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Les revenus villageois augmentent

Dynamiques agraires et économiques

V. UNE SITUATION ECONOMIQUE QUI S’AMELIORE

1. Les revenus villageois augmentent

L’amélioration de la situation économique dans les villages est saluée quasi unanimement dans les villages que nous avons visités. Que la croissance soit tirée par le travail au Mizoram, les revenus de la Malaisie, les cultures marchandes, l’élevage porcin, le commerce transfrontalier ou encore la cueillette et la coupe de bois, elle semble toucher l’ensemble des villages des col- lines Chin. Cette croissance manifeste ne doit pas pour autant faire oublier la pauvreté et la vulnérabilité de la grande majorité des paysans Chin. Il reste qu’avec l’augmentation des reve- nus, grâce à l’ouverture économique sous l’impulsion des besoins alimentaires et des flux mi- gratoires, les villageois vivent aujourd’hui dans de meilleures conditions qu’il y a vingt ans. Si

l’on regarde les dates à partir desquelles de nouvelles activités économiques se sont diffusées dans les villages, on conçoit la nouveauté de ce développement : tissage à Nabual (1995-2000), légumes à Phaizawl et Bualkhua (1990-2000), développement du travail au Mizoram (fin des années 1980 jusqu’à aujourd’hui), élevage porcin à Cinkhua ou à Mangkeng (1995-2005), etc. Certes les villageois étaient coutumiers de l’argent avant ces dates, mais la généralisation de ces activités à travers les départements Chin marque le début d’un développement économique réel qui, dans les villages et dans les capitales de département, se constate empiriquement. Les vêtements, les habitudes alimentaires, le développement des petits commerces, l’équipement des églises puis des maisons : autant d’éléments visibles qui permettent aux agents de l’IMF ainsi qu’aux villageois de nous assurer que depuis dix ans, les choses vont mieux. Systémati- quement, dans les villages où une caisse de crédit est implantée, les villageois ont fait le lien entre développement économique récent et présence de l’IMF. On pourrait y voir une forme de politesse à l’égard des deux signataires de la mission et des agents qui les accompagnaient, d’autant plus que sans recul ni comparaison dans le temps, il nous était difficile de mesurer, au niveau du village, le développement économique ainsi décrit.

De nombreux témoignages sont néanmoins venus étayer ces déclarations. Voici les éléments qui reviennent le plus souvent :

– le crédit aide les villageois à mieux gérer leur argent, à maîtriser les concepts d’investissement, de profits, de coûts ;

– la génération de revenus devient une contrainte dès lors que l’on a contracté un crédit. Les membres doivent chercher des revenus mensuels souvent non liés à l’objet de leurs investisse- ments, et s’assurer du succès de leur entreprise pour pouvoir rembourser le crédit ;

– les crédits ont permis à l’ensemble des villageois de dupliquer un modèle économique que des pionniers avaient mis en place ;

– avec la succession des crédits et le succès de certains membres, les villageois ont cherché à diversifier leurs activités et du coup, ont augmenté les revenus de leurs familles.

L’élément qui est au cœur de l’impact des activités de l’IMF, et qui revient le plus souvent lors de nos entretiens, est bien entendu l’accessibilité : le crédit qui devient accessible à tous dans un village donné permet à une majorité de villageois d’améliorer la situation économique de leurs familles, en développant des activités existantes ou en en créant de nouvelles. Les villa- ges bénéficient bien évidemment de ce dynamisme et c’est ce qui fait dire à tous les villageois rencontrés que la situation économique de leur village s’améliore.

De même, 80 % des familles interrogées déclaraient que leur situation s’était améliorée depuis l’année 2000. 74 % des familles affirmaient qu’en 2005 elles avaient généré plus de revenus qu’en 2004. Ceci nous a d’ailleurs été confirmé par les pasteurs, heureux de voir que les cotisa- tions au 1/10e des villageois dépassaient les objectifs fixés pour l’année et ce, trois mois avant la clôture de celle-ci (les dons pour une année peuvent être versés jusqu’au 31 janvier de l’année suivante).

1.1 De l’amélioration de la nourriture et de la santé

Lorsque l’on demande aux familles de préciser en quoi leur situation s’est améliorée, le pre- mier critère cité est celui de la nourriture : les familles se nourrissent mieux. À la trilogie maïs- riz-pommes de terre viennent s’ajouter des petits légumes, des protéines animales sous forme d’œufs, de volaille et de viande lorsque la chasse est bonne, ou qu’une occasion se prête à l’abattage d’un porc. La généralisation de l’utilisation de l’huile de cuisson est accueillie par les villageois comme une étape importante dans l’évolution de leurs habitudes culinaires. Les familles mangent plus et parfois mieux (curry, viande, etc.).

Elles voient dans l’amélioration de leur alimentation la première raison d’une meilleure santé. Malgré les rechutes, les ressources financières du foyer ou des voisins permettent de faire face aux maladies grâce à l’achat croissant de médicaments ou, le cas échéant, de brefs séjours dans les cliniques de la ville la plus proche. Si le système de santé reste déplorable, à l’image de ce qu’il peut être partout au Myanmar, les dépenses, elles, augmentent et l’utilisation croissante de médicaments semble satisfaire les familles qui, bien évidemment, donnent priorité à la santé des leurs.

1.2 De l’amélioration de l’habitat

Un autre point sur lequel les villageois insistent concerne l’amélioration de l’habitat matériali- sé par la rénovation ou la reconstruction des maisons et par la nouvelle prédominance des toits en tôles ondulées plutôt que des toits en paille ou en bardeaux. Ainsi, la construction des mai- sons fait un appel croissant à des matériaux non produits ou disponibles dans les villages, la tôle ondulée, les fenêtres en verre, les câbles électriques venant s’ajouter aux clous auxquels les villageois ont recours depuis longtemps. L’accès à l’eau potable s’est fortement amélioré, en général grâce à l’intervention du programme CDRT mené par le Pnud depuis le début des années 1990, et certains villages (huit parmi ceux visités) se sont aussi également équipés en électricité entre 1996 et 2005 ou ont installé le téléphone (Mualbeem en 2004, Tek Lui en 2003, Chunchung). L’équipement en électricité de certains villages ou de certaines maisons (installations individuelles de panneaux solaires achetés en Inde, 200 dollars), ne se traduit pour le moment que par un confort accru dans les maisons, comme avec l’apparition de cer- tains postes de télévision. Son usage à des fins économiques n’est pas encore évident, les puis- sances restant limitées. On retrouve néanmoins à Phaizawl un moulin électrique (corn ponder), permettant de moudre la farine de maïs, si précieuse pour l’élevage porcin. Sur les 122 familles de notre échantillon, 49 avaient, depuis 1995, procédé à une rénovation majeure dans leurs habitations (au minimum changement du toit).

Tableau 8 : Les logements des familles de notre échantillon Paille / Dalle bois Ardoises / Chutes de tôle Tôle de fer

Toits

18 17 87

Pièce unique Cuisine-salon Cuisine séparée

Cuisine

12 60 50

Latrines Eau Électricité Téléphone

Équipement 77 71 31 8 1 2 3 4 et + Moyenne Nombre de pièces 44 37 32 9 2 1.3 De l’importance de l’éducation

Un signe très important d’amélioration est la possibilité qu’ont de plus en plus de familles de maintenir les enfants à l’école. Longtemps la scolarité des villageois a été dépendante des in- frastructures scolaires existantes au sein des villages ou dans un rayon de marche proche. Dans les années 1960, la migration forte vers les villes et les plaines est entre autres alimentée par ces insuffisances et par le souhait croissant de donner priorité à l’éducation des enfants. Avec le développement de communautés issues d’un village donné dans une ville disposant de collè-

ges (Middle School, 5-7th

standard) et de lycées (High School, 8-10th standard), certains villa- geois ont pu envoyer leurs enfants dans les villes chez des proches afin qu’ils y poursuivent leurs études. L’étape suivante, directement liée à la croissance des revenus, est matérialisée par le développement dans les villes de pensionnats privés ou de foyers accueillant la masse crois- sante de jeunes villageois envoyés par leurs parents terminer leurs études. Ces derniers visent l’obtention du fameux “Matriculation”, diplôme sanctionnant la fin des études régulières et unique sésame pour accéder aux universités de Kale ou de Mandalay et Yangon pour les plus doués (et aisés). Une formule très présente à Falam, moins onéreuse pour les familles, est celle de louer une chambre dans laquelle le jeune adolescent vivra seul les premières années, jusqu’à l’arrivée éventuelle de ses cadets et benjamins à leur tour assez âgés pour poursuivre leurs étu- des à la ville. Ces jeunes pas plus vieux que 13-14 ans vivent autonomes, avec un petit pécule que leurs parents renouvellent à chaque congé scolaire. Lorsqu’une pension coûte jusqu’à 10 000 MKK par mois, que les foyers en coûtent 5 000 MKK, les chambres ainsi louées ne dépassent pas les 2 000 MKK mensuels. Les coûts sont de plus en plus importants et devien- nent parfois exorbitants lorsqu’on les compare aux ressources familiales.

Ainsi, une année scolaire dans une classe gouvernementale du village coûtera entre 10 000 MKK et 25 000 MKK à la famille en fonction de la présence ou non d’instituteurs privés. L’envoi d’un enfant dans une autre ville pour suivre sa scolarité coûtera entre 85 000 et 200 000 MKK en fonction du logement retenu. Un semestre à l’université coûte 300 000 MKK, et l’université par correspondance (Distant University) revient à 60 000 MKK par se- mestre.

Si l’on compare les niveaux de scolarisation atteints par les villageois avec lesquels nous nous sommes entretenus (6e niveau) et celui de leurs enfants (9e niveau), on voit que l’éducation est aujourd’hui en progression dans les villages Chin. Reste à savoir si les investissements, parfois très lourds, payés par les familles permettent un réel développement par l’éducation. Les taux de réussite à l’examen de “matriculation” restent très faibles (inférieurs à 25 %) et les diplô- mes universitaires semblent pâtir de la politique gouvernementale en matière d’éducation.

Tableau 9 : Progression du niveau scolaire moyen atteint par les villageois Chin depuis 1935 Avant 1945 1946- 1950 1951- 1955 1956- 1960 1961- 1965 1966- 1970 1971- 1975 Après 1975 Moyenne Générale

Niveau scolaire moyen atteint par villageois selon

son année de naissance 4,6 3,0 4,6 6,3 5,4 6,1 6,0 6,2 5,7 Niveau scolaire moyen

atteint par leurs enfants 7,7 8,0 8,6 8,8 9,1 8,6 9,9 9,5 9,0

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