.

Ce document signale, en effet, que la réussite et la sécurité d’un vol sont fonction de plusieurs paramètres, parmi lesquels l’environnement dans lequel évolue ou s’effectue le vol, le moteur, l’homme… et que l’attention devrait aujourd’hui plus être focalisée sur le facteur humain, les interactions et le leadership en ce que « certains accidents ont été causés par la façon d’agir inadéquate de personnes qui auraient été capables d’agir efficacement mais qui ne l’ont pas fait »83. Cela n’est donc

pas sans rappeler les comportements, les rôles, les agissements, les faits et gestes ainsi que la responsabilité des gens commis à la gestion du trafic aérien à tous les niveaux et surtout à la conduite des aéronefs en ce que « les pilotes sont conditionnés pour affronter un ennemi qui, en principe, ne doit jamais s’annoncer. Et s’il surgit, ils n’ont en général que quelques secondes pour réagir. C’est alors que l’excès de confiance peut conduire au drame »84. Quand nous parlons de tous les niveaux, nous faisons

allusion à tous les maillons du macrosystème technique aéronautique (MSTA) qui vont des constructeurs aux maintenanciers des avions, en passant par les exploitants, de la structure normative aux administrations des compagnies aériennes sans laisser de côté l’état de santé, le comportement de gestionnaires de toute la longue chaîne du système.

En effet, l’intérêt accordé à l’homme fait donc que l’OACI pousse très loin sa logique en égrappant la dimension ou le sous-système “communication” du facteur humain lorsqu’elle fait observer que « des communications ambigües, prêtant à confusion, hors de propos ou mal structurées ont été citées comme facteurs de nombreux accidents, dont le plus tristement fameux est la catastrophe de Tenerife85 (mars 1977), qui a impliqué deux B-747 »86. Imputé à un dysfonctionnement

communicationnel et à un manque de leadership dont la non imposition du point de vue de l’ingénieur- mécanicien en cockpit, cet accident est, aux dires de L. Belot, toujours considéré comme « LE cas d'école de l'erreur humaine en aéronautique car, comment l'avion hollandais a-t-il pu décoller sans autorisation de la tour de contrôle et pourquoi l'ingénieur mécanicien n'a-t-il pas pu imposer son point de vue au pilote »87. Il y a même plus: l’OACI fait remarquer dans ce précieux document évoqué ci-haut

que dans les investigations techniques sur les accidents et dans la prévention, l’erreur humaine doit être le point de départ plutôt que la ligne d’arrivée, car pour l’OACI, « l’élément humain est la partie la plus souple, la plus adaptable et la plus précieuse du système aéronautique, mais c’est aussi le plus vulnérable aux influences qui peuvent compromettre ses performances »88. Aussi, l’OACI s’étend

longuement sur la place qu’occupe l’homme dans le « système aéronautique » et sur les objectifs fondamentaux de son programme de prévention des accidents, lorsqu’elle y fait observer que « sachant

83 OACI, op. cit., p.1-1-12. 84 ATTALI B., op. cit., pp. 28-29.

85 L’aéroport de Los Rodeos à Tenerife, petite île paradisiaque de l’archipel des Canaries, vécut le 27 mars 1977 la catastrophe aérienne la

plus meurtrière de l’histoire de l’aéronautique civile. Il s’est agi de la collision sur la piste de deux gros porteurs dont un Boeing 747- 121 de la compagnie aérienne américaine Pan Am (vol 1736) et un Boeing 747-206B de la compagnie hollandaise KLM (vol 4805) dans laquelle périrent 583 personnes. Seulement 64 personnes survivront sur les 396 qui étaient au bord de l’avion de la Pan Am. Cet accident était dû à un sérieux problème de communication (terme prêtant à confusion) et à une mauvaise communication entre les équipages et la tour de contrôle, doublée par une condition météorologique très dégradée (visibilité très réduite à cause des nappes de brouillard et de feux de balisage défaillants) pour l’évolution des avions sur la piste. Selon le rapport d’enquête établi par la commission instituée à cet effet et composée d’une soixantaine d’experts aéronautiques espagnols, néerlandais et américains ainsi que des représentants de deux compagnies, le commandant de bord de la KLM, bien qu’aligné pour le décollage, n’avait pas attendu l’autorisation et n’avait pas reçu de la tour de contrôle la clairance nécessaire. Par contre, l’avion de la Pan Am avait suivi la procédure malgré un moment d’hésitation. Et pour cause: l’instruction donnée par la tour était « taxi into the runway and leave the runway third, third to your left » signifiant « roulez sur la piste et quittez-la à la troisième à gauche ». Pour l’équipage, s’agissait-il de « third » ou de « first » ? La tour de contrôle confirma bien qu’il s’agissait de « the third one », sans toutefois lever l’ambiguïté…Il s’en était suivi un mauvais autocontrôle de l’équipage de la KLM et une autre ambiguïté entre le copilote de cet avion et l’ATC.

86 OACI, op. cit., .p. 1-1-12.

87 BELOT L., « Crashs aériens, erreurs humaines » paru dans Le Monde du 25 octobre 2005 (mis à jour le 06 janvier 2010). 88 OACI, op. cit., pp. 1-1-1_1-1-2.

que des facteurs humains jouent un rôle dans la plupart des accidents et incidents d’aviation, nous devons, pour renforcer la sécurité aérienne, améliorer notre aptitude à identifier ce rôle. Nous pourrons ainsi tirer les leçons de cette expérience et appliquer des mesures nouvelles et améliorées pour prévenir la répétition de tels événements. Nous ne pouvons empêcher que des êtres humains commettent des erreurs, mais nous pouvons réduire la fréquence et limiter les conséquences de ces erreurs »89.

Le document de “l’alma mater de l’aviation” a surtout retenu notre attention au regard de la place qu’y occupe la communication; car l’OACI y signale qu’« une communication efficace, englobant tous les transferts d’informations, est un élément essentiel de la sécurité de vol. Le message peut être transmis par la parole, l’écrit, par divers symboles et affichages (instruments, écrans, cartes) ou par des moyens non verbaux, tels que les gestes et le langage corporel. La qualité et l’efficacité de la communication dépendent de son intelligibilité de la mesure dans laquelle le message est compris par le destinataire »90. Ce qui nous replonge totalement dans le champ des SIC, déterminant de ce fait

que l’aéronautique est d’abord, dans ses différentes dimensions et fonctions, communication, comme nous l’avions dit, et que « par conséquent toutes les modalités de communication ou presque utilisées par l’homme se retrouvent en aéronautique »91. Car, il est connu des personnes avisées que tout avion

en vol est en liaison avec des équipes et de l’appareillage au sol qui assurent sa sécurité, les flots de messages s’échangeant entre les équipages et les contrôleurs de trafic aérien où chacun est appelé à jouer son rôle dans ce jeu communicationnel de la navigation aérienne.

L’OACI s’étend dans cet ouvrage non seulement sur des entraves ou des facteurs compromettant la qualité de la communication, mais aussi et surtout sur les comportements des équipages de vol, des contrôleurs de la circulation aérienne, les facteurs humains, le management, l’organisation, les questions de facteurs humains dans le contrôle de la circulation aérienne, dans le chargement des avions, dans la maintenance et l’inspection des aéronefs ainsi que l’instruction sur les facteurs humains pour les enquêteurs de la circulation aérienne… Elle conseille une approche systémique de la sécurité de l’aviation. Voilà donc, là-même, une des raisons expliquant les assises théoriques de cette recherche doctorale. Concernant toujours l’OACI, il s’est agi en deuxième lieu de dix-neuf annexes92 à la Convention de l’aviation civile internationale, une sorte de vade-mecum pour

réglementer l’aéronautique civile internationale et desquelles s’inspirent les lois nationales de l’aviation commerciale. Il s’agit entre autres de :