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CHAPITRE DEUXIEME: CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE ET ECONOMIQUE

II.2.1. DE « AIR CONGO » A « AIR ZAÏRE » ET AUX « LIGNES AERIENNES CONGOLAISES (LAC) »

II.2.1.3. Réforme monétaire du 24 juin

Un fait important ayant poussé l’autorité gouvernementale à la prise de décision de 1966 mérite également d’être signalé: le réseau dénommé Ligne-Belgique-Congo (LBC) était jusque-là exploité en pool par un avion de type B 707 appartenant à la Sabena, comme signalé précédemment. Ce pool, géré et contrôlé exclusivement par la Sabena, ne profitait qu’à la compagnie belge, créant par conséquent un déséquilibre flagrant au détriment d’Air Congo. Cela ne fut interprété autrement par le nouveau régime que comme une mutation de la colonisation, mieux une sorte de “la continuation de la colonisation”. Aussi, le contrat d’assistance technique de la Sabena fut résilié le 1er décembre 1968 en

même temps que le pool sur la LBC par l’Etat congolais. Cette période coïncide avec la réforme monétaire du 24 juin 1967 qu’il faut considérer comme « un des premiers temps forts de l’évolution socio-économique du Zaïre »698. Cette réforme a été opérée avec l’aide du Fonds Monétaire

International (FMI) qui en avait d’ailleurs assuré l’encadrement en donnant au pays la garantie d’accéder à un crédit « stand–by » d’un montant de 27 millions $ US.

Sur le plan économique, un autre atout majeur ayant servi de soubassement à cette création d’une nouvelle unité monétaire fut la remontée du cours de cuivre considéré comme principale source des recettes fiscales et des devises du Congo. Ainsi, la réforme de 1967 s’est traduite par l’avènement d’une nouvelle monnaie nationale, baptisée « Zaïre », dont la parité a été de 1 Zaïre pour 2 Dollars américains. Sur le plan aéronautique, signalons qu’au courant de cette année, la flotte d’Air Congo compte en propre deux DC 6, huit DC 4, onze DC 3, dix Beechcraft D 188 et cinq Beechcraft Baron.

Le 2 février 1969 est annoncée la modernisation de la flotte de la compagnie nationale. Cela concerne, d’une part le remplacement des DC 3, DC 4 et DC 6 par des avions de type “Caravelle” et, d’autre part, le changement de statut de la société. Ainsi, « le 16 février, le nouveau statut d’Air Congo était publié »699 et le capital d’Air Congo est porté à 1.375.000 zaïres par l’ordonnance n°68/065.

Il est réparti comme suit : l’Etat congolais : 875.000 Z ; INSS : 100.000 Z ; CADECO : 100.000 Z ; la Banque nationale du Congo : 75.000 Z ; l’Office de Transport en Commun du Congo (OTCC) : 75.000 Z ; la Société de crédit aux classes moyennes et à l’industrie : 75.000 Z. Il s’ensuit, deux mois après, un changement à la tête de la compagnie nationale du fait que le Conseil

698 PEEMANS J-P., Le Congo-Zaïre au gré du XXième siècle. Etat, économie, société 1880-1990, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 240.

d’administration résilie le 16 mai le contrat du Directeur général de la société, M. Aubert Mukendi700. En

ce moment-là, c’est le chef coutumier Hubert Sangara qui occupe la présidence de la compagnie nationale Air Zaïre.

Entretemps, le gouvernement congolais décide de régler les dettes en suspens de la Sabena. Le quotidien belge Le Soir fait écho de la nouvelle dans sa livraison du 11 juin 1968 à la suite de l’interview du ministre congolais des Transports, M. Victor Nendaka Bika mais le litige Sabena-Air Congo est définitivement clos lorsque le ministre des Affaires Etrangères, Justin-Marie Bomboko remet le 2 août 1968 des bons de trésor à l’ambassadeur de Belgique au Congo. Représentant un montant d’environ 74 millions de FB, « ces bons furent honorés par la Banque nationale en trois échéances, ce qui mit fin à ce contentieux financier »701. Le 11 septembre de la même année, une ordonnance

présidentielle nomme Monsieur Louis Lumumba702 à la tête du Conseil d’Administration d’Air Congo en

remplacement de M. Hubert Sangara. Cette nomination entraîna également la démission de plusieurs membres, particulièrement des expatriés au sein du même conseil et leur remplacement par des cadres congolais.

Cela fait qu’en 1969, la flotte en service d’Air Congo compte deux DC 8 dont « un de type 62 pris en location chez Laker Airways, une compagnie aérienne appartenant à M. Freddy Laker qui exploitait la ligne Congo-USA en low-cost »703, deux Caravelle 11-R, « ce type d’avion qui ne

redoute pas les terrains difficiles »704, huit Fokker F 27, sept DC 4 Cargo dont un à queue pivotante en

plus des avions de type DC 6, DC 4 et DC 3. A cette époque déjà, « la société emploie 3.053 agents dont 300 étrangers sont, dans une proportion variant entre 75 à 95 %, composés de nationaux »705. Ce

qui impacte aussi sur le trafic de passagers et de fret, car « en 1969, la flotte d’Air Congo a parcouru au total 10.274.425 kilomètres, volé pendant 23.205 heures et transporté 86.895.485 kilogrammes de fret »706. Il est bon de préciser que le DC 8-62 de Laker a permis à Air Zaïre d’exploiter le long courrier

après le départ de la compagnie aérienne belge Sabena. En effet, c’est grâce à cet avion que la compagnie nationale congolaise a su maintenir sa présence sur le réseau international avant l’achat plus tard de son DC 8-63. Il est bon de signaler également que c’est au cours de cette année que « la Force aérienne se verra dotée… de transporteurs lourds et légers (C 130, Buffalo, DC 3…)… »707.

Voici, à cet effet, comment se présente l’évolution du trafic d’Air Congo708 à partir de

1961:

700 Aubert Mukendi est l’auteur de « Enterrons les zombis », livre dans lequel il avait dénoncé la mauvaise gestion du pays sous Mobutu.

Après la parution de cet ouvrage, il s’exila à l’étranger pour retourner au pays lors de la prise du pouvoir par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL. Il fut directeur de cabinet du Président Laurent-Désiré Kabila.

701 ONRD, op. cit., p. 232.

702 La nomination à la tête du Conseil d’Administration d’Air Congo de Louis Lumumba, frère de feu le premier Premier ministre du Congo

indépendant, Emery-Patrice Lumumba, tué atrocement le 17 janvier 1961 au Katanga, fut interprétée de diverses manières dans les milieux politiques kinois. L’on sait que lorsque la veuve de Lumumba est rentrée au pays le 10 février 1968 après un exil de sept ans en Egypte, son retour est salué par le Président Mobutu. Celui-ci se déclare même l’héritier politique de Lumumba. Il s’en suivra quelques années plus tard cette nomination qui fut sujet à plusieurs commentaires. Il en fut de même de son arrestation-révocation le 25 octobre 1971 pour trafic de diamant que beaucoup ont qualifiée de règlement des comptes.

703 LESSEDJINA S., Entretien informatif de mercredi 4 septembre 2013 dans son cabinet privé sis sur avenue Tshikapa n°4 à Matonge dans

la Commune de Kasavubu.

704 SAINT-MARCOUX, op. cit., p.161. 705

RDC, Transports et Communications, Kinshasa, Afrique Contact, 1971, p. 91.

706 Idem, p. 90.

707 DEPARTEMENT DE LA DEFENSE NATIONALE, Mobutu et la guerre de « quatre-vingts jours », Bruxelles, Casterman S.A, 1978,

p. 35. 708 RDC, Transports et Communications, p. 91.

Figure 17 : Statistiques de trafic de 1961 à 1970. Source Air Congo.

Air Congo s’engage ensuite dans un ambitieux programme d’achat de gros porteurs, avec le concours d’un nouveau partenaire privé dénommé Pan American Airways (PAN AM). La convention d’assistance technique entre les deux sociétés intervient le 28 octobre 1970, mais son application ne sera effective qu’à partir du 27 janvier 1971. C’est d’ailleurs pendant cette période que la compagnie nationale vend les deux Caravelles 11 R ainsi que les avions à piston de type DC 6, DC 4 et DC 3. En 1970, en effet, la compagnie nationale compte dans sa flotte onze Fokker F 27. C’est d’ailleurs « à bord d’un Fokker F 27 piloté par deux congolais, dont Diasolua Zitu Simon, que les couples royal belge Baudouin Ier-Reine Fabiola ainsi que présidentiel Mobutu et son épouse Marie-

Antoinette vont réaliser du 20 au 29 juin 1970 une tournée à travers la RDC. Le Congo et la Belgique étaient sur nos épaules »709. D’ailleurs, le Président Mobutu l’a dit un jour : « il existe d’autres sujets de

fierté pour le Zaïrois. Ainsi, en 1960, le Zaïre ne disposait pas de compagnie d’aviation propre et encore moins de pilotes nationaux. Mais, en 1970, les souverains belges en visite dans notre pays ont effectué, pendant quinze jours, plus de 8.000 kilomètres à l’intérieur de la République à bord des avions de la compagnie nationale Air Zaïre, pilotés par les fils de ce pays, et ce dans les conditions de sécurité que Leurs Majestés Royales ont fortement appréciées »710.

C’est ainsi qu’« après l’ère des petits porteurs, les Fokker ont révolutionné l’aviation civile congolaise, Mobutu ayant fait d’Air Congo, devenu plus tard Air Zaïre, une compagnie de pointe »711. Une précision de taille mérite d’être apportée à cette étape de l’histoire de l’aéronautique

civile de la RDC en ce qui concerne les pilotes congolais. En effet, c’est sur décision personnelle du Président Mobutu que ces derniers ont pu accéder aux commandes des avions de type “Caravelle” et “Fokker” au grand dam des pilotes blancs. Ceux-ci nourrissaient non seulement un préjugé défavorable à l’endroit de leurs collègues congolais.

Alors, au retour d’un sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) tenu dans la capitale mauritanienne, les commandes de la Caravelle présidentielle devant ramener Mobutu au pays furent arrachées au chef pilote Caravelle, le français Guerriot et confiées au CDB Ilunga grâce à la

709 Cette déclaration nous a été faite par l’ancien CDB ILUNGA MIKANDA Idelphonse au cours d’une longue interview de cinq heures,

soit de 13 heures à 19 heures, qu’il nous a accordée mercredi 22 octobre 2010 dans la salle d’attente du Comptoir-Terminus, siège des Lignes Aériennes Congolaises (LAC) sur l’avenue du Port dans la commune de la Gombe où il a assumé la fonction de Directeur des Opérations avant de prendre sa retraite.

710 MOBUTU SESE SEKO, Discours, allocutions et messages 1965-1975, Tome 2, Paris, Maury-Imprimeur, 1975, p. 196. 711 ILUNGA M., interview citée.

Année Tonnes Km

Transportées

Nombre de

passagers Distance parc. en Km Tonnes Km offertes

1961-62… 1962-63… 1963-64… 1964-65… 1965-66… 1966-67… 1967-68… 1968-69… 1969-70… 24. 714. 963 32. 167. 040 29. 175. 730 34.570. 123 35. 437. 215 34. 592. 215 46. 822. 490 53. 901. 206 193. 936 246. 954 207. 550 226. 541 249. 339 252. 549 198. 712 226. 726 7.493.416 8 .836.953 8.371.822 9.082.688 9.465.722 8.806.150 9.630.845 11.062.108 30.030.916 44.616.240 41.180.079 46.370.004 47.149.647 51.813.021 78.798.694 93.689.012

complicité de l’ambassadeur Kibambe. Par la suite,« Cet avion fit tour à tour escale à Dakar, Abidjan, Lomé, Libreville et Brazzaville pour déposer les Présidents sénégalais Léopold Sédar Senghor, ivoirien Félix Houphouët Boigny, togolais Gnassingbé Eyadema, gabonais Omar Bongo et congolais Marien Ngouabi qui avaient pris place à bord de l’aéronef de Mobutu avant sa destination finale: Kinshasa »712.

Le 24 novembre 1970, Air Congo met en service un super DC8-F63 capable de transporter 250 passagers. Sept mois plus tard, le constructeur américain Douglas livre à la compagnie aérienne nationale congolaise le deuxième appareil de même marque.

L’assistance technique de la PANAM a été caractérisée pendant sept années par des difficultés d’adaptation du personnel technique d’assistance. Cette assistance technique coûtait cher à l’Etat congolais. Aussi, celui-ci se saisit des difficultés financières consécutives au coût trop élevé de cette assistance ainsi que de la frustration des cadres zaïrois qui n’étaient pas associés à la gestion pour y mettre fin. Air Zaïre comptait un personnel étranger de vingt-cinq pays différents. Le 5 mai 1977 par l’ordonnance n°78/205 du 5 mai 1977 est nommé un nouveau Conseil d’Administration. Cependant, la gestion courante et quotidienne est assurée par un Administrateur Délégué Général (ADG) assisté d’un comité de gestion. De 1971 à 1977, cinq Présidents Délégués Généraux (PDG) de la PANAM se sont succédé à la tête de la compagnie aérienne nationale congolaise.