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Hakha / Tedim / Falam : des économies départementales différentes ?

Une méthodologie unique face à la diversité des membres

1. Hakha / Tedim / Falam : des économies départementales différentes ?

Au risque de caricaturer, nous avons tenté de caractériser chacun des départements de Hakha, Falam et Tedim en fonction des stratégies économiques qui y sont développées. Cette distinc- tion, qui suit les frontières administratives, a sa pertinence et surtout son intérêt lorsque l’on sait que l’institution est elle-même organisée en trois pôles départementaux.

1.1 Hakha : Un modèle agricole vivrier à bout de souffle

Département le plus au sud des trois, il est avant tout celui de la capitale Chin. Un élément fondamental qui caractérise les villages de Hakha est l’étendue de leurs espaces villageois, bien supérieure à celle des villages des départements de Falam et Tedim. Les villageois n’ont pas su exactement nous en expliquer la raison : l’immigration Chin étant historiquement venue du nord (Kachin) et de la région de Kale, on peut se dire que les Chin se sont plus concentrés dans les régions de Tedim et de Hakha. Il y a également des considérations géographiques, les pen- tes plus clémentes et les cours d’eau plus nombreux ayant facilité pour les villageois la gestion d’espaces plus vastes que dans les montagnes escarpées de Falam.

Le développement des terrasses rizicoles y a été beaucoup plus important que dans les deux autres départements : toujours en lien avec les facteurs géographiques mentionnés précédem- ment, et sans doute amplifié par l’éloignement plus important des villages de Hakha des plai- nes rizicoles de Kale. L’importance des espaces villageois moins pentus favorise également l’existence de pâturages et donc de l’élevage bovin et de l’élevage de mithans, plus développé qu’à Falam ou Tedim. Cette plus grande facilité d’élever des bœufs et des buffles est un autre élément qui favorise la riziculture. Les espaces villageois étendus recèlent également de denses forêts, elles aussi plus facilement exploitables pour les villageois qui voudraient en tirer un revenu. Ces éléments sont favorables à l’existence et à la persistance d’un système agricole mixte basé sur la culture vivrière du maïs sur essarts et du riz sur terrasses, sur l’exploitation de

la forêt, sur le maintien des activités d’élevage et sur le développement des activités maraîchè- res sous la forme de plantation croissante d’arbres fruitiers.

En pleine croissance depuis le changement administratif de la capitale au début des années 1970 (1975, sous le régime socialiste), la ville de Hakha (40 000 habitants contre 50 000 pour tout le département de Falam) est devenue un pôle moteur d’activités pour les villages aux alentours (fruits et certains légumes, petit élevage, tissage, construction de maisons, alimenta- tion en bois de chauffe…). Ainsi, les villageois ont des opportunités de travail plus nombreuses et mieux rémunérées que leurs voisins de Falam et Tedim. Celles-ci permettent d’ajuster des revenus familiaux qui découlent principalement des séjours saisonniers au Mizoram voisin. Ayant pu, plus longtemps que leurs voisins, se satisfaire des cultures vivrières au sein du vil- lage, ayant connu plus tardivement l’influence de la colonisation anglaise basée à Falam, les villages de Hakha sont restés enclavés plus longtemps. L’éducation y a fait plus lentement son chemin (en moyenne fin du primaire, 5e niveau pour les villageois de Hakha, contre fin de middle school, 7e niveau pour les villageois de Falam). Encore aujourd’hui les résistances sem- blent plus fortes face aux changements. Beaucoup de villageois sont aujourd’hui confrontés aux limites de la culture vivrière qui ne permet plus l’autosuffisance et pâtissent du retard pris sur leurs voisins en termes de sédentarisation des cultures et de développement des activités maraîchères. Les arbres fruitiers font doucement leur chemin et certains villageois essayent de développer des activités traditionnelles (élevage, pisciculture) à des fins commerciales. La no- tion d’entreprise semble y être plus floue. On ne parle toujours que très peu de culture maraî- chère, alors que les meilleures terres sont monopolisées par les rizières et l’intensification sou- haitée de l’élevage de porcs semble butter sur la baisse croissante des rendements agricoles des surfaces cultivées, qui contribue d’ailleurs à une autosuffisance alimentaire maintenant infé- rieure à celle constatée dans certains villages de Falam ou de Tedim, là même où les terrasses rizicoles n’existent pas.

En ce qui concerne l’implantation de l’IMF, on constate dans le département de Hakha une utilisation des crédits moins concentrée sur les activités génératrices de revenus, un taux d’échecs déclaré plus fort et des utilisations équivoques croissantes. Il est difficile de trouver une opportunité d’investissement productif pour les crédits dans des villages où les familles misent principalement sur le capital humain et privilégient le salaire tiré de la location de la main-d’œuvre au bénéfice généré par une entreprise. Aujourd’hui, les villageois du département Hakha rêvent de pouvoir envoyer un des leurs en Malaisie, signe que les stratégies ne sont pas à la création ou au développement d’entreprises familiales, mais plutôt à la recherche d’opportunités de travail toujours mieux rémunérées.

1.2 Falam : La réussite de la révolution agricole

Coincé entre Hakha et Tedim, le département de Falam est celui de l’ancienne capitale admi- nistrative au moment de la colonisation anglaise. Face à l’impossibilité pour les villageois de Falam de planter du riz, le besoin de générer des revenus pour les villageois va pousser ces derniers à envisager la culture à des fins marchandes. Avec le développement de la pomme de terre puis des légumes, les villageois vont étendre les surfaces de leurs jardins et mettre en culture des surfaces permanentes qui viennent réduire l’espace traditionnellement dédié aux essarts. Bientôt, sur une même surface, les villageois exploitent cultures vivrières et marchan- des et améliorent leurs rendements. Les cultures marchandes permettent aux villageois de dé- gager des revenus croissants ; elles leur permettent également d’apprendre à gérer leurs activi- tés économiques. Cette logique marchande se retrouve dans l’introduction de nouvelles plan- tes, oléagineuses principalement et petits pois, qui sont elles aussi commercialisées. Au- jourd’hui, grâce à l’amélioration des rendements, notamment ceux des cultures de la pomme de

terre, on constate chez les familles rencontrées une autosuffisance moyenne plus importante que chez les familles de Hakha.

Les activités marchandes et commerciales y sont beaucoup plus développées, signe d’une ou- verture plus précoce et plus aboutie, matérialisée également par une meilleure éducation moyenne des villageois. Les villages de Falam ont sans doute une expérience plus ancienne dans le domaine, grâce à la présence des administrateurs anglais (qui par exemple créeront des villages de toutes pièces en périphérie de Falam, afin que des fermiers y produisent pour ré- pondre aux besoins des « citadins »). De même, la proximité avec Kale permet plus facilement au commerce de se développer. Dans le village de Tashon par exemple, on a longtemps produit des pots en argile ainsi que des étoffes, vendues dans les plaines, avant que l’aluminium indien et la mécanisation du tissage à Kale ne viennent anéantir le marché, forçant l’ensemble des villageois de Tashon à se convertir aux activités maraîchères au début des années 1990.

Les villages du département sont de petite taille et peu peuplés, et l’émigration à destination de Falam ou des plaines y est très importante. Cela constitue une préoccupation croissante pour l’IMF dont les caisses villageoises prospèrent sainement dans le département, mais qui ne semble plus trouver de villages suffisamment peuplés pour ouvrir de nouvelles caisses.

1.3 Tedim : Commerce et dynamisme économique

Nous avons moins longtemps séjourné dans le département de Tedim qui aujourd’hui n’accueille que onze VCS. L’institution y a connu quelques difficultés qu’elle a finalement su résoudre mais qui, encore aujourd’hui, brident les intentions de développement dans ce dépar- tement pourtant particulièrement dynamique économiquement. Nous avons exposé en première partie la question de la concentration des extrêmes qui a eu de tout temps tendance à se déve- lopper dans ce département. Revenons néanmoins rapidement sur les points marquants.

Coincé entre les plaines de Sagaing et le riche État du Mizoram, le département de Tedim est celui du commerce. Commerce transfrontalier en particulier. De nombreux villages, contraints comme à Falam de renoncer aux terrasses rizicoles, ont également développé les cultures ma- raîchères et les productions agricoles destinées au marché indien. La culture sur lots indivi- duels, dont la mise en place est plus ancienne qu’à Falam ou Hakha, favorise les cultures d’hiver (oléagineux, légumes). Tedim semble un niveau au-dessus en termes de culture éco- nomique, de recherche de valeur ajoutée, de gestion de l’argent. Cela s’illustre notamment par la véritable spécialisation de certains villages dans un type précis d’activités (élevage de che- vaux, légumes, petite transformation, commerce).

On retrouve par ailleurs une solidarité familiale de tous les instants. Si l’émigration des villa- geois de Tedim vers les plaines et vers Yangon est ancienne, les familles restent néanmoins très soudées et les réseaux familiaux sont mis à contribution pour le développement des activi- tés génératrices de revenus (en particulier dans le commerce) dont les bénéfices permettront de venir en aide aux autres membres de la famille. Il est enfin à noter que les villages sont beau- coup plus peuplés que dans les départements de Falam et de Hakha. Ceci permet aux villages de s’appuyer plus facilement sur la communauté pour mettre en œuvre des investissements communautaires, tels l’électrification des villages et l’installation du téléphone.

1.4 Approches départementales ?

Chaque entité départementale a su identifier les enjeux spécifiques du développement de l’institution dans sa zone d’activités respectives : l’équipe de Tedim, marquée par les diffi- cultés du passé, reste extrêmement prudente dans son développement, y compris dans des vil- lages où les activités se déroulent bien (Laamzang, Tek Lui) ; celle de Falam s’inquiète de la

réduction de la population dans les villages où elle opère ; et l’équipe de Hakha s’interroge sur les retombées perceptibles de son action dans certains villages… Le plan d’actions de l’IMF tente ainsi de s’adapter aux spécificités de chacun de ces départements et le comité directeur, parfois tiraillé par les divergences d’intérêts des trois managers départementaux qui le compo- sent, cherche à décliner sa stratégie par département.

Reste à s’assurer que la stratégie d’un département prend suffisamment en compte les particu- larités des caisses villageoises qui s’y trouvent : les différentiels de croissance démographique, de taille des villages, de dynamique économique au sein d’un village, des utilisations producti- ves ou non des crédits, montrent la nécessité d’une adaptation de la stratégie village par village plutôt que d’une politique départementale généralisatrice qui colle parfois mal aux réalités d’un village donné.

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