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CHAPITRE TROISIEME : CADRE THEORIQUE DE L’ETUDE

I.3.2. LA THEORIE CYBERNETIQUE DE NORBERT WIENER

Nous avons relevé dans la partie introductive que la cybernétique du mathématicien Norbert Wiener est apparue en 1948 à New-York aux USA où elle a connu aussitôt un très grand succès. C’est d’ailleurs à la cybernétique que l’imagerie populaire a désormais associée la réalisation des robots418, le pilotage automatique et l’automation alors que le « père » de cette théorie argumentait,

en parlant de celle-ci, n’avoir utilisé et développé la « théorie de l’information » dont nous avons parlé ci-haut de C.E. Shannon, à laquelle il a ajouté la théorie du feed-back (rétroaction, information en retour). Ainsi, soutient un communicologue, donner des ordres au moment opportun, en fonction des moyens donnés et selon un programme d’action, cette action étant fixées dans ses objectifs, c’est déjà « penser cybernétique », faire en sorte, que le déroulement de l’action soit automatiquement réglé par des informations successives, les unes provenant du milieu extérieur (signaux), les autres provenant du mécanisme lui-même (auto-régulation), c’est appliquer la cybernétique. Il ajoute : on voit à quel point importent les messages, leur codages et leur décodage, leur transmission, leur circulation, ce avant de conclure : « la cybernétique peut être considérée comme une théorie des communications et de la circulation des informations ; et ainsi s’explique la confusion entre cybernétique et théorie des communications »419. D’où la théorie cybernétique, considérée aussi à raison de « système

cybernétique » est comprise comme un ensemble d'éléments en interaction, les interactions entre les éléments pouvant consister en des échanges de matière, d'énergie, ou d'information et ainsi constituer une communication, à laquelle les éléments réagissent en changeant d'état ou en modifiant leur action. Au cœur de ce processus se trouvent donc la communication, le signal, l'information et la rétroaction… en tant qu’élément centraux de la cybernétique et de tous les systèmes, c’est-à-dire organismes vivants, machines, ou réseaux de machines… tous imbriqués en interaction. Ainsi, comme le dit un communicologue « l'approche de Wiener est résolument circulaire alors que celle de son collègue et disciple C. E. Shannon demeure linéaire, entre autres pour des raisons pratiques, liées au laboratoire d'électronique dans lequel ce dernier travaille »420.

Cela étant, « l'approche cybernétique d'un "système" consiste en une analyse globale des éléments en présence et surtout de leurs interactions. Les éléments d'un système sont en interaction réciproque. L'action d'un élément sur un autre entraîne en retour une réponse (rétroaction ou "feedback") du second élément vers le premier. On dit alors que ces deux éléments sont reliés par une boucle de feedback (ou boucle de rétroaction) »421. Il est fait remarquer que de par ses différentes

applications, la théorie cybernétique tend à penser la communication en termes d’action et d’influence sur les récepteurs. C’est, pour cette raison qu’on lui doit les quatre fameux éléments, fonctionnels et objectifs, de toute communication, à savoir « l’émetteur ou appareil transformant l’information en une modulation physique qui permette d’utiliser le canal, le canal ou système physique reliant de façon continue dans l’espace et dans le temps le point de départ et le point d’arrivée, le récepteur ou appareil qui recueille la modulation constituant l’information et la transforme en information utile et le code (système du codage et du décodage) nécessairement commun à l’émetteur et au récepteur pour

418 La robotisation est plus à la mode aujourd’hui car, même les nations en de voie de développement ont emboîté le pas aux grandes

puissances. A titre d’exemple, quelques ingénieurs congolais de la RDC ont déployé depuis juin 2013 sur les routes de la capitale des robots intelligents conçus pour assurer la sécurité et la régulation routière. Embarquant une électronique de pointe, ces androïdes sont visibles aux carrefours des deux grandes artères de Kinshasa où elles réglementent la circulation routière.

419 MUCCHIELLI R., op. cit., p. 17.

420 MICHEL J.-L., Théorie de la communication, Paris, Université Jean Monet, 2007-2008, Cours polycopié, p. 22.

421http://www.linternaute.com/bbiographie/norbert-wiener/date/54039/wiener-pose-les-bases-de la-cybernetique (consulté le 15 janvier

assurer leur accord et leur ajustement réciproque »422. Il est fait remarquer que le fameux schéma

mécaniciste d’Harold Lasswell avec sa formule consistant à saucissonner le phénomène ‘’Communication’’ en vue sa coordination, à savoir « Qui dit quoi, à qui, par quels moyens, avec quels résultats » peut servir d’introduction au modèle cybernétique. Ses caractéristiques sont notamment entre autres : primo, tout système de communication correspond au transfert d’un message matériel ou matérialisable, entre un émetteur E et un récepteur R ; secundo la communication suppose une communauté des répertoires. René Mucchielli nous a présenté les différents types de répertoires entre l’Emetteur (Re) et le Récepteur (Rr), c’est-à-dire les systèmes dans lesquels chacun de deux puise le code de son message (sa forme et son contenu également) de la manière suivante :

1. Cas où les répertoires sont faiblement sécants : Dans ce cas la communication sera difficile et l’intercommunication faible. R ne décode qu’une partie du message de E ;

2. Cas ou les répertoires sont largement sécants et assurent une communication facile et une intercompréhension forte. R décode la quasi-totalité du message de E ;

3. Cas où les répertoires (les cadres de référence, ou les idéologies, ou les systèmes linguistiques ou les codes utilisés) sont radicalement étrangers l’un à l’autre. Les individus ne communiquent plus ou, s’ils « communiquent », ont un « dialogue de sourds » ;

4. Cas où l’émetteur se sert d’un grand nombre de signes dépassant les limites du savoir ou de l’expérience du récepteur. Il serait facile à l’émetteur attentif, dans ce cas, d’ajuster sa communication et d’assurer la qualité de la compréhension de R. Si l’on inverse les rôles du Re et Rr, la compréhension du nouveau récepteur sera parfaite.

Quant à la valeur et aux limites du modèle cybernétique, il lui a toujours été reproché le manque ou l’inexplication de l’origine de l’information, moteur premier de la communication ainsi que la négligence complète de la relations humaines, du fait qu’elle est plus axée sur la communication Homme-Machine ou la communication Machine-Machine. Par ailleurs, cette théorie néglige des pans importants d’une communication efficace, notamment la communication comme écoute, compréhension, dialogue, identification à autrui alors que beaucoup de communication sont des signaux déclencheurs de comportements-réponses. Pourtant, il est recommandé que l’émetteur et le récepteur partagent les mêmes codes, aient la même connaissance des signaux. Il en est des comportements-réponses qui doivent être connus du récepteur et que celui-ci ait les moyens normaux de leur accomplissement. Enfin, on doit tenir compte du feed-back et de son bon fonctionnement.

En résumé, nous pouvons retenir de la théorie cybernétique, du point de vue de notre problématique, la prise en compte de la rétroaction (feedback) et de la notion de « bruit », c’est-à-dire « toute perturbation aléatoire intervenant au cours de la transmission et pouvant provenir du canal de transmission et de ses défectuosités…de l’utilisation même du canal (interférences de communication), des attitudes de l’émetteur ou de celles du récepteur (distraction, sentiments, préjugés, opposition, etc…) et des ambiguïtés du message lui-même, c’est-à-dire des épaisseurs de sens que l’émetteur laisse subsister ou que le récepteur confond, c’est-à-dire aussi de l’inadaptation du code aux buts. D’autres part, le modèle permet d’interpréter les interactions : elles sont les effets du feed-back réciproque, d’où l’ajustement des deux interlocuteurs, ajustement des cadres de référence, des codes, du rythme, des objectifs »423. On baigne dans ce cas dans le communicationnel, pourtant nous

sommes plusieurs fois revenu dans notre domaine d’analyse, à savoir l’aéronautique civile, pour se

422 MUCCHIELLI R., op. cit., p. 17. 423 Idem., pp. 20-21.

rendre à l’évidence que ‘’le communicationnel’’ y prend le dessus sur tous les autres aspects à telle enseigne, par exemple que « le contexte prend en compte plusieurs éléments de la situation, aussi bien dans l’environnement que dans les têtes des acteurs (charge de travail, phase de vol, situation de stress…) »424. Ce qui est bien normal puisque l’aéronautique est d’abord un système de transport, c’est-

à-dire de liaison entre les hommes et entre les hommes et les choses. Concernant toujours l’aéronautique, Wiener touche à un autre point important en parlant de régularités qui « peuvent différer d’un aviateur à un autre et plus sûrement encore s’il s’agit d’avions de types différents »425 en évoquant

le problème de commande.

Intéressant, Wiener l’est davantage lorsqu’il concentre sa réflexion sur la différenciation du système ouvert et fermé. Un système fermé est autoréférentiel et débouche sur une naturalisation de la technique car, écrit-il, « il est incapable de concevoir une information sans propriétaire »426. Il est

surtout incisif lorsqu’il fait observer qu’« être vivant, c’est participer à un courant continu d’influences venant du monde extérieur, courant dans lequel nous ne sommes qu’un stade intermédiaire. Avoir pleinement conscience des événements du monde, c’est participer au développement constant de la connaissance et à son échange libre… »427. C’est pour cela que tirant la leçon de la Seconde guerre

mondiale, Wiener s’érige en défenseur de la transparence car il sait que la technologie n’est pas neutre. Enfin, la cybernétique est considérée comme une théorie des communications et de la circulation des informations et entrevoit la communication en termes d’action et d’influence ; C’est à elle que l’on doit, fait observer René Mucchielli, les quatre fameux éléments, fonctionnels et objectifs, de toute communication : l’émetteur, le canal, le récepteur et le code »428.