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CHAPITRE DEUXIEME: CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE ET ECONOMIQUE

II.2.1. DE « AIR CONGO » A « AIR ZAÏRE » ET AUX « LIGNES AERIENNES CONGOLAISES (LAC) »

II. 2.1.1. Air Congo sous la tutelle de la Sabena : 1960-

Le projet de création d’Air Congo est concrétisé par le Décret-loi du 6 juin 1961 signé par le Président de la République Démocratique du Congo, Joseph Kasavubu. Lequel portait autorisation de la constitution d’Air Congo.

Ainsi, le 28 juin 1961, un montage financier permet la mise sur pied d’une Société par Action à Responsabilité Limitée (S.A.R.L) dénommée Air Congo, avec un capital social évalué à 200 millions de Francs Congolais dont les activités commencent le jour suivant. Les principaux actionnaires sont l’Etat congolais avec 130 millions de Francs Congolais, soit 65 %, et la Sabena avec 60 millions de Francs Congolais, soit 30 %. Les 10 millions de FC restants, soit 5 %, sont partagés entre trois actionnaires minoritaires: Air-Brousse avec ses deux ailes, Kinshasa et Kasaï avec 7 millions de FC, soit (3,5 %), Sobelair avec 2,5 millions de FC, soit (1,25 %) et la Société d’Epandage et de Pulvérisation Aérienne (SEPA) avec 500 mille FC, soit 0,25 %. Le capital a été porté par la suite à 700 millions de Francs Congolais à l’issue de l’Assemblée générale des actionnaires tenue le 9 juin 1965. Une des conséquences de l’actionnariat de la compagnie belge avec la congolaise nouvellement créée est que « la Sabena, deuxième actionnaire de la compagnie, a mis à la disposition d’Air Congo une flotte de deux DC 6, sept DC 4 et dix DC 3 sous forme de location-vente aux fins d’exploiter un réseau de quelque 25.000 kilomètres et comportant 35 escales »680. Deux missions principales sont assignées à la

société Air Congo, à savoir maintenir et développer un réseau performant des liaisons intérieures d’intérêt public ainsi qu’assurer la présence du pavillon congolais en dehors des frontières nationales681.

Placée sous la tutelle administrative et technique de la Sabena, Air Congo se lance dans le transport aérien avec une flotte riche de 42 aéronefs. Dans ce lot, il y a lieu de signaler la présence de certains aéronefs devant être exploités sous la formule location-vente, dont 14 avions de la Sabena à savoir deux DC 6, quatre DC 4 et huit DC 3. Le reste de la flotte, soit 28 appareils, opèrent sous le régime de l’affrètement: sept Dragons, deux Apaches, quatre Aztèques, huit Beechcraft (BE) et sept DC 4. Par conséquent, il convient également de rappeler que c’est grâce à la convention de coopération conclue entre Air Congo et Sabena que la nouvelle compagnie aérienne congolaise va se lancer à l’assaut de l’important réseau intérieur du pays et du trafic international. Laquelle convention précisait clairement les conditions dans lesquelles la Sabena disponibilisait, au profit d’Air Congo, des

680

Annuaire de la République Démocratique du Congo, Léopoldville, Agence Nationale de Publicité Congolaise (ANPC), Concordia, 1964, p. 139.

681 Les concessions reçues de la compagnie nationale étaient les suivantes : l’exploitation des transports aériens réguliers et non réguliers à

l’intérieur du territoire de la République et l’exploitation des transports aériens internationaux réguliers et non réguliers sous réserve des autorisations de trafic international accordées ou à accorder par le gouvernement, à titre de réciprocité, à des compagnies étrangères…

moyens d’exploiter la concession exclusive des transports aériens lui accordée par le Gouvernement; entre autres le matériel volant, c’est-à-dire les avions comme dit ci-haut, le matériel technique et opérationnel ainsi que le personnel technique. Ainsi doté de tous ces moyens depuis sa création, Air Congo résiste à l’instabilité qui prévaut au pays.

En 1963, Air Congo gère un parc aéronautique de quarante et un avions dont neuf lui appartiennent désormais en propre: deux DC 4, cinq DC 3 et deux Cessna. En fait, l’avion est devenu l’un des grands moyens de transport au Congo. La place qu’il occupe dans les échanges inter-états n’est pas négligeable surtout à l’aéroport international de Ndjili qui constitue la principale porte d’entrée et de sortie du pays. La poste aérienne s’approprie cette réalité et la concrétise par le lancement d’un timbre postal d’une valeur de 6 Francs Congolais.

On y voit un avion, peint en jaune, en phase d’atterrissage au-dessus de la tour de contrôle de la plaine d’aviation de Ndjili ainsi que l’emblème de la République du Congo. Celui-ci était un drapeau de couleur bleue avec une grande étoile d’or au milieu et six petites étoiles d’or à gauche. Signalons que déjà à cette époque, le trafic aérien journalier de l’aéroport international de Ndjili varie « entre 120 à 150 mouvements d’avions»682. Chiffres de loin supérieurs à ceux qu’on y enregistre

aujourd’hui.

L’année suivante, soit en 1964, le nombre d’avion d’Air Congo grimpe jusqu’à quarante- cinq. Pendant ce temps, sa propre flotte s’élève à 18 avions dont un DC 6, cinq DC 4, huit DC 3, un Beechcraft D183 et trois Beechcraft D 55. Les appareils pris en location-vente sont au nombre de six, à savoir un DC 6, trois DC 4 et deux DC 3. Le secteur de l’affrètement comprend 21 avions: un Boeing 737, un DC6, trois DC4, quatre Aztèques, deux Apaches, trois Dragons, six Beechcraft D183 et une Caravelle 46, avion français à «une voix de tremblement de terre, de furie et d’ouragan déchaînés, mélangés en chœur assourdissant»683.

L’année 1965 consacre l’accroissement du nombre des avions devenus propriété d’Air Congo, soit 31 appareils, sur un total de 34: un Boeing 707, deux DC 6, sept DC4, onze DC3, cinq Beechcraft C 45 H et cinq Beechcraft D 55. L’on fait remarquer, à cet effet, que « 1965 est à marquer d’une pierre blanche pour Air Congo puisque la compagnie est devenue propriétaire, avec plus d’un an et demi d’avance sur les délais fixés, des avions mis à sa disposition en location-vente. Au 31 décembre 1965, la flotte utilisée atteignait 50 appareils »684. Au cours de cette année 1965, Air Congo s’est hissée en quatrième position des compagnies membres de l’IATA et au troisième rang des compagnies africaines dans l’exploitation du réseau international.

Au courant de cette année, « en services non-réguliers, Air Congo occupe de loin

la première place des compagnies africaines. Le volume du trafic des marchandises au Congo représente à lui seul près de la moitié du volume de toute l’Afrique »685. Il y a même plus, car au-

delà des performances réalisées dans le domaine de l’exploitation à l’intérieur du pays, « l’année 1965 a battu tous les records d’exploitation depuis l’indépendance»686, tout comme sur le réseau interafricain

682 KABAMBI H., Ce beau métier d’aiguilleur du ciel, Goma, Maison Info-Service, 2005, p. 25 683

SAINT-MARCOUX, op. cit., p. 116.

684 Annuaire de la République Démocratique du Congo, Léopoldville, Agence Nationale de Publicité Congolaise (ANPC), Concordia, 1965,

p. 139.

685 Idem, p. 141. 686 Ibidem, p. 139.

et intercontinental. La compagnie est irréprochable sur le plan sécuritaire, car « Air Congo se place

très favorablement au sein des compagnies membres de l’IATA au point de vue de la sécurité des vols »687.

A cette époque, en effet, Air Congo couvre un réseau de 48.750 kilomètres, ses services réguliers desservant au moins une soixantaine d’aérodromes à l’intérieur du pays et à l’étranger. Les services réguliers des gros porteurs touchent 34 aérodromes à l’intérieur du pays où le réseau couvert est estimé à 18.22O kilomètres, tandis que les petits porteurs sillonnent 73 escales intérieures dont une vingtaine enregistre des services réguliers. Sur le réseau intercontinental, Air Congo relie, grâce à un Boeing 707, trois capitales européennes, à savoir Bruxelles, Paris et Rome au départ de Léopoldville et d’Elisabethville. Comparée à l’année 1964, le réseau régulier intercontinental a enregistré 143.190 kilomètres parcourus de plus (1.636.574 en 1965 contre 1.493.384 en 1964), soit une variation de 9,6%. La même tendance a été observée sur le nombre d’heures de vol où l’on est passé de 2.094,43 en 1964 à 3.313,28 en 1965, soit une augmentation de 10,4%. Quant au nombre de passagers transportés, l’on est passé de 34.504 en 1964 à 40.982 en 1965, soit une hausse de 18,8%. En cette année 1965, Air Congo a aligné des chiffres bien supérieurs par rapport aux attentes des dirigeants de cette compagnie: l’accroissement du trafic s’est considérablement amélioré de 6,3% en passant de 32.509,2 en 1963 à 34.370,1 en 1965 parallèlement à l’offre de 4% c’est-à-dire un passage de 44.567,1 en 1963 à 46.370 en 1965, consacrant ainsi un coefficient de 2,3%. Les affrètements ont suivi la même tendance, car « de 11.893,2 millions de tonnes kilomètres en 1963, ils sont passés à 12.576 millions en 1964 et 15.365,9 en 1965, soit une augmentation de 29,2% en deux ans »688.

Côté personnel, Air Congo compte dans son personnel terrestre 10 universitaires, 28 cadres, 188 agents qualifiés, dans son personnel navigant commercial 57 commis et 23 hôtesses de l’air, tandis que le personnel technique compte en son sein 9 chauffeurs mécaniciens et 68 éléments. A la fin de cette année, « 32 navigants de maîtrise, 7 universitaires, 55 cadres, 50 agents qualifiés et 10 comptables étaient en formation »689.

L’année 1965 a été celle de « l’âge d’or de l’aéronautique civile congolaise ». En plus, 1965 a réellement préparé le lit de l’année suivante. En cette année, l’on a connu une détérioration des moyens de transport routier qui a profité au secteur aérien, entraînant par conséquent l’augmentation du volume de trafic dans l’écoulement des marchandises et le transport des personnes. A côté de cet avantage sur le plan économique, on peut relever que sur le plan politique, « les liens assurés par l’aviation commerciale entre les provinces et la capitale, la fréquence des contacts rapides ont contribué à l’unité du pays »690.

Une année après, en 1966, Air Congo fait encore mieux en se dotant de trente-neuf aéronefs dont trente-six lui revenant en propre: deux DC 6, huit DC 4, onze DC 3, dix Beechcraft D-183 et cinq Beechcraft Baron. A à partir de cette année, en effet, Air Congo n’utilise que ses propres avions ou ceux affrétés auxquels il fait appel. Il s’agit notamment d’un DC 6, d’un DC 4 et plus d’une dizaine

687 Annuaire de la République Démocratique du Congo, p. 141. 688 Idem, p. 140.

689 Ibidem, p. 141.

d’appareils petits porteurs, soit un total d’une cinquantaine d’engins volants. A la fin de cette année, Air Congo compte « 22 pilotes, 32 radio-mécaniciens, 47 membres faisant partie du personnel navigant de cabine, 43 hôtesses de l’air; le personnel technique compte 71 agents tandis que l’exploitation est outillée de 16 universitaires, 29 cadres subalternes et emploie 86 agents qualifiés dont 7 femmes »691.

Il en résulte une situation particulièrement favorable pour la société Air Congo, la rentabilité actuelle n’ayant encore jamais été réalisée antérieurement »692. Cela autorise la compagnie

de faire des projections pour l’exercice à venir, en termes notamment de hausse du trafic, d’acquisition du matériel volant, d’envoi du personnel en formation à l’étranger…En plus des lignes intérieures, Air Congo dessert Bruxelles, Bujumbura, Entebbe, Kigali, Lagos, Lusaka, Nairobi, Ndola, Paris et Rome. Précisons que c’est en mars de cette année qu’Air Congo va enregistrer au sein de son Personnel Navigant Technique (PNT) ses tout premiers pilotes congolais dont Idelphonse Ilunga et Simon Diasolua Zitu.

L’année suivante 1967 n’apporta pas de changement notable en ce que la flotte d’Air Congo ne s’enrichit que d’une CAR/11. En plus, la compagnie nationale affrète un BAC 111 et un DC 8/33 pour le transport des marchandises. Ainsi, le parc aérien dépasse, cette année-là, la barre de quarante aéronefs. Laquelle a été maintenue jusqu’en 1968 avant d’emprunter la courbe descendante jusqu’à trente-quatre en 1969.

C’est au courant de l’exercice 1967 que l’idée de la construction de l’aéroport national de Bukavu/Kavumu germa dans les esprits des dirigeants congolais à la suite du manque de collaboration du Rwanda. Car, envoyé en opération à l’Est de la RDC pour bombarder les mercenaires du colonel Jean Schramme, le pilote militaire, le lieutenant Mbaki693 avait pris l’option d’aller se poser à

l’aéroport de la ville rwandaise de Cyangugu, connu sous le nom de Kamembe. Face au refus catégorique des autorités aéroportuaires rwandaises de lui accorder la clairance à la suite de son S.O.S après que son T 28 eût essuyé une batterie anti-aérienne ennemie, le lieutenant Mbaki se dérouta sur l’aéroport de Bujumbura. Il réussit à l’atteindre mais, malheureusement, trouva la plaine d’aviation entravée par des fûts du fait que Bujumbura ne voulait pas être impliqué ou entraîné dans la guerre. Ainsi, se trouvant dans l’impossibilité d’utiliser son parachute parce qu’il était touché aux jambes, le pilote de chasse s’écrasa et mourut.

C’est plus tard que le Président burundais de l’époque, Michel Michombero, consentit d'ouvrir ses aéroports aux bombardiers congolais T28 pour neutraliser Jean Schramme et ses mercenaires, la position du rwandais Grégoire Kayibanda restant inchangée quant à l’utilisation de l'aéroport de Cyangugu. Par conséquent, tirant les leçons du crash du Lieutenant Mbaki et du refus rwandais, le Président Mobutu décida la création de l’aéroport national de Kavumu, à trente-cinq kilomètres de Bukavu dans le creux situé entre le lac Kivu et la chaine montagneuse volcanique du parc national de Kahuzi-Biega où le premier atterrissage a été enregistré en décembre 1969.

691 RDC, Conjoncture économique 1966, Kinshasa, Ministère de l’Industrie et du Développement Rural, 1967, p. 165. 692 Idem, p. 164.

693 Pour immortaliser la mémoire de ce pionnier de l’aviation militaire, connu à l’aéroport de Ndolo à cause de ses acrobaties ou rases