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Revue de littérature de la proposition 5

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-94)

Rappel de la cinquième proposition :

Malgré les difficultés de mesure et le manque de sources fiables, plusieurs signes indiquent une augmentation des risques entre 1990 et 2013 dans les multinationales de la finance. Dans le même temps, la définition même de ce que sont les risques, les manières de les prendre en compte et de les

‘’gérer’’ se transforment et font l’objet de controverses. Risques perçus comme tels et risques passés inaperçus, risques mesurés et risques négligés apparaissent à l’analyse comme de fragiles constructions sociales.

Bien que les yeux du monde semblent parfois fixés sur le thème des risques, les articles évoquant leur évolution sur longue période dans les grandes sociétés financières sont rares. Il n'a pas été possible d’en trouver un seul qui soit récapitulatif, documenté et chiffré et il a fallu reconstituer l'information bribe par bribe. Avant la crise de 2007, ce sujet préoccupait moins de gens, l’opinion dominante (dirigeants, actionnaires, analystes financiers, etc.) étant que les risques étaient sous contrôle. Les rares voix discordantes étant discréditées, comme le fait remarquer Stiglitz (2010) en décrivant le climat du forum de Davos avant 2007.

À l'inverse, depuis la crise de 2008, les auteurs (Artus – 2008, Tirole – 2008) présentent cet accroissement de risques comme une évidence sans pour autant apporter d’éléments quantitatifs probants sur longue période. Au chapitre 6, l’explication principale en est donnée et développée : il n’y a pas eu de conservation homogène sur la période de chiffres permettant une telle étude parce qu'aucun des acteurs concernés au premier plan par le sujet (managements et marchés financiers) n'ont intérêt à réaliser ces études: les managements des multinationales souhaitent avant tout rassurer les actionnaires et les marchés financiers sur leur maîtrise absolue des risques. Les comptes rendus aux actionnaires concernent l'année en cours et la précédente. Les études de long terme n'intéressent pas les managers ni les analystes financiers des sociétés de bourse. Les indicateurs utilisés pour la mesure du risque (comme la Value-at-Risk) sont incomplets, controversés, et inadaptés à une comparaison sur longue période. Quant à la recherche académique, indépendante des

intérêts économiques des sociétés financières, elle a besoin d'avoir l'accès à des sources et à des informations en provenance des entreprises pour étudier et conclure.

Mais même après la crise financière, aucune étude de long terme sur l'évolution des risques dans les sociétés financières par les financiers eux-mêmes n'est disponible. Les consultants de cabinets de stratégie (McKinsey, Bain, Roland Berger) sont singulièrement muets sur le sujet.

Quant aux analystes financiers des banques d'investissement et des "brokers", ils n'ont pas d'intérêt à mordre la main qui les nourrit en affirmant que les banques sont de plus en plus risquées.

Il a fallu retourner à la source de l'information, avec notamment les rapports annuels des sociétés multinationales, les rapports et données de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) ou de la Banque Mondiale pour obtenir des informations valables, mais très agrégées (cf chap. 6).

Quelques auteurs qui avaient signalé l'accroissement des risques avant le déclenchement de la crise financière se sont à nouveau exprimés après 2008 pour dénoncer ce renforcement des risques. Ils ont alors été largement écoutés déclenchant même des phénomènes de ‘’mode’’ qui incitent maintenant à la prudence lorsqu’on les lit, car ils sont parfois écoutés comme des oracles sur la base de simples affirmations. Il s'agit notamment d'Aglietta, de Rébérioux, de Berrebi, de Nourini, de Stiglitz, d'Artus, de Tirole ou de Krugman dont les travaux sont explicités dans le chapitre consacré à l'analyse des risques.

Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak (2009) font remonter les origines de la crise et de l'aggravation des risques à 1980 et aux politiques menées par Margaret Thatcher au Royaume-Uni et par Ronald Reagan aux USA. Ils affirment que la multiplication des risques dans les portefeuilles des banques et des compagnies d'assurance est un mouvement de fond qui prend naissance bien des années avant le déclenchement de la crise.

Selon Stiglitz, il y a une accélération de ce mouvement lié à l’abrogation du

Glass-Segall-Act25 en 1999. Cette décision permet la création de grandes sociétés financières mixtes qui schématiquement vont alors pouvoir plus facilement spéculer avec l'argent des épargnants.

Certes, ce travail de thèse n'est pas une recherche en économie, mais les chiffres disponibles à la BRI et dans les données disponibles des sociétés m'ont permis de mettre en évidence le fort accroissement du levier26 dans les grandes sociétés financières mondiales. Cet effet de levier est l'un des facteurs majeurs de l'accélération des risques dans une entreprise financière (Hildebrand - 2008 ; Ondo Ndong - 2011). Ondo Ndong met cette hausse en évidence (Ondo Ndong - 2011; p171), dans une étude qui examine trois banques significatives sur une durée de 9 ans.

Le système du shadow banking qui permet une hausse cachée des leviers financiers est dénoncé par Daniel Cohen (2009) qui le voit comme une conséquence du nouveau système capitaliste érigé après la crise de 1929, qui se développe doucement ensuite. Selon Cohen (2009 - p273), "il (le shadow banking) se développe et parti de presque rien dans les années 80, il pèse aux Etats-Unis le même poids que le système bancaire traditionnel... Il s'agit des hedges funds, des fonds de "private equity", des compagnies d'assurances...Les banques se sont elles aussi affranchies des règles prudentielles. Elles ont pu profiter au maximum de ce que l'on appelle l'effet de levier, le

"leveraging"...’’

Daniel Cohen décrit comme la grande cause de la crise cette "fausse monnaie financière" que l'effet de levier autorise (p 277). Si ces racines sont anciennes, l'accélération s’est faite à partir à partir de la fin des années 80.

25 Le Glass-Steagall-Act interdisait depuis 1933 aux USA à une banque d'exercer à la fois l'activité de banque de dépôt et celle de banque d'investissement - cf Firzli M, Orthodoxie financière et régulation bancaire : les leçons du Glass-Steagall Act, Analyse Financière n34 03/2010. Une telle loi permettait de protéger les épargnants des activités spéculatives des banquiers puisque ceux-ci ne pouvaient plus utiliser l'argent de leurs clients pour prendre leurs propres paris financiers risqués.

26 Selon le dictionnaire Verminnen de la Finance, le levier financier est traditionnellement égal au ratio

"endettement net/capitaux propres". En langage pratique, nous parlons ici du levier financier au sens large qui correspond à l'ensemble des engagements possibles de l'institution divisé par la capacité de cette institution à couvrir l'engagement. Ainsi, si une banque a un levier de 25 par exemple, cela veut dire que ses engagements sont 25 fois supérieurs à ses fonds propres et donc que si ceux-ci varient de 4% sans contrepartie (exemple d'un décalage de marché), alors les fonds propres peuvent être totalement épuisés par cette variation.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-94)