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Le déroulé des entretiens

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 135-139)

dirigeants de la finance au sujet du risque et du contrat psychologique

4.2. Le déroulé des entretiens

La plupart des personnes interrogées ont accepté un rendez-vous parce que je les avais déjà rencontrés dans le cadre de mes anciennes fonctions, ou parce que j'étais recommandé par l'un de leurs amis ou collègues qui, faisant partie de mon réseau, avaient accepté de m'ouvrir leur propre carnet d'adresses.

Les rendez-vous n'ont pas été pris en définissant à l'avance le sujet dont nous allions parler. Mon but était au contraire d'éviter les réflexions préalables et de pouvoir saisir sur le vif les réactions de l’interlocuteur.

Il me semblait nécessaire de garder une certaine ambiguïté sur mes fonctions pour l'efficacité du rendez-vous : je souhaitais parfois avoir plusieurs entretiens avec la personne, et potentiellement de l'aide pour obtenir d'autres entretiens avec d'autres salariés de son entreprise. Il me fallait montrer que je restais "dans le jeu"

d'une façon ou d'une autre : que je pouvais potentiellement être utile à mes interlocuteurs, notamment dans ma capacité à leur donner des informations sur le marché, du feed-back sur mes observations dans leur entreprise, voire de leur servir de "go-between" avec d'autres acteurs du marché. Pour cela, je devais conserver les attitudes et les codes de la profession (habillage, langage, ‘’name-dropping’’…), ce qui impliquait aussi de garder des zones de flou à des endroits où j'aurais été plus insistant dans mes questions par exemple (il y a des sujets qu'un chercheur peut investiguer en toute sérénité alors qu'un praticien restera dans le sous-entendu, dans le vague, sous peine de passer pour sous-informé et de perdre sa crédibilité).

Il me fallait inciter les personnes à se dévoiler, en amenant le débat sur les questions qui m'intéressaient, mais sans les orienter au point d'influencer les réponses. J’ai dû parfois bousculer les croyances de certains pour libérer leur parole;

à l'inverse, je devais éviter de heurter des croyances pour ne pas en braquer d’autres.

À chaque rencontre, je démarrais par une description de ma carrière antérieure, si elle n'était pas déjà connue par la personne : cela me permettait d'affirmer mon "appartenance" à la famille des financiers et/ou des dirigeants, avant de faire une brève description de mon objet de recherche.

J’ai utilisé un questionnaire (cf infra) pour interroger des personnes qui correspondaient à certains idéaux-types, ce qui m’a permis d’obtenir des points de vue confrontant mes propres présupposés. J’ai pu entendre des points de vue différents des miens qui m’ont permis d’interroger ma vision de l’entreprise. Cette ouverture vers des angles différents m’a permis d’éviter d’orienter inconsciemment les autres rencontres, dont le format était moins formel d’un point de vue sociologique et qui perdait en rigueur ce qu’il gagnait en spontanéité.

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Q1 : Comment percevez-vous votre parcours professionnel et votre rapport à votre travail ?

Q2 : Avez-vous déjà abordé ces questions avec des gens autour de vous dans l’entreprise ? Que vous auraient-ils alors confié à propos de :

• Leur rapport à leur fonction

• Leur rapport à leur hiérarchie

• Leur lien à leur organisation

• Leurs liens entre eux

Q3 : Comment avez-vous vécu les changements de l’industrie pendant les vingt dernières années ?

• L’internationalisation

• L’apparition des nouvelles technologies de l’information

• Les fusions

• Les changements réglementaires / Les risques

• La bulle internet / financière – son éclatement

• La crise financière de 2007-2008 s'agissait de délimiter le sujet aux risques pris par l'entreprise sans qu'il y ait eu de choix conscient, et donc des risques "opérationnels" dans leur acception la plus large:

un risque "financier" excessif pris par un opérateur sans que sa hiérarchie ne soit consciente de cette prise de risque devient un risque "opérationnel". Si l'on monte au cran le plus haut de la hiérarchie des sociétés, la logique reste la même : par exemple, un accroissement des risques réels de l'activité de l'organisation (risque d'assurance ou risque bancaire par exemple) décidée par les dirigeants, mais sans que les actionnaires n'en aient conscience peut également être considérée comme un risque opérationnel. Pour prendre un exemple contraire, faire un investissement qui se révèle une erreur stratégique parce que le contexte a évolué n’est en aucun cas un risque opérationnel.

J’ai été attentif à éviter trois choses en particulier : a) ne pas influencer mes interlocuteurs b) ne pas sélectionner préférentiellement dans leurs propos ce qui confirmait mes hypothèses, c) vérifier si mes hypothèses de départ étaient autre chose qu’une mise en forme du sens commun des professionnels de ma génération (les études de cas qui sont traités à part au chapitre 7 ont notamment pour objet de valider ou d’invalider ce point).

En formulant mon projet de recherche, j’étais porteur de ce que je pensais être le ’’bon sens professionnel’’, que je supposais partagé par beaucoup de mes interlocuteurs. Un ‘’bon sens’’ que j’avais déjà entendu, en privé tout au moins, échangé entre les professionnels dans leurs conversations ‘’off’’, même si c’était souvent codé ou à demi-mot. En d’autres termes, j’avais conçu mon projet de recherche en tant qu’’’indigène compétent’’, habité des mêmes croyances que les personnes que j’allais interroger.

Il me fallait dépasser ces croyances pour repartir du questionnement de mes ex-condisciples à propos de leur parcours professionnel, de leur évolution, et de leur perception du risque dans ce cadre. Sur cette base, je les amenais progressivement à parler des risques opérationnels et de leur vision des causes, notamment organisationnelles, techniques, humaines. Omniprésents dans le monde de la finance, ces sujets venaient assez naturellement dans la conversation mais indirectement, ce qui me permettait de récolter un matériel qui n’était pas pollué par mes propres croyances.

Il est intéressant de relever points d’accord et dissonances en décrivant les verbatim les plus intéressants, à travers des idéaux-types reflétant en partie le portrait des dirigeants français des multinationales financières de ma génération qui correspondent bien aux interlocuteurs que j'ai rencontrés.

Il m’a d’ailleurs semblé important de retranscrire quasiment intégralement trois des entretiens qui ont été menés. Trois cadres supérieurs, deux hommes et une femme, nous donnent une vision de leur carrière et de leurs entreprises qui - à travers leurs présupposés et leurs prismes particuliers - modère, contredit, ou appuie ma vision subjective de la réalité du monde de la finance (chap. 1).

4.3. Analyse secondaire d’enquêtes réalisées auprès des

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